A l’OSR, Daniel Harding so british… 

par

Pour son dernier concert en tant que chef en résidence de l’Orchestre de la Suisse Romande pour la saison 2022-2023, Daniel Harding a choisi un programme anglais qu’il a présenté à Genève le 5 avril, à Lausanne le lendemain. 

Y figurait l’un des récents ouvrages de Mark Anthony Turnage, Hakan, son troisième concerto pour trompette écrit en 2014 pour le soliste de la soirée, Håkan Hardenberger et incluant des instruments rares tels que différents gongs, cloches de temple et cordes de harpe. Dans la première partie intitulée Falak, le chef tisse un canevas mystérieux qui puise son inspiration dans la région montagneuse du Pamir, au nord du Pakistan, utilisant un ostinato des timbales et des cuivres sur lequel le solo développe une longue incantation amenant à un premier tutti. Les cordes imprègnent le discours d’une dimension mélancolique qui s’effilochera avec un animato percussif dont la trompette exacerbera la véhémence. L’Arietta se confine en une mélopée en demi-teintes qu’amplifie le violoncelle en dynamisant le support orchestral. Pour le Final, le trompettiste est confronté à une série de variations sollicitant sa virtuosité jusqu’à une épineuse cadenza qui provoque un ultime éclat avant de conclure sur une note déchirante. Et le public l’applaudit à tout rompre, en percevant la performance technique qu’exige une telle œuvre. 

En seconde partie, Daniel Harding a la judicieuse initiative de présenter l’une des symphonies de Ralph Vaughan Williams qui figurent si rarement dans les programmes d’aujourd’hui. Son choix se porte sur la Cinquième Symphonie en ré majeur composée entre 1938 et 1943 et créée à Londres sous la direction du compositeur lui-même le 24 janvier 1943. A partir du motif exposé par les deux cors en fa, il élabore le Preludio (Moderato) sur un tissu de cordes translucides soutenu par les violoncelles et contrebasses et s’ouvrant en éventail pour constituer divers plans sonores culminant sur un Tutta forza avant de retomber peu à peu. Le Scherzo brille par sa légèreté fugace débouchant sur un choral resserrant les lignes de force qui finissent par se relâcher. Mais sa lecture touche au paroxysme dans la Romanza : sur une tenue des cordes en pianissimo, le cor anglais chante une mélodie magnifique empruntée à l’opéra en cours d’élaboration A Pilgrim’s Progress, dont la flûte et le hautbois dégagent le caractère bucolique. Un saisissant diminuendo suscite une atmosphère extatique que parachèvera le violon solo ténu évoquant l’Alleluia de l’Hymne de Pâques. Et la Passacaglia est édifiée sous un ample legato entraînant un choral jubilatoire que décantera un rallentando afin de renouer avec une apaisante sérénité. Et le spectateur décerne des hourras que l’orchestre partage envers ce chef remarquable que l’on espère revoir rapidement sur les rives lémaniques, même si ses obligations futures l’amèneront dans la Ville éternelle. Un concert mémorable !

Paul-André Demierre

Lausanne, Théâtre de Beaulieu, le 6 avril 2023

Crédits photographiques : DR

Vos commentaires

Vous devriez utiliser le HTML:
<a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <s> <strike> <strong>

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.