À la Monnaie, Castellucci réduit en cendres la Jeanne d’Arc au bûcher de Claudel-Honegger

par https://www.crescendo-magazine.be/the-hook-up-plan-im-feeling-you-closer/

Composée en 1935 à l’instigation de la danseuse, actrice et mécène russe Ida Rubinstein, Jeanne d’Arc au bûcher demeure, avec Le Roi David, l’œuvre lyrique la plus célèbre et la plus jouée d’Arthur Honegger. Fruit de sa première collaboration avec Paul Claudel, cet oratorio dramatique en onze scènes et un prologue (créée à la Monnaie dans sa version intégrale en 1946) retrace, à rebours, la vie tristement écourtée de la Pucelle d’Orléans, depuis la première scène, qui prend place au seuil de l’échafaud, jusqu’à la dernière, qui referme la boucle en revenant au bûcher de Rouen. 

L’alchimie de deux grands talents 

L’esprit de l’œuvre est celui du "jeu populaire" ou "mystère" médiéval. Véritable "cathédrale en puissance faisant voisiner le chapiteau et la gargouille", comme l’a si joliment dit Harry Halbreich, le livret de Claudel dont se saisit Honegger permit au compositeur suisse de ciseler une partition aux couleurs les plus contrastées, mêlant de véritables chansons populaires ("Voulez-vous manger des cesses" et "Trimazô"), des fanfares et carillons et des airs aux accents jazzy à des chants grégoriens et des thèmes lyriques exaltant la Foi, l’Amour et l’Espérance. Au chant, Honegger ne confie que les parties visionnaires du texte -celui que prononcent la Vierge Marie, sainte Catherine et sainte Marguerite ; ne font exception que quelques interventions burlesques de Cauchon, l’évêque de Beauvais, alias Porcus, qui préside au procès de la jeune Lorraine. Dans la fosse, le compositeur se taille un orchestre sur mesure, remplaçant les cors par trois saxophones et la harpe par deux pianos et un célesta; sans oublier d’y convier les ondes Martenot, si chères à son cœur, auxquelles il délègue l’un des thèmes cycliques de l’œuvre. 

L’oratorio débute par un prologue aux tonalités nocturnes, évoquant les ténèbres et le chaos régnant sur la France divisée. Aux hurlements d’un chien se joignent, à l’orchestre, ce que le Claudel décrit comme un sanglot ou un rire sinistre. Les trois premières scènes confrontent Jeanne à ses questionnements, éclairés par le récit de sa brève existence. Les quatrième, sixième et huitième scènes, aux accents de fête foraine, illustrent le procès rocambolesque intenté par les bêtes à la jeune femme, la partie de jeu de cartes qui scellera son sort et le cortège royal sur la route de Reims. En total contrejour avec ces tableaux confinant au grotesque, la septième scène, qui fait la part belle à Marguerite et à Catherine, plonge l’auditeur dans un climat de béatitude à peine voilé par le chant du De profundis. Dès la neuvième scène (la fameuse scène de l’épée), les deux saintes reviennent, auréolées des voix d’enfants et du thème de l’Espérance déclamé par la basse, aviver les souvenirs d’enfance de Jeanne. Dans la scène suivante, l’héroïne "se réveille comme d’un rêve", avant de s’abandonner à ses bourreaux dans la grandiose scène finale où elle confesse sa peur mais non sa faute, s’apitoie sur sa solitude malgré les tentatives de réconfort de la Vierge Marie, le tout devant un peuple divisé entre la haine et l’amour. L’orchestre et les chœurs à l’unisson convoquent l’Espérance à la faveur d’une majestueuse polyphonie où les tensions se noient dans la sereine tonalité de majeur. L’évocation de l’Évangile ("Personne n’a de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’il aime") affirme enfin la sainteté de Jeanne. La messe est dite.  

La Jeanne estropiée de Castellucci

Le succès jusqu’ici inaltérable de Jeanne d’Arc au bûcher n’a pas manqué de séduire une ribambelle de metteurs en scènes et de cinéastes. Il n’y a donc pas lieu de s’étonner que Romeo Castellucci décide de porter à son tour sur les planches l’œuvre intemporelle du duo Claudel-Honegger.  

