Mariss Jansons fait rayonner la troisième symphonie de Bruckner à Munich

par

Anton Bruckner (1824-1896) : Symphonie no 3 en ré mineur WAB 103 (version 1889, édition Nowak). Mariss Jansons, Orchestre symphonique de la Radio bavaroise.  2005. Livret en allemand et anglais.  56’18. BR Klassik 90089

Une version calamiteuse !!! Ainsi Harry Halbreich qualifiait-il cette mouture de 1889 utilisée par Mariss Jansons.  C’est cette partition que le chef letton magnifiait au Concertgebouw (RCO Live, SACD, septembre 2008) et qu’il avait aussi choisie pour le concert de janvier 2005 reproduit sur le présent CD, lequel se trouve aussi dans un coffret du même label regroupant les symphonies 3 à 9 (sauf la Cinquième).

Dans le Mehr langsam, misterioso, on peut apprécier comment Jansons laisse advenir l’introduction sans presser l’allure (contrairement à Carl Schuricht à Vienne chez Emi), favorisant un flux souple et spontané, même si la trompette n’est pas des plus expressives. La suite de la présentation thématique (3’49) résiste au lyrisme ; le volume des chorals cuivrés n’est pas flatté par la prise de son, mais l’orchestre bavarois concilie la transparence des énoncés avec ce timbre chaud qui lui appartient. La baguette sait galvaniser les troupes quand il faut, ainsi dans les épisodes transitionnels (11’29) et les climax énergiquement stimulés, dont la tonicité excède l’ampleur. La conduite du discours s’équilibre entre transparence et éloquence, sans bavure dans les fff, jusqu’à une conclusion éprise de brio.

L’Adagio révèle la palette soyeuse et bronzée des cordes dans la section en mi bémol ; la seconde partie andante (3’10) aurait néanmoins mérité des altos plus présents. En tout cas, Jansons ne s’abîme pas dans le mysticisme, anime sans relâche et enchaîne les idées sans détour, sur un tempo qui semble s’alimenter par son propre développement, vers une ardente culmination. Le rageur ostinato du Scherzo est fermement tracé, nettement contouré, sans effet caoutchouteux, vivifié par un contre-sujet (0’54) lui aussi façonné sans mollesse. Le charmant Trio dissipe à peine la tension de cette acerbe lecture.

Jansons propulse l’Allegro final avec un entrain féroce, ne faiblit pas pour l’incursion de la polka (1’08) qui s’intègre avec une imparable logique. Les contrastes se trouvent exaltés (4’04), opposés aux moments recueillis (5’50) qui dialectisent ce mouvement, au sein d’une interprétation dont on peut admirer la vitalité, jusqu’au triomphe de l’apothéose en ré majeur illuminée par un orchestre éblouissant, malgré une captation un peu éteinte hélas. Indépendamment des questions formelles et de la querelle d’édition, le maestro permet surtout d’illustrer l’absolue force de rayonnement d’une telle œuvre quand elle est placée dans des mains aussi expertes.

Son : 7,5 – Livret : 9 – Répertoire : 9 – Interprétation : 9

Christophe Steyne

 

 

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