Valentina Nafornita en mode enchanteur

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Romance. Récital de Valentina Nafornita. Extraits d’œuvres de Mozart, Tchaïkovsky, Dvořák et Doga. 2019. Livret en allemand, en anglais et en français. Textes reproduits en langue originale, traduction anglaise. 56.06. BR Klassik OMF 705.

Valentina Nafornita, née en 1987 en Moldavie où elle est surnommée « Le Rossignol », signe un premier récital en CD qui se révèle délicieux. Ce soprano lyrique léger s’est perfectionné au Conservatoire supérieur de musique de Bucarest après avoir débuté ses études musicales dans son pays natal. Elle a fait partie de la troupe de l’Opéra National Roumain avant de devenir membre du Wiener Staatsoper où elle a chanté Mozart et du bel canto. En 2011, Nafornita est lauréate de plusieurs prix au BBC Cardiff Singers, dont le Prix du Public « Dame Joan Sutherland » ; elle y est aussi finaliste dans la catégorie du lied. Sa carrière se poursuit à Salzbourg dès 2014, puis à Paris en 2016 où on la retrouve notamment dans Werther aux côtés de Juan Diego Florez et de Joyce Di Donato. Nafornita se produit aussi à Milan, Rome, Lausanne, Amsterdam, Edimbourg, et jusqu’en Chine. On a pu la découvrir dans un DVD EuroArts de 2014 : elle y incarnait une adorable Zerlina dans Don Giovanni de Mozart, à Vienne, sous la direction de Christoph Eschenbach. 

Le programme du premier CD de Nafornita comprend en toute logique des extraits d’opéras de Mozart, qu’elle déclare adorer chanter, mais aussi des pages qui lui conviennent à merveille, comme la suggestive et envoûtante Chanson à la lune de la Rusalka de Dvořák ou, de Tchaïkovsky, la Romance op. 47/7 et deux airs langoureux de Iolantha, opéra qu’elle a interprété à Paris avec succès. Cette cantatrice à la voix riche en harmoniques et en expressivité sait donner à ces pages lyriques une saveur à la fois tendre et mélancolique, mais aussi une couleur et un parfum à l’intérieur desquels perce une délicate sensualité. Nafornita explique dans la notice que la Chanson à la lune lui a toujours porté chance et qu’elle a chanté cet air lors de sa victoire à Cardiff. Elle y est ensorcelante. On ne peut qu’espérer qu’une production lui offrira l’opportunité du rôle complet. Le programme comprend aussi trois pages du compositeur moldave Eugen Doga, né en 1937, que Nafornita met ainsi en lumière. Il s’agit de jolies mélodies inspirées du folklore local, à contenu sentimental, qui sont servies ici avec finesse, délicatesse et émotion. L’une d’entre elles est symbolique de l’attachement que Nafornita voue à la mémoire de son père ; on sent qu’elle s’investit avec cœur dans cet arbre généalogique.

La moitié du programme est dévolue à Mozart : dans l’air de Zerlina de l’acte II de Don Giovanni « Vedrai carino, se sei buonino », la cantatrice fait la démonstration de ses qualités vocales centrées sur la subtilité et le charme, que d’aucuns estimeront sans doute un peu trop sombre dans ce répertoire. Dans les airs choisis des Noces de Figaro (Récitatif et Air de Suzanne « Giunse alfin… deh vieni non tardar »), d’Idoménée (Récitatifs et Airs d’Ilia : « Quandro avran fine o mai… Padre, Germani, addio ! » et « Solitudini amiche… Zeffiretti lusinghieri ») et de Zaïde (Air « Ruhe sanft, mein holdes Leben », on constate que la tessiture de l’aigu est parfois en proie à de minimes résistances : comme sa silhouette gracile (attestée par des photographies dans le livret) tend à le faire supposer, la voix de Nafornita est un instrument qui ne joue pas sur l’éclat, mais plutôt sur une éloquence suggestive. On se laisse prendre par un timbre souple, capable d’ornementations fascinantes. Le vibrato est bien contrôlé, il s’inscrit avec intelligence dans l’ambiance générale, qui est, répétons-le, celle de l’élégance, du raffinement, de la séduction et, en fin de compte, d’un glamour suave auquel on a n’a ni la possibilité ni l’envie de résister.

Enregistré en juin 2019 dans les studios de la Bayerischer Rundfunk, ce récital/carte de visite est accompagné par le Münchner Rundfunkorchester, confié à la baguette de Keri-Lynn Wilson, cheffe canadienne, née à Winnipeg en 1967, qui a été associée au Symphonique de Dallas, avant d’être nommée en Slovénie. Wilson poursuit une carrière fournie dans le domaine lyrique et a dirigé maints opéras dans le monde entier. Elle se révèle une vraie complice pour Nafornita, à laquelle, avec la complicité de la phalange munichoise, elle offre un écrin attentif et soyeux.  

Son : 9  Livret : 8  Répertoire : 8  Interprétation : 8

Jean Lacroix

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