Un Ariodante roboratif au Palau de la Mùsica catalana

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À propos de l’Astarto de Bononcini présenté juste en deux soirées au dernier Festival d’Innsbruck, j’écrivais ici sur les difficultés que rencontre actuellement l’opéra baroque pour trouver une vie sinon paisible, du moins normalisée dans la pratique musicale courante. Généralement conçues pour des ensembles musicaux de moyenne envergure, sans chœurs ou grands orchestres, les maisons d’opéra les programment peu car ils doivent tirer parti de l'ampleur de tous leurs corps stables, mieux adaptés aux ouvrages du XIXe ou XXe siècles. Dans ce sens, on comprend parfaitement l’initiative barcelonaise d’accueillir cette production, actuellement en tournée, en version concert. Ces problèmes sont, hélas, aussi vieux que l’opéra car Händel lui-même transforma quelquefois ses projets d’opéra en différents oratorios par manque de financement scénique… Disons aussi que l’enjeu dramatique n’est pas le principal attrait de cette pièce, remarquable par la beauté et l’émotion prégnante de certains airs. Et la beauté architecturale de cette célèbre salle de concerts peut aider le spectateur curieux de rêves à imaginer des scènes voluptueuses… 

Brahms et Bruckner par Rudolf Kempe à Munich

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Johannes Brahms (1833-1897) : Intégrale des symphonies, Variations sur un thème de Haydn.  Münchner Philharmoniker, Rudolf Kempe. 1974/1975.  Livret en allemand et anglais. 3 CD Profil Hänssler. PH20037

Anton Bruckner (1824-1896) :  Symphonie n°4 en mi bémol majeur dite « Romantique », WAB 104 (version 1878/1880) ;  Symphonie n°5 en si bémol majeur, WAB 105. Münchner Philharmoniker, Rudolf Kempe. 1975/1976. Livret en allemand et anglais. 2CD Profil Hänssler.  PH20038.

Une vision transgressive de vieux classiques… 

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Franz Joseph Haydn (1739-1809) :  Sonate n°16 en Ré majeur, Hob, XVI/14 ; Sonate n°46 en Mi majeur, Hob. XVI/31 ;  Sonate n°38 en Fa majeur, Hob. XVI/23 ; Sonate n°60 en Ut majeur, Hob. XVI/50 ; Sonate n°31 en La bémol majeur Hob. XVI/46 ;  Sonate n°33 en Ut mineur, Hob. XVI/20. Josu de Solaun, piano. 2021. Livret en espagnol et anglais. 2 CD LBS Classical. Lbs5252021.  

La sélection du mois de novembre de 2022

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Nous commençons ce mois de novembre avec deux beaux concerts au Grand manège de Namur avec un premier concert nommé Les dames de Cavalli, un hommage aux grandes compositrices du baroque italien ! Un concert avec la soprano Mariana Flores accompagnée de la  Cappella Mediterranea (17 novembre). Place à la musique de notre temps ensuite avec le Requiem de Pierre Bartholomée avec le Chœur de Chambre de Namur  (25 novembre 2022). 

Musique de notre temps toujours avec le festival Ars Musica qui prend ses quartiers du 18/11 au 2/12), alors que l’Opéra des Flandres propose rien moins que la création belge de l’opéra Fin de Partie de Kurtág (deux concerts au Singel d’Anvers les 19 et 20 novembre). 

A l’Atelier lyrique de  Tourcoing, c’est Philip Glass qui sera à l’honneur avec son opéra  Les Enfants terribles dans une mise en scène de  Phia Ménard (26 et 27 novembre). On reste à Tourcoing avec l’ensemble Miroirs Étendus et Florent Siaud s’emparent de La Tragédie de Carmen, la célèbre adaptation de Carmen par Peter Brook (17 et 18 novembre). 

A Bruxelles, le CPE Festival nous propose deux beaux récitals au Musée des Instruments : la guitariste Gaëlle Soral (12 novembre) et un duo violoncelle / piano composé d’Estelle Revaz et Laurianne Corneille (27 novembre). A Flagey, Vox Luminis & L’Achéron célèbreront Schütz (samedi 26 novembre 2022). 

A Spa, ce sera la clôture de l'Automne musical 2022 avec une célébration de Molière :   La Comtesse d'Escarbagnas, dans une version Commedia dell’arte accompagnée de la musique de Jean-Baptiste Lully ! Le Collegium Musicum sous la direction de  Bernard Woltèche sera aux opérations musicales : 19 novembre 2022. 