C’est à la Monnaie que Castellucci fit ses débuts à l’opéra en 2011 avec Parsifal de Wagner, avant de s’attaquer à Orphée et Eurydice de Gluck/Berlioz en 2014 et à Die Zauberflöte de Mozart quatre ans plus tard. Créée en 2017 à l’Opéra de Lyon, "sa" Jeanne d’Arc au bûcher se concentre exclusivement sur les deux rôles parlés principaux, Jeanne et Frère Dominique -ce dernier n’occupant par ailleurs jamais le devant de l’estrade. Relégués au quatrième balcon, les chœurs demeurent dans l’ombre ; entourant la scène, ils décrivent ce qui s’y passe et dialoguent avec les acteurs. Au premier balcon, les solistes, également dérobés aux regards des spectateurs, se font face. 

La spatialisation sonore qui résulte de cet agencement est, certes, intéressante; mais comment expliquer le confinement des chœurs, qui jouent dans cet oratorio un rôle de tout premier plan ? Désertée par les chanteurs, la scène prive le spectateur de la vue du procès de Jeanne, du jeu de cartes politique et de la procession royale tonitruante, autant de tableaux truculents qui ravissent habituellement les amateurs d’opéra. À cet égard, le choix de Castellucci est défendable, en ce qu’il a le mérite de dépeindre la solitude de Jeanne. Solitude dans sa quête intérieure et, en dernier ressort, son martyre; solitude aussi face au monde extérieur. S’il est une chose que le metteur en scène a parfaitement compris, c’est que, comme l’affirma Claudel en 1944, "Jeanne ne cesse de lutter contre la musique (…) on entend cette voix qui lutte à elle toute seule contre tous les bruits de la nature".

Hélas, pour le surplus, les partis-pris de Castellucci sont nettement plus scabreux. 

Qu’il ait souhaité se débarrasser des images d’Épinal généralement associées à Jeanne d’Arc, celles qui dressent le portrait d’une guerrière héroïque ou d’une vierge et martyre mystique, pour nous donner à voir un être fébrile en proie à l’angoisse et risquant à chaque instant de sombrer dans la démence, pourquoi pas. Mais il y a la manière. Et c’est là que les choses se gâtent.   

Jugez plutôt…

Le rideau se lève sur une classe de lycée que quittent bientôt les écolières, laissant la place à un appariteur à la mine morose. Au plafond, un néon (semblable à ceux sur lesquels Castellucci avait déjà mis l’accent dans La Flûte Enchantée l’an dernier) commence à fatiguer. Quelques spectateurs aussi. Au terme de longues minutes au cours desquelles il range et nettoie soigneusement les lieux, l’homme semble pris de folie, mettant la salle sens dessus-dessous avant de s’y barricader. Envoyant le balatum puis le plancher promener, il se met à creuser à mains nues. Dans le théâtre, soupirs et quintes de toux se mêlent au silence; le compte est bon, le prologue peut enfin débuter. Paraît Frère Dominique en directeur d’école. Flanqué de policiers, il semble vouloir raisonner le forcené. Est-il besoin de dire que ses mots, qui sont ceux de Claudel, sont en total décalage avec ce qui se déroule devant nos yeux. Pour ne pas perdre ceux -nombreux, sans doute- qui pensaient s’être trompés de spectacle, Castellucci leur réserve alors un tour de passe-passe: l’appariteur prend peu à peu les traits de Jeanne ; le timbre de sa voix s’éclaircit, sa chevelure se déroule, ses habits d’homme tombent, laissant apparaître le corps nu d’une femme. L’héroïne, qui assiste, impuissante, aux premiers départs de spectateurs médusés, s’abandonne ensuite à une irrépressible envie de se travestir à l’aide de serviettes de bain et de vêtements de sport. Tant qu’à faire, pourquoi ne pas se peinturlurer les membres et le visage (le vert lui va si bien !) et -suprême catharsis- s’asperger de craie blanche ? De retour à Rouen, pas l’ombre d’un bûcher, mais une tombe, que Jeanne creuse pour elle-même. 

