A l’OSR, un cycle qui finit en beauté 

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Au cours de cette saison, l’Orchestre de la Suisse Romande a mis en perspective les créations de Benjamin Britten et de Dimitri Chostakovitch en un cycle de quatre concerts. Le dernier a eu lieu ce mercredi 5 février sous la direction de son chef titulaire, Jonathan Nott. Après avoir présenté, lors du premier, les Four Sea Interludes (les Quatre Interludes maritimes) op.33a extraits de Peter Grimes, il nous propose la Passacaglia op.33b qui sert d’intermède entre les deux tableaux de l’acte II, alors que les habitants du Borough battent du tambour pour marcher vers la cabane du pêcheur et lui faire payer la mort mystérieuse d’un premier apprenti. Sur un pizzicato des cordes graves, l’alto solo symbolise la prise de conscience de Grimes en un cantabile plaintif que lacèrent les bois, les cuivres puis la phalange des violons proférant les cris de la populace. Mais le tout se résorbera avec la réapparition de la viola dialoguant avec le célesta pour traduire la consternation face à la maison vide et la peur de l’abîme.

Le programme comporte ensuite deux compositions majeures du compositeur russe. Ecrit pour Mstislav Rostropovitch qui en assura la création le 4 octobre 1959 avec la Philharmonie de Leningrad dirigée par Yevgheny Mravinsky, le Premier Concerto pour violoncelle en mi bémol majeur op.107 a pour soliste Gautier Capuçon qui livre avec intrépidité le motif initial apparemment insouciant qu’il voile progressivement de demi-teintes contrastant avec le détaché des vents. De quelle maturité artistique fait-il preuve dans le Moderato en répondant au lyrisme du cor et des cordes par une sonorité plaintive exacerbée par la clarinette, tandis que, dans la Cadenza, il prend le temps de s’écouter en distillant en pianissimo les sons harmoniques. Et c’est avec l’impétuosité des premières mesures qu’il emporte le Finale en se préservant des stridences sarcastiques du tutti. En bis, Gautier Capuçon offre avec une désarmante simplicité une brève page de Chostakovitch, un Prélude dont il transcrit la partie pianistique d’accompagnement pour cinq violoncelles.

La Dixième Symphonie en mi mineur op.93 a été créée elle aussi par Yevgheny Mravinsky à Leningrad le 17 décembre 1953. Jonathan Nott imprègne le Moderato initial d’une anxiété interrogative que produisent les cordes graves face aux violons d’abord rassérénés ; mais la clarinette puis la flûte ramènent le tragique qui atteint le paroxysme avec des fanfares scandées par les archets qui tentent ensuite d’alléger l’atmosphère avec des bribes d’une valse qu’émietteront deux flauti piccoli. A coups de serpe, est taillé l’Allegro qui prend rapidement le caractère d’un Furioso par la virulence des cuivres luttant contre le déferlement des premiers violons, alors que le Scherzo a l’aménité d’une valse pimentée par les flûtes cyniques, pendant que le premier cor ébauche un choral méditatif que dilueront le violon solo et les timbales. Les violoncelles et le hautbois, suivis de la flûte et du basson, immergent le Finale dans une mélancolie que la clarinette et les premiers violons résorberont pour faire place à un allegro proclamant péremptoirement la victoire de l’art sur le despotisme stalinien, ce qui déclenche les salves d’applaudissements du public. 

Paul-André Demierre

Genève, Victoria Hall, le 5 février 2020

Crédits photographiques : Pierre Abensur

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