A l’OSR, un artiste en résidence, Frank Peter Zimmermann  

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Depuis quelques années, l’Orchestre de la Suisse Romande invite un artiste en résidence qui se produit plusieurs fois au cours de la même saison. Pour 2021-2022, le choix s’est porté sur le violoniste Frank Peter Zimmermann que l’on entend régulièrement à Genève. 

Pour le concert du 29 septembre que dirige Jonathan Nott, le soliste opte pour deux œuvres peu connues. La première est une page brève de Béla Bartók  datant de 1929, la Rhapsodie n.2 Sz.90 dont les tutti massifs laissent percevoir la veine tzigane. Le violon semble improviser librement avant de mettre en évidence le caractère rythmique de chaque motif. L’accumulation de ces phrases produit une danse effrénée occasionnant de périlleux sauts de cordes.

Tout aussi rare, la Suite concertante que Bohuslav Martinů réélabora entre novembre 1943 et février 1944 à l’intention du violoniste Samuel Dushkin qui la créa à Saint-Louis en décembre 1945. Qui sait pourquoi l’œuvre disparaîtra de l’affiche durant plus de cinquante ans. Frank Peter Zimmermann nous en révèle la virtuosité explosive avec ses véhéments coups d’archet qui accusent les dissonances de la Toccata initiale, alors que l’Aria baigne dans un lyrisme méditatif que rend expressif le cantabile du soliste. Le Scherzo est un ‘saltarello’ bondissant alors que le Rondò final a une quadrature plus rigoureuse que le violon émiettera au gré de traits brillants amenant une conclusion explosive qui déchaîne l’enthousiasme des spectateurs. En bis, le soliste fait table rase de tout artifice pour délivrer un Largo de Bach qui est musique pure…

En seconde partie, Jonathan Nott inscrit l’une des grandes œuvres du répertoire symphonique slave, la Huitième Symphonie en sol majeur d’Antonín Dvořák. Faisant appel à toutes les nouvelles têtes qui viennent renforcer les rangs de l’orchestre romand, il en tire une sonorité délibérément ample dans une salle de concert à la dimension limitée qui semble ployer sous son poids. S’il faut requérir 18 premiers violons, 15 seconds pour un tel ouvrage, quel sera l’effectif à réunir pour un Mahler ou un Richard Strauss ? Toutefois, dès les premières mesures de cet opus 88, Jonathan Nott a le mérite de faire chanter généreusement les violoncelles et le pizzicato des alti et contrebasses afin de laisser la flûte libre de dessiner une figure pimpante qui irradie l’Allegro con brio. Le phrasé est développé avec un rubato subtil qui allège le développement et qui régit ensuite le motif de choral de l’Adagio où apparaissent d’extrêmes tensions contrastant avec les pianissimi les plus ténus. Le Scherzo est empreint d’une sérénité nostalgique que sauront égayer les flûtes et hautbois du trio. Les sonneries de trompettes confèrent au Final un côté solennel qu’amplifient les violoncelles puis les cordes pour parvenir à un tutti brillant comme une friska, danse étourdissante qui finira par offrir une conclusion irrésistible à un public conquis.

Paul-André Demierre

Genève, Victoria Hall, 29 septembre 2021

Crédits photographiques : Pierre Abensu

 

 

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