Bruckner avec les meilleurs
Anton Bruckner (1824-1896) : Symphonies n°1 à n°9. Symphonieorchester des Bayerischen Rundfunks, Lorin Maazel, Mariss Jansons, Bernard Haitink et Herbert Blomstedt, direction.2019-DDD-CD1 53’42 CD2 69’07 CD3 56’19 CD4 72’10 CD5 75’37 CD6 55’13 CD7 64’53 CD8 80’04 CD9 56’29-Textes de présentation en anglais et allemand-BR Klassik-900716
Quatre monstres sacrés, un orchestre de classe internationale, un génie du répertoire classique. C’est Noël avant l’heure chez BR Klassik. Un coffret qui a de quoi faire rêver les amateurs de Bruckner et même les plus réticents. Une somme considérable de notes que seul Bruckner parvient à agencer avec cette manière si organique. Un héritage esthétique inoubliable, un guide pour beaucoup. La figure mystique de Bruckner, et plus particulièrement de sa musique, fascine. Elle fascine par des formes démesurées et des effectifs toujours plus impressionnants, notamment. Et puis, il y a ce sens dramatique, bouleversant, que parvient à insuffler le compositeur dans chacune de ses œuvres… Pour le plus réticent des mélomanes devant ce langage ô combien complexe, ce coffret de neuf CD rétablit ici une vérité musicale où respect et bienveillance de la part des interprètes rendent justice à ce merveilleux répertoire. Quatre chefs qui ont œuvré, ou œuvrent encore, se partagent les neuf symphonies.
C’est Lorin Maazel qui ouvre le bal avec les deux premières symphonies. Enregistrées live en janvier 1999 -rappelons qu’il existe déjà une intégrale Bruckner dirigée par Maazel avec le même orchestre (2011)- les deux œuvres bénéficient d’un regard limpide et d’une baguette parfois plus lente que l’habitude, toujours en recherche de couleurs. Tout est clair et homogène sous sa direction. D’une certaine manière, on peut parler d’un