Donaueschinger Musiktage : musiques nouvelles ? 2022, année de transition

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Bien sûr, comparaison n’est pas raison (que vise au fond cet adage sot bien plus basé sur un jeu de sonorités -un bon point- que sur du sens ?) et 2021 est un anniversaire (séculaire) qui ne se répète pas chaque année, mais l’édition 2022 du Donaueschinger Musiktage, malgré, ou à cause de, sa bonne tenue, de ses habits de gendre du dimanche  -celui qui a son missel à lui à l’église (la blanche Christuskirche, éclairée de bleu pour une soirée Now Jazz d’improvisation si convenue qu’on y cherche encore la spontanéité, trop peu nourrie de la fraîcheur de la violoncelliste Tomeka Reid et de son instrument, gris marbre)-, de l’approfondissement du consensus par un public peut-être engourdi par la pandémie/la guerre/l’inflation, qui disperse son discernement au travers d’applaudissements amollis, cette édition donc, pourtant porteuse d’espoirs avec sa floppée de compositeurs à découvrir, sa dizaine de concerts, du plus petit (un inattendu duo de trombones) au plus grand effectif (l’Orchestre Symphonique de la SWR réparti en trois plateaux), son organisation soignée (un peu tatillonne, aux Donauhallen sous alerte policière, quant au type de sac interdit en salle mais parfois aussi banni du vestiaire -à caser alors dans le « blauer Bus » sur le parking (mais t’as vu la file ?), son environnement sympathique (la ville de Donaueschingen, qui vit, mange et dort ces jours-là au rythme des centaines de festivaliers), son public mi-cheveux blancs, mi-tignasses estudiantines (et quelques-uns entre les deux), ces Musiktage 2022 laissent un goût de trop peu : trop peu de cette folie qu’on décrie chez un Stephan Prins mais qui rafraîchirait n’importe quel mamelon du désert censé accueillir des jeux d’hiver, trop peu de ce courant d’air qu’on trouve dans les fulgurances d’un Jean-Luc Fafchamps quand il cherche où est la fin, trop peu de ces remises en cause plus que formelles auxquelles nous ont nourri (avec des bonheurs aléatoires) les Fausto Romitelli, John Cage ou Luigi Nono.

On sait que 2022, à Donaueschingen, est une année de changement de règne : exit Björn Gottstein, responsable d’une programmation qu’il n’est plus là pour mettre en œuvre et inxit Lydia Rilling, maman (en vrai et en congé parental) mais sans les rênes d’une édition où elle n’est pas, remplacée par Eva Maria Müller, souriante et sympathique mais difficilement accessible à ceux qui ne parlent pas l’allemand (le bilinguisme des annonces aide cette partie du public, qui se débrouille, parle des langues, mais pas toutes)- un air de flottement donc, à quoi on laisse l’année pour dissiper le brouillard et orienter la visée auditive vers ce que sont les musiques nouvelles aujourd’hui. A moins que… A moins que ces musiques nouvelles elles-mêmes… Que les compositeurs d’aujourd’hui… Un creux ? Une crise d’inspiration ? Une stagnation, un immobilisme, une posture figée, un garde-à-vous ? Mais non. Ils sont là, dans la salle peut-être, ceux qui rêvent d’innover, encore, qui débordent d’idées, dont certaines franchiront le stade de l’ébauche et s’épanouiront sur une scène (ou plusieurs), comme cette jeune espagnole, Ixta (du nom de ce volcan mexicain à la forme de femme endormie), qui étudie la composition à Linz, en Autriche, auprès de Carola Bauckholt, tient difficilement en place, note fébrilement ses pensées sur un petit carnet pendant le concert (« je compose à partir d’un narratif ») et assure, avec un large sourire, ironique et sérieux, qu’elle a « le prénom adéquat pour être célèbre ».

A Genève, un remarquable accompagnateur pour Renaud Capuçon   

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Pour sa prestigieuse série ‘Les Grands Interprètes’, l’Agence Caecilia de Genève avait organisé, à la date du 31 octobre, un récital violon-piano réunissant Renaud Capuçon et Maria Joao Pires. Souffrante, la pianiste a dû annuler sa participation. Et c’est à son jeune accompagnateur, Guillaume Bellom, que le violoniste a fait appel pour la remplacer.

Quel talent affiche ce natif de Besançon qui, à l’âge de trente ans, possède une magnifique sonorité et une maîtrise technique hors du commun s’appuyant sur une assise rythmique jamais prise en défaut !

La preuve en est donnée immédiatement par la Sonate en mi mineur K.304 que Mozart élabora à Paris au mois de mai 1778. D’emblée, le clavier y impose une fluidité de phrasé que le violon assimile en développant un legato sensible qui se charge de tristesse résignée dans un Tempo di Minuetto où n’affleure aucune gaieté, tandis que le trio médian se voile d’intimité.

A des élans printaniers aspire effectivement la Cinquième Sonate en fa majeur op.24 de Beethoven datant de 1801. Le piano ornemente le cantabile généreux du violon de demi-teintes arachnéennes qu’un martellato soudain dissoudra pour instaurer un dialogue plus tendu. L’Adagio molto espressivo laisse affleurer la profondeur de l’émotion que le Scherzo n’éclairera que de touches furtives. Il faut en arriver au Rondò final pour percevoir une insouciance badine, justifiant le sous-titre ‘Le Printemps’ accolé à cette sonate. 

