Anaëlle Tourret, harpiste 

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La harpiste Anaëlle Tourret fait paraître un enregistrement qui met en perspective André Caplet, Benjamin Britten, Paul Hindemith et Heinz Holliger, à travers des partitions qui explorent les potentialités de son instrument. Crescendo Magazine échange avec cette musicienne installée à Hambourg où elle occupe les postes de harpe solo au NDR Elbphilharmonie Orchester et d'enseignement à la Hochschule für Musik und Theater 

Votre album “Perspectives” met en relief des compositeurs de plusieurs pays et de styles très différents : Caplet, Britten, Hindemith et Holliger. Comment avez-vous conçu cet album ? 

Ce programme dont la trame s'articule autour d'un spectre temporel commun -le XXe siècle- est profondément ancré dans mon parcours musical et artistique. Ces quatre compositeurs et leurs œuvres respectives pour harpe font partie d'un socle dont la richesse me porte encore aujourd'hui. Il s'agissait, au-delà de figer des reflets sonores à travers un disque, de concrétiser une démarche artistique nourrie au fil des années. 

On a souvent, dans notre imaginaire collectif, l’image de la harpe instrument de salon et de sympathiques pièces de genre. Comment les compositeurs du XXe siècle, en premier lieu ceux présentés sur votre album, sortent-ils de ces conventions ? 

Bien que comptant parmi les plus anciens instruments, ce n'est qu'au début du XXe siècle que la facture la plus récente de la harpe moderne fait son apparition, ce qui suscita un nouvel intérêt pour les compositeurs de cette période. Le XXe siècle fut ainsi le théâtre de nombre d'innovations techniques, digitales et sonores pour la harpe ; le reflet ici par ces quatre compositions, chacune originalement composée pour l'instrument et présentant une forme de nouveauté, bouleversant les aspects établis et ouvrant de nouveaux champs de possibles. 

Ce sont ces éléments absolument fascinants qu'il me tenait à coeur de transmettre, car si ces pièces font à présent partie intégrante de notre répertoire -tout comme celui plus romantique dont on a parfois l'image, il s'agissait à travers elles d'ouvrir de nouvelles perspectives d'écoute et de vision de cet instrument. 

Comment les styles de ces quatre compositeurs s’immiscent-ils dans les potentialités techniques et sonores de la harpe ? 

Chaque compositeur présent sur cet album a insufflé ses inspirations, stylistiques, géographiques, artistiques, dans son œuvre pour harpe. 

Ainsi André Caplet, dont les parfums d'Espagne résonnent dans son deuxième Divertissement, mêle-t-il agilement des innovations digitales et mécaniques (glissements rythmiques de pédales par exemple) à ses inspirations plus lointaines.

Paul Hindemith, alors à la croisée de chemins personnels et artistiques très denses, développe dans sa Sonate pour harpe une palette sonore néo-classique jusqu'ici méconnue, notamment avec ses associations d'intervalles très marqués.

Benjamin Britten, dans sa Suite, réalise un chef d'œuvre d'entrelacements de voix espiègles, sérieuses, quasi religieuses sans jamais se défaire de son goût pour le jeu et l'utilisation des formes anciennes.

Heinz Holliger enfin, repousse jusqu'aux limites les capacités techniques et digitales de l'instrument, en épousant ses contraintes pour les transcender et accéder à un autre ordre de réalité. 

Vous êtes installée à Hambourg. Qu’est-ce qui vous a motivée à poser vos valises dans cette ville allemande ?

Après des études parisiennes auprès de Ghislaine Petit-Volta et Nicolas Tulliez, c'est d'abord la volonté de poursuivre mon parcours avec un professeur et harpiste de renommée internationale, Xavier De Maistre, qui m'a amenée à venir dans cette magnifique ville. 

La passion pour le répertoire orchestral étant par ailleurs présente depuis mon plus jeune âge, l'enthousiasme à découvrir les traditions des plus grandes phalanges germaniques était également bien réel.

Après un passage au sein de l'Orchestre de la Radio de Cologne en tant qu'académiste, j'ai eu l'immense joie d'être nommée au poste de harpe soliste du NDR Elbphilharmonie Orchester sous la direction d'Alan Gilbert en 2018, à l'âge de 25 ans.

Vous êtes harpiste du NDR Elbphilharmonie Orchester qui se produit dans la désormais célèbre salle de concert. Est-ce que jouer dans une telle salle est une motivation supplémentaire pour les musiciens de l’orchestre ? 

À titre personnel, je crois que plus encore qu'une motivation, cette salle si incroyable m'apparaît souvent comme un guide, un repère, voire un moteur. C'est un élément précieux dans nos recherches sonores, musicales et techniques quotidiennes, et un goût sans cesse renouvelé de l'exploration sensorielle et artistique. En tant que musicien, c'est une merveilleuse opportunité d'expression. 

Vous enseignez également aux côtés de Xavier de Maistre à la Hochschule für Musik und Theater de Hambourg. En quoi l’enseignement est-il important pour vous ? 

La transmission d'un savoir, d'une école, d'un geste, est une notion qui m'est extrêmement chère. J'ai eu la chance d'être entourée de très grands pédagogues qui, avec passion, n'ont eu de cesse, encore aujourd'hui, d'être dans une écoute bienveillante mais des plus exigeantes. Il est à mes yeux vital de perpétuer ces transmissions, et de s'inspirer de toutes les formes possibles de réflexions et de recherches. 

Quand on pense à la harpe, on pense à l’école française et à ses grands noms. Mais existe-t-il une école allemande de harpe ? 

L'école de harpe allemande est, à mes yeux, bercée par de multiples courants pédagogiques et artistiques aux horizons divers, et en cela excellente parce qu'elle forme au métier d'orchestre comme il est rarement vu ailleurs. Cette notion de sonorité orchestrale, ce souci de mettre son instrument au service d'un son commun sont des éléments précieux et particuliers à cette école.

Le site internet d’Anaëlle Tourret : www.anaelletourret.com

  • A écouter : 

Perspectives.  André Caplet : Divertissements pour Harpe ; Paul Hindemith : Sonate pour Harpe ; Benjamin Britten : Suite pour harpe, op. 83; Heinz Holliger : Präludium, Arioso & Passacaglia pour Harpe. Anaëlle Tourret, Harpe.1 CD Es-Dur ES2085. 

 

Propos recueillis par Pierre-Jean Tribot 

Crédits photographiques : Harald Hoffmann Photography

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