Voyage musical panaméricain avec Naxos : USA, Mexique et Brésil

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Différentes parutions récentes du label Naxos mettent à l’honneur des compositeurs du Nouveau monde. Certes, toutes ces parutions ne sont pas foncièrement des indispensables, mais elles contribuent avec talent et compétence à élargir nos horizons musicaux avec des propos éditoriaux et artistiques particulièrement pertinents.   

William Grant Still (1895-1878) : Cant’you Line ‘Enm, 3 Visions n°2 Summerland, Quit Dat Fool’nish, Pastorela, American Suite, Fanfare for the 99th Fighter Squadron, Serenade, Violon Suite, Threnody: In Memory of Jean Sibelius. Zina Schiff, violon. Royal Scottish National Orchestra, Avlana Eisenberg. 2018. Naxos. 8.559867. 

Figure majeure de la musique étasunienne et pilier de l'émergence de musique afro-américaine, William Grant Still est l’auteur d’un corpus impressionnant d’opéras et de symphonies, mais il est également l’auteur de pièces de genre et de circonstances présentées par cet album Naxos.

On découvre une musique très naturaliste, assez néo-romantique et parsemée de rythmes et mélodies afro-américaines. La maîtrise de l’écriture et de l’orchestration en imposent et on aime ces œuvres qui se déploient avec style  Cant’you Line ‘Enm, 3 Visions n°2 Summerland, Quit Dat Fool’nish, Pastorela. 

Changement de registre avec la pétulante Fanfare for the 99th Fighter Squadron en hommage aux héros aviateurs de la Seconde guerre mondiale et au sincère et profond Threnody: In Memory of Jean Sibelius. On affectionne beaucoup la fine poésie de la Violon Suite de 1943 qui nous peint en musique les impressions de trois oeuvres d’art : African Dancer une statue en bronze de Richmond Barthé (Whitney Museum New York), Mother and Child, une lithographie de Sargent Johnson (Museum of Modern Art, San Francisco) et Gamin, un buste en bronzer Augusta Savage (Smithsonian, Washington).

Les interprètes :  Zina Schiff au violon et la cheffe Avlana Eisenberg au pupitre du brillant  Royal Scottish National Orchestra sont d’un engagement total pour faire revivre cette belle musique dont différentes pièces devraient stimuler les programmateurs. 

Note globale : 9 

Two Classic Political Scores. Silvestre Revueltas (1899-1940) : Redes. Aaron Copland (1900-1990) :  The City.  PostClassical Ensemble, Angel Gil-Ordóñez. 2007 et 2014. Naxos. 8.574350.

Naxos sort en audio les bandes originales de musiques de films de l’Américain Aaron Copland et du Mexicain Silvestre Revueltas (nous avions chroniqué le DVD à sa sortie).   Notons que pour Redes de Revueltas, il s’agit de la version intégrale de la musique de film et non la suite compilée par Erich Kleiber qui a parfois les honneurs des programmations et des albums. Avec Revueltas, on plonge au cœur de la vie misérable de ces pêcheurs dans des paysages infinis de plages sableuses écrasées par le soleil. La musique est évocatrice d'une violence humaine et sociale dans ses contrastes saillants portés par des cuivres abrasifs et une instrumentation très primitive dans ses effets. 

Contrastes de ton avec The City de Copland ! L orchestration est évocatrice d’un univers étasunien urbain et encore en pleine Révolution industrielle et son urbanisation déraisonée. Ce monde citadin qui commence aux frontières des villes nous fait évoluer vers les usines et dans les entrailles d'une ville emportée par ses activités propices au mal-être. La fin nous présente en conclusion une ville rêvée et hygiéniste, agencée avec respect des humains et qui procure le bonheur. Si le film a passablement vieilli, la musique, comme toujours chez Copland, se suffit à elle-même par sa force narrative et sa capacité à peindre les scènes du quotidien citadin.  L’interprétation du  PostClassical Ensemble sous la baguette d'Angel Gil-Ordóñez est excellente 

Note globale : 9 

Claudio Santoro (1919-1989) : Symphonie n°5 et n°7 “Brasilia”. Goiás Philharmonic Orchestra, Neil Thomson. 2018. Naxos. 8.574402. 

Le label Naxos commence une intégrale des 14 symphonies du compositeur, violoniste chef d’orchestre et pédagogue brésilien Claudio Santoro. Élève de Nadia Boulanger pour la composition et d’Eugène Bigot pour la direction d’orchestre, il fit sa carrière au Brésil dans des institutions comme l’Orchestre symphonique du Brésil ou l’Orchestre du Théâtre national de Brasilia. Professeur à l’Université de Brasilia, il laisse une œuvre imposante qui est encore trop peu connue. 

Les deux symphonies présentées ici furent composées dans les années 1960 et elles respectent les codes classiques avec 4  mouvements chacune et une maîtrise organique de la construction des thèmes et des mélodies. On tient une musique puissante, solidement architecturée et qui se plaît à faire transparaître des  rythmes et des citations des musiques du Brésil. Ces deux symphonies témoignent d’un puissant naturalisme mâtiné d’une couleur locale bien intégrée. 

La Philharmonie de Goiás fait ses débuts au disque dans le cadre de cette série Naxos consacrée aux compositeurs brésilien. Cette phalange porte le nom d’un Etat Brésil et a été fondée en 1980. Le Britannique  Neil Thomson en assure la direction musicale depuis 2014 et il sera la cheville ouvrière de cette intégrale. Sa direction est solide : elle maintient la vaste architecture orchestrale et fait scintiller les rythmes populaires. 

Note globale :  9 

César Guerra-Peixe (1914-1993) : Suite symphonique n°1 “Paulista”, Roda de Amigos, Suite symphonique n°2 “Pernambucana”.  2016. Goiás Philharmonic Orchestra, Neil Thomson. Naxos. 8.573925.  

On retrouve le valeureux Goiás Philharmonic Orchestra dans un album consacré à des oeuvres de César Guerra-Peixe. Compositeur de nombreuses musiques de films et de documentaires brésiliens, ce musicien s’intéressait aux nombreux courants de la musique populaire des régions du Nord Est du Brésil et des environs de la ville de Recife. Son travail d’ethnomusicologue fait encore figure de référence et son ouvrage Os Marabouts do Recife est un classique du genre.  Dès lors, sa musique est colorée, rythmée et foncièrement dansante. On apprécie une orchestration souvent fine qui respecte l’essence de ces musiques et ne cherche pas à en faire du barnum symphonique en technicolor. Avec Roda de Amigos, est tient une superbe partition ciselée comme un diamant  dans la droite ligne des illustres Chôros :  4 solistes de vents (Flûte, hautbois, clarinette et basson) dialoguent avec l’orchestre. Chacun des instruments dresse un portrait musical d’amis du compositeur : c’est musical, élégant, chantant et même goguenard.  On se plait à réécouter  la Suite symphonique n°2 “Pernambucana”, une transe instrumentale chorégraphiée dans un festival de couleurs éclatantes tel un défilé carnavalesque endiablé. 

L’orchestre brésilien est engagé et idéalement musical sous la baguette de  Neil Thomson.

Note globale : 9 

Pierre-Jean Tribot

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