On le voit, Castellucci n’hésite pas un instant à faire du poème de Claudel ce que bon lui plaît, sans le moindre souci de cohérence. Le metteur en scène italien est coutumier du fait : il se distancie très volontiers du texte littéraire dans ses productions d’opéras. Pour tout dire, nous ne sommes pas loin de penser qu’il s’en moque éperdument, préférant projeter sur la scène l’univers fantasmagorique qui l’habite en puisant dans ses expériences personnelles ; peu importe que cet univers soit en total décalage avec l’argument. Autant dire que l’opéra tel que le conçoit Castellucci n’a plus rien d’une œuvre de collaboration. Nous sommes loin, très loin, de l’abnégation d’Honegger qui ne cessa jamais de minimiser humblement sa contribution au regard de celle du poète ("L’apport de Claudel, dit-il, a été si grand que je ne me reconnais pas comme l’auteur véritable, mais comme un simple collaborateur"). 

Dépositaire de deux œuvres (littéraire et musicale) du meilleur tonneau, Castellucci les modèle à sa guise, quitte à en faire des éléments subalternes de son œuvre à lui. Comme trop souvent en ce début de 21e siècle, la mise en scène ne sert plus ni le poète, ni le compositeur, et moins encore leurs interprètes ; elle se met tout entier au service du metteur en scène. Celui-ci soumet l’opéra à son diktat, lui impose ses propres codes, non pas en vue de sublimer la partition qui lui est présentée, mais par simple souci d’être "original". À l’évidence, pour Castellucci, l’important n’est ni le texte de Claudel, ni la musique d’Honegger; seul l’intéresse ce qu’il peut en faire. Sur ce terrain, tout est permis. Il n’est pas jusqu’à un ramassis de bizarreries qui ne puisse être justifié sous le couvert d’un commentaire. Une prose aussi éthérée et confuse que possible, couchée dans le programme, suffira à légitimer les choix esthétiques les plus alambiqués. C’est symptomatique de notre époque : le commentaire a posteriori est devenu un passage obligé pour comprendre la pensée de nos metteurs en scène. Et si, après vous en être imprégnés, vous n’avez toujours pas compris où ceux-ci voulaient vous mener, c’est que vous êtes des simples d’esprit ou des réactionnaires !

En fait de commentaire à lire au coin du feu de retour de l’opéra, on se reportera aux "Notes sur la mise en scène de Romeo Castellucci" de la dramaturge Piersandra Di Matteo, qui entendent lever un coin du voile sur les tissus de symboles abscons pétris par l’artiste italien. On y apprend notamment que l’appariteur creuse parce qu’il entend des voix qui semblent venir du sol ; que ses fouilles sont "une sorte d’archéologie inversée qui, au lieu de conduire à de nouvelles formes de connaissance, agit comme une espèce de liquidation du déjà-connu" ; que les accoutrements dans lesquels s’emmitoufle Jeanne sont censés donner d’elle l’image d’une bergère; que le balais qu’elle chevauche un instant dans cet attirail folklorique nous la montrent en sorcière; que l’épée de la sainte est "dotée d’une résistance électrique invisible au spectateur" et que c’est elle qui, en chauffant, imprime un "X"  -symbole de l’interdit- sur un drapeau français décoloré ; que la seconde femme nue, ployant sous le poids des années, qui enlace Jeanne peu avant le baisser de rideau, n’est pas sa mère comme on aurait pu le croire, mais "son moi vieux, témoin de l’inhumation prématurée qui la rend à l’Histoire". Bon sang, mais c’est bien sûr ! Comment n’y avions-nous pas songé ?

Jeanne prétendait entendre les voix de Saint-Michel, Sainte-Marguerite et Sainte-Catherine. Ce sont ces voix qui l’ont menée droit au bûcher. Quant à nous, nous n’avons rien entendu à la mise en scène de Castellucci. C’est ce dialogue de sourds qui a consumé notre enthousiasme.