Paul Lewis et le BNO au Namur Concert Hall

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Ce samedi 29 octobre a lieu le concert du Belgian National Orchestra au Namur Concert Hall. La phalange bruxelloise, sous la direction du chef espagnol Roberto González-Monjas, est accompagnée par l’un des plus brillants interprètes du répertoire pianistique et dont la réputation n’est plus à faire : le pianiste britannique Paul Lewis. Trois œuvres sont au programme lors de cette soirée : Preludio, corale e fuga d’Ottorino Respighi, le célèbre Concerto pour piano n°25 en do majeur, K.503 de Mozart et la Symphonie N°3 de Camille Saint-Saëns, dite Symphonie pour orgue.

La première partie débute avec cette œuvre trop peu jouée de Respighi, Preludio, corale e fuga. Il composa cette pièce pour son examen final au Liceo Musicale di Bologna. Cette composition, notamment le fruit de plusieurs cours avec Nikolaï Rimski-Korsakov, a conquis le jury. Le verdict était le suivant : « Respighi n’est pas un élève, mais un maître ! ». La pièce commence avec des accords solennels joués par les cuivres et les cordes graves agrémentés d’arpèges aux harpes. S'ensuit l’entrée énergique de l’ensemble des cordes. Un beau choral, présenté par les cors et les trompettes, est repris avec brio par l’ensemble de l’harmonie avec de brèves interventions des cordes. Le passage suivant met en avant un pupitre de cors majestueux avant un moment d'accalmie et de douceur avec la petite harmonie. Des solos du Konzertmeister et du violoncelliste soliste viennent embellir le thème énoncé quelques mesures auparavant par les bois. La fugue, au caractère affirmé, commence avec des musiciens engagés. La fin de la pièce, triomphale et dans le style d’un choral, clôture doucement l’œuvre. Les cordes interprètent d’un seul homme le thème final ponctué par l’harmonie. Un dernier moment de quiétude met les harpes en avant avec des glissandi et des arpèges. La pièce se clôture sur un grand crescendo bref mais intense. Le chef, Roberto González-Monjas, mène avec beaucoup d’enthousiasme et d’énergie le BNO dans cette œuvre méconnue de Respighi.

A Genève, une magnifique Katia Kabanova

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Après avoir présenté Jenufa en mai dernier, le Grand-Théâtre de Genève poursuit son cycle Janacek en affichant Katia Kabanova qui fait appel à nouveau à la metteure en scène berlinoise Tatjana Gürbaca et à la soprano américaine Corinne Winters dans le rôle-titre. Et le résultat dépasse largement le niveau atteint par Jenufa.

Sous des lumières continuellement suggestives conçues par Stefan Bolliger, le décor sobre d’Henrik Ahr encadre le plateau de gigantesques baies vitrées donnant sur la Volga, étendue aquatique apparemment sereine. L’espace de jeu est un triangle de bois montant graduellement vers le fond de scène où se profile la demeure des Kabanov. Les protagonistes y sont des gens du commun, vêtus simplement par Barbara Drosihn qui ne recherche aucune couleur locale. Toutefois, ce milieu clos est étouffant, exacerbant les passions avec une rare véhémence. Tatjana Gürbaca s’attache au personnage de Katia qui parvient à se faire une carapace face à l’atroce vilenie de Kabanikha, sa belle-mère, et à la lâcheté de Tikhon, son époux. Avec la complicité de sa belle-sœur, Varvara, elle se libère peu à peu de ce joug oppressant, en osant se montrer en une nuisette immaculée afin d’attirer Boris Grigorjevic qui deviendra son amant. Saisissant, le dernier tableau où, dans la nuit noire, une pluie drue se déverse, figeant les quelques villageois sortis de l’église. Katia revoit une dernière fois Boris, se rend compte de sa faiblesse et s’avance, imperturbable, vers le fleuve qui engloutira sa pitoyable existence.

Schubert jeune et Liszt tardif chez Bärenreiter

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Le catalogue de la justement réputée collection Bärenreiter Urtext s’enrichit de deux parutions que tout oppose à première vue, mais qui ont l’une et l’autre de quoi intéresser les pianistes et mélomanes curieux.

Assez peu jouées à l’exception des D.537 et 575, les huit sonates de jeunesse écrites par Schubert entre 1815 et 1817 -année où il eut vingt ans- sont présentées ici dans une magnifique édition de Walburga Litschauer, alors que Mario Aschauer offre des considérations très éclairantes sur la façon la plus adéquate de jouer ces oeuvres, citant abondamment les ouvrages pédagogiques de Czerny et Hummel qui faisaient autorité à l’époque. Les commentaires sont en allemand et en anglais. 

Le texte ne diffère pas énormément des bonnes éditions courantes (comme l’excellente Peters), mais offre l’avantage appréciable d’une gravure très claire et de grande taille et du solide papier crème si typique de cet éditeur. L’album présente une véritable curiosité, à savoir la première version de la Sonate D. 568 que Schubert composa d’abord dans un peu pratique ré bémol majeur avant d’en écrire une seconde version en mi bémol majeur. Comme on peut s’y attendre dans un Urtext pur et dur, l’édition ne comporte pas de doigtés.