Paul Lewis, pianiste beethovénien 

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Le pianiste britannique Paul Lewis est renommé pour ses interprétations des oeuvres de Beethoven dont il a gravé des versions de référence des Sonates et des Concertos. Dans le cadre de l’année Beethoven, il propose les Bagatelles, des oeuvres parmi les moins aimées du Grand sourd ! Crescendo rencontre ce musicien d’exception pour parler Beethoven, mais pas que… ! 

Votre nouveau CD est consacré aux Bagatelles pour piano de Ludwig van Beethoven. Ces œuvres occupent une part quelque peu mineure de l'œuvre de Beethoven. Qu'est-ce qui vous a orienté vers ce choix de programme ? 

Bien évidemment, ces Bagatelles ne sont pas considérées comme des grands chefs- d’oeuvre à l’image des dernières sonates ou des grandes symphonies, mais ce sont également des oeuvres de génie. Nous identifions souvent Beethoven comme un maître de la structure et des développements, comme dans les mouvements de sonates ou des symphonies, mais il est aussi un virtuose de la petite forme et c’est ce qu’il démontre dans ces Bagatelles ! Je dois vous avouer que j’ai toujours été attiré par ces partitions et je suis très heureux de les avoir proposées au disque. 

En quoi ces bagatelles témoignent-elles de l'inventivité de Beethoven ? Quelles sont leurs difficultés d’interprétation ? 

Beethoven utilise ici de manière un peu malicieuse la profondeur de son langage musical. Il montre un côté différent de ce que l’on connaît de lui mais qui mérite que l’on s’y attarde. Prenons les dernières grandes œuvres pour piano, à l’image de la sonate pour piano Opus 111, il faut se projeter dans une partition en tous points énorme mais, avec ces Bagatelles, il y a une sorte d’introspection et d’expérimentation sur une durée très courte. Prenez par exemple les Bagatelles opus 126, malgré leur brièveté, elles sont foncièrement géniales. Elles regorgent de petits détails et de petits éléments qu’il faut prendre parfaitement en considération pour caractériser toutes les facettes de ces Bagatelles qui ne durent que quelques minutes chacune. Ainsi, Beethoven est à la fois un maître de la grande forme et de la petite forme !   

Beethoven occupe une grande partie de votre discographie. Vous avez enregistré les concertos pour piano il y a une dizaine d'années. Votre vision de ces œuvres a-t-elle changé entretemps ? Souhaitez-vous les réenregistrer ? 

Bien sûr que oui ! J’aimerais tout autant réenregistrer les sonates que les concertos. Au début de cette année, j’ai interprété les Concertos n°1 et n°4 de Beethoven avec le Chicago Symphony Orchestra. J’ai ensuite écouté la captation de ces concerts et j’ai été surpris de voir comment mon interprétation a évolué par rapport à mon enregistrement qui remonte à désormais 10 ans ! Mais c’est tout à fait logique car nous travaillons continuellement des oeuvres, nous vivons avec ces partitions, sans oublier que nos vies et nos expériences influent sur l’interprétation. J’ai été très étonné de mon évolution dans le Concerto n°4, que je joue avec plus de flexibilité qu’il y a 10 ans. J’aimerais enregistrer ces oeuvres à nouveau, mais je ne doute pas que dans 10 ans, mon interprétation aura encore évolué ! Je pense que nous devons être honnêtes et heureux avec ce que l’on fait dans l’instant. 

Qu’est-ce qui fait pour vous la force du génie beethovénien ? 

La force de son génie, c’est son humanité ! Beethoven est capable de traduire en musique tant de choses, tant d’aspects, tant de sentiments, tant de sensations ! Il est parfois si difficile de mettre des mots sur des sentiments, mais Beethoven est capable par sa musique de nous toucher directement en plein coeur avec une telle franchise et une telle honnêteté ! Il y a des musiques qui sont liées à une époque, à un mode de vie, à un système politique, mais Beethoven passe au-dessus de tout cela car sa musique est attachée à ce qu’est l’humain !  

Dans votre discographie, il n'existe actuellement aucun enregistrement des partitions de Bach. Pensez-vous parfois aux Variations Goldberg ou au Clavier bien tempéré

En effet, vous avez raison ! Cependant, j’ai enregistré deux de ses oeuvres : la Partita en si bémol majeur, BVW 825 et quelques Chorals Préludes dans les arrangements de Busoni. Il y aura un jour un album Bach, mais je dois réfléchir à ce que je peux mettre en complément de ces bandes. Je jouais beaucoup plus Bach quand j’étais plus jeune, sans doute que je le trouvais plus facile à aborder…. En ce qui concerne les grands cycles pour piano, je ne me sens pas au stade où je veux les jouer en public ou les enregistrer, mais qui sait, cela se matérialisera peut-être dans le futur ! 

Avez-vous déjà déterminé le programme de votre prochain enregistrement ?

Deux albums ont déjà été enregistrés : un second volume des sonates de Haydn et un autre consacré à des sonates de Brahms. Sans oublier le projet Bach dont nous venons de parler. Je n'irai donc probablement pas en studio avant un certain temps car il faut que ces disques sortent ! 

Propos recueillis par Pierre-Jean Tribot 

Le site de Paul Lewis : www.paullewispiano.co.uk

A écouter : 

Ludwig van Beethoven : Fur Elise, Bagatelles Opp. 33, 119 & 126. Paul Lewis, piano.  HMM902416. Pour écouter, suivre ce lien : https://lnk.to/PaulLewis-Bagatelles

 

 

 

Crédits photographiques : Kaupo Kikkas

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