Nos lecteurs savent que nous sommes loin d’être hermétique à l’art contemporain. Et entendons-nous bien : Peter de Caluwe a mille fois raison lorsqu’il appelle de ses vœux un théâtre ambitieux, à contre-courant des mouvances réactionnaires ; un théâtre qui n’ait pas peur du scandale pour peu qu’il interroge. Encore faut-il, pour parvenir à questionner, veiller à ne pas égarer son public et à ne pas piétiner le respect qu’il éprouve pour les œuvres mises en scène. Or, de ces balises, la Jeanne d’Arc de Castellucci ne semble avoir cure. 

Nous le regrettons d’autant plus que la mise en scène de la Flûte de Mozart -qui n’avait pas, tant s’en faut, plu à tout le monde- nous avait touché. Nous ne nous étions pas fait faute de saluer, sur ce site, son profond humanisme. Bernadette Beyne avait, de son côté, tiré son chapeau à l’Orphée et Eurydice de Gluck/Berlioz. Ces mises en scène se prêtaient à des lectures certes diverses, mais qui faisaient sens. Ce n’est pas le cas ici. Ésotérique, la Jeanne d’Arc de Castellucci s’inscrit à contre-courant de l’œuvre d’Honegger qui affirmait qu’en composant Jeanne, il s’était "efforcé d’être accessible à l’homme de la rue tout en intéressant le musicien"; et de poursuivre : "On peut, on doit parler au grand public sans concession, mais aussi sans obscurité. Voilà pourquoi un assez grand nombre de mes ouvrages ont trouvé l’oreille de la foule : je pense au ‘Roi David’, à ‘Judith’, à ‘La Danse des Morts’, à ‘Jeanne au bûcher’." 

Une Pucelle d’Orléans portée par les interprètes

Fort heureusement, l’Orchestre Symphonique et les Chœurs de la Monnaie n’ont pas failli à leur mission, se mettant quant à eux fidèlement au service de l’oratorio de Claudel-Honegger. Au pupitre, le retour de Kazushi Ono, qui fut notamment directeur musical de la Monnaie de 2002 à 2008, mérite d’être salué, tant il fut attentif à la partition et à l’esprit de l’œuvre. Les Chœurs de la Monnaie, dirigés par Christophe Talmont, ont rendu avec un égal bonheur les différents éclairages du texte et de la musique. Dans les rôles de la Vierge et de Marguerite, les sopranos belges Ilse Eerens et Tineke Van Ingelgem, deux habituées de la maison d’opéra bruxelloise auxquelles donnait la réplique la mezzo française Aude Extrémo, n’eurent guère l’occasion de briller, au contraire du ténor Jean-Noël Briend, aux multiples casquettes, particulièrement convaincant dans la peau de Porcus. La basse française Jérôme Varnier dont nous n’oublions pas la belle prestation au disque dans les Troyens de Berlioz sous la baguette de John Nelson, ne fut pas loin de parvenir à se hisser à la hauteur de son jeu endiablé.

Mais c’est à Audrey Bonnet que reviennent tous les éloges. Issue du Conservatoire national supérieur d’art dramatique de Paris et pensionnaire de la Comédie-Française de 2003 à 2006, l’actrice réalise un parcours sans faute. Vibrante d’émotion, elle porte le rôle-titre à bout de bras dans un éprouvant quasi-seul-en-scène d’une heure et demie. Son jeu, sobre quoique sans retenue, fut tout du long d’un ton juste et profond. C’est donc à très juste titre que, le rideau baissé, les tièdes applaudissements d’un public manifestement dubitatif devant la mise en scène de Castellucci s’enflammèrent à la vue de la comédienne venue le saluer.

À ses côtés, l’acteur belge Sébastien Dutrieux, qui avait déjà incarné Frère Dominique dans une production de Jeanne signée Àlex Ollé et La Fura dels Baus à l’opéra de Francfort, n’a pas démérité en tant que récitant ; quant à l’acteur, cloîtré entre deux murs par Castellucci, il faudra repasser pour mesurer toute l’étendue de son talent.

Une pétition sans fondements rationnels

Quelques mots, pour finir, concernant la relative agitation médiatique ayant entouré cette production.

