Alex Paxton, stroboscope sonore

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Delicious. Alex Paxton (1990-). Dreammusics Ensemble, Nouvel Ensemble Contemporain, GBSR Duo, Explore Ensemble. 76’09". 2025. Livret : anglais. New Amsterdam Records. NWAM195.

Publié cette fois par le label new-yorkais New Amsterdam, son nouveau disque poursuit la course effrénée du compositeur mancunien Alex Paxton, qui déverse une musique dense, kinétique, débordante et généreuse, glissée sous un art work saturé d’objets, d’éléments graphiques, de teintes vives, de couleurs : sons et images accolés au coude à coude dans une tentative illusoire de donner sens à la démarche erratique et disparate de l’univers – à l’évidence, ce gars ne dort jamais, oublie sciemment sa Rilatine et son état d’éveil se confond avec une crise maniaque.

Delicious, « parce que j'ai envie de faire de la musique comme je croque dans une fraise », recueil de versions enregistrées en studio de pièces commandées ces dernières années par plusieurs orchestres (Ensemble Modern, London Symphony Orchestra, Royal Philharmonic Society…) ou festivals (Impuls à Graz, Gaudeamus à Utrecht…), ouvre une fenêtre sur l’âme effervescente du compositeur-tromboniste-improvisateur (« mieux vaut peut-être porter des lunettes de protection »), qui conserve cependant pour elle les proportions de sa mixture d’imagination, d’originalité, de fureur et d’acharnement – si Alex Paxton était employé de bureau, il enregistrerait les borborygmes de son abdomen à la pause de midi.

L’écoute de la treizaine de pièces nécessite : un scaphandre et l’acceptation de la submersion, une patience telle celle qui s’impose face à un casse-tête insoluble, une prédilection pour l’incertitude, des pauses bien disposées (même pour le simple clavecin et kazoo de Justgum Friends) ; certains compositeurs mêlent les spécificités des genres comme d’autres élaborent avec un systématisme prémédité des matrices de créativité, Paxton – le bébé humain marche au mieux à 10 mois, lui a bondi dès 6 – a le pas si élastique qu’il ne perçoit pas les frontières : il puise parmi les sons de l’orchestre (les cordes, cuivres, vents…) de la même façon qu’il altère les samples, module les textures électroniques, transforme les voix – sans retenue, sans modération.

Cela ne saute pas aux oreilles tant on reçoit l’architecture de ses pièces comme déstructurée, mais le fil rouge de la partition, c’est la mélodie : point de départ émotionnel, tête chercheuse du plaisir (celui qui touche le corps dans son entier), mentor-qui-doute toujours de retour au ressenti – avec la vitesse téléscopique d’un monde pop, réseauté, saturé de térabytes d’images en mouvement ; la trajectoire surprend – d’autant plus qu’elle est dessinée.

Tant de fraîcheur intempestive est bien sûr épuisant – et jouissif comme la crise, impétueuse mais trépidante, pour un épileptique.

Son : 7 – Livret : 6 – Répertoire : 7 – Interprétation : 8

Chronique réalisée sur base de l'édition digitale.

Bernard Vincken

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