Voces8 et BEvocal à Bozar

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C’est devant le public déjà conquis de Bozar que Voces8 et BEvocal présentaient leur concert collaboratif ce mercredi. En effet, cela fait plusieurs années que l’octuor d’élite anglais Voces8 participe au Singing Brussels Celebration de la maison. Paul Smith, chef de Voces8, ne manque pas l’occasion de chauffer la salle. Dès qu’il mentionne Singing Brussels, les cris et applaudissements font comprendre que le public est rempli de mordus du chant choral. Il les prévient d’ailleurs qu’ils seront amenés à chanter plusieurs fois pendant le concert. Connaissant l’engagement de l’octuor envers sa mission pédagogique (publication d’une méthode, ateliers dans les écoles, collaboration avec l’université de Cambridge, programme de formations pour jeunes chanteurs en début de carrière…), il n’est pas surprenant de le voir partager la scène avec un chœur de jeunes amateurs belges.

BEvocal, chœur national des jeunes de Belgique, est né en 2017 d’une coopération entre les fédérations chorales des trois communautés linguistiques du pays. Si après seulement 2 ans de travail, ces jeunes de 18 à 30 ans parviennent déjà à offrir une performance de qualité remarquable, on se réjouit de voir l’évolution lorsque l’ensemble gagnera en maturité sous la direction experte de Maria Van Nieukerken ! En tant que nouveaux ambassadeurs du chant choral de haut niveau en Belgique, on peut dire qu’ils ont pleinement mérité leur place aux côtés d’un ensemble professionnel de renommée tel que Voces8.

Le répertoire de prédilection des deux chœurs et leurs choix esthétiques étant assez proches (notamment pour le vibrato peu présent), la rencontre était plus que réussie. Il est encore plus touchant de voir que ce ne sont pas toujours les professionnels qui tirent les amateurs vers le haut. BEvocal, friand d’extravagances scénographiques, amène les élégants pros britanniques à sortir de leur zone de confort en fin de première partie pour se prêter au jeu de BiBaBo, une œuvre de Simeon Ten Holt sans paroles qui raconte pourtant tant d’histoires ! Tantôt un groupe fait entièrement place à l’autre, tantôt ils partagent la scène sous forme de doubles chœurs qui se répondent, et quelques fois ils se mélangent pour ne plus faire qu’un.

La première partie, très planante, constituée majoritairement de musique sacrée, nous offre de délicieux moments d’intériorité. Lorsque Voces8 ouvre le bal avec le Regina Coeli de Tomas Luis de Victoria, on est impressionné par l’homogénéité et la justesse, d’une qualité semblable à celle de leurs enregistrements en studio. Leur performance ébahit le public tout au long du concert ; un homme ne peut se retenir de crier « BRAVO ! » à ce qu’il croyait être la fin d’un morceau de Jake Runestad (dont le titre est justement Let my love be heard ... Nous pouvons dire que his love was indeed heard !). BEvocal choisit de commencer par l’Ave Verum de Camille Saint-Saëns, en cercle sur scène. On a l’impression de s’incruster dans un moment intime entre les choristes et leur cheffe. Mais ils ne chantent pas que pour eux et le prouvent dans leur interprétations d’une merveilleuse berceuse de Carl Nielsen : les choristes quittent lentement la scène pour venir adresser leur chant à un spectateur de leur choix. Un exercice qui peut rapidement virer au malaise mais réalisé ici avec beaucoup de courage par ces jeunes qui parviennent à maintenir un contact visuel sincère et détendu tout au long de l’exécution. Maria Van Nieukerken s’assied et laisse ses choristes s’écouter entre eux et prendre leurs responsabilités ; c’est un exercice de confiance à tous les niveaux ! Nous voilà entourés d’une douce enveloppe sonore. On s’émeut de distinguer davantage les belles petites imperfections de chaque voix individuelle qui participe pourtant à un tout si harmonieux. Comme promis, le public est invité à participer au chant et aux bruitages de la pluie dans Music on the Waters de Jonathan Dove, compositeur en résidence depuis 2 ans pour Voces8. On trouve d’ailleurs beaucoup de compositeurs vivants au programme de ce concert : sept sur dix-sept !

En deuxième partie, airs populaires, classiques du jazz et autres surprises sont au rendez-vous. Voces 8 nous dévoile ses petites « choral-ographies » amusantes (leur jeu de mot, pas le mien !) pour jouer aux crooners dans Sway ou pour agilement chanter une syllabe sur deux en alternance dans la One note samba. BEvocal se montre plus intuitif en bougeant librement au son de Agua de beber et en jouant énormément sur les couleurs sonores et les expressions corporelles variées dans des pièces telles que le medley de tubes de la musique classiques Name that tune de Grayson Ives. On voit le public sourir régulièrement, encore plus lorsqu’il est amené à chanter ! De quoi nous réconforter : le chant choral belge n’est pas mort si l’on continue à le nourrir d’initiatives si créatives et inspirantes pour les acteurs de l’éducation musicale.

Bruxelles, Bozar, le 2 octobre 2019

Crédits photographiques : BEvocal / DR

Aline Giaux, Reporter de l’IMEP

 

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