C’est une pétition de la Fédération Pro Europa Christiana, réunissant à ce jour quelque 10.429 signatures, qui mit le feu aux poudres. Dénonçant une mise en scène jugée "pornographique", poussant l’obscénité jusqu’à représenter la Pucelle d’Orléans en "transgenre", le brûlot ne fait pas dans la demi-mesure : à le croire, c’est la sainte, la France et Dieu lui-même qu’on assassine.

Réalisant un joli coup de com’, Peter de Caluwe, personnellement pris à partie dans la pétition, s’est fendu d’une lettre ouverte aux auteurs de celle-ci, ce qui lui valut en retour une nouvelle volée de bois vert. 

La pauvre Jeanne du tandem Claudel-Honegger en a, hélas, vu d’autres. En 1939 déjà, un pamphlet abject déplorait "après la conquête d’Orléans par l’ennemi, celle de Jeanne d’Arc par la juive Rubinstein", ajoutant : "Le 6 mai prochain, M. Albert Lebrun et l’archevêque de Westminster assisteront à la délivrance d’Orléans. Le clou de ces réjouissances sera une représentation de Jeanne d’Arc, avec la participation de la juive Rubinstein, du franc-maçon Jean Hervé et avec la composition musicale du juif Arthur Honegger". Un juif qui, soit dit en passant, était agnostique.

En juin dernier encore, les Le Pen père et fille montaient au créneau au motif que l’étendard de la statue de Jeanne d’Arc trônant place des Pyramides à Paris avait été vandalisé. Et Marine de clamer à ceux qui l’ignoraient encore que "quand on s’attaque à l’une des saintes patronnes de la France, on s’attaque à tous les Français !". De dégradation, il n’était en réalité pas question; le drapeau avait été envoyé à la restauration. 

Que la mise en scène de Castellucci ne nous ait pas enthousiasmé est -on l’aura compris- un euphémisme. Pour autant, nous n’y avons pas vu une once d’obscénité ni de vulgarité. Qu’on le veuille ou non, Jeanne d’Arc fut jadis assimilée dans l’iconographie au personnage biblique de Judith que les peintres ont parfois représentée nue. Elle acquit ainsi, malgré elle, une dimension érotique que La Pucelle de Voltaire ne fit rien pour tempérer. L’archevêché de Rouen lui-même n’abrite-t-il pas une statue à demi dénudée de la sainte ? Incarnant Jeanne sur la scène de l’Opéra Bastille en 2016, c’est d’ailleurs seins nus qu’Isabelle Huppert apparut liée au poteau du supplicié. Le mouvement féministe, pour sa part, a fait de la Pucelle d’Orléans l’un de ses porte-drapeaux. 

Bien loin de mettre en scène une Jeanne dévergondée, c’est une femme dans toute son humanité et sa simplicité, d’une émouvante innocence et fragile, parce que précisément débarrassée de toutes les étiquettes dont certains mouvements politiques ou idéologiques se plaisent à l’affubler, que nous donne à voir Castellucci. Il ne nous paraît possible de déceler dans cette mise en scène une certaine dose d’érotisme qu’en portant un regard sur la nudité excluant a priori toute autre lecture; ce choix incombe au seul spectateur, non au metteur en scène.

Quant à l’éloge prétendue au transsexualisme, il faut avoir les idées bien tarabiscotées pour croire qu’il en soit ici question. Car enfin, n’est-ce pas, entre autres choses, au motif qu’elle était habillée en homme que Jeanne fut convaincue d’hérésie ? Emprisonnée par les Anglais en 1431, elle abjura les crimes qui lui étaient reprochés mais fut ensuite contrainte par ses geôliers à reprendre ses habits d’homme, encourant de ce fait une sentence de relaps. 

À la lumière de l’Histoire, le "buzz" médiatique qui entoure la Jeanne de Castellucci s’apparente donc bien plus à une tempête dans un verre d’eau qu’à un combat légitimé par la raison. 

Bruxelles, la Monnaie, 7 novembre 2019

Olivier Vrins

Crédits photographiques  : Stofleth

Vos commentaires

Vous devriez utiliser le HTML:
<a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <s> <strike> <strong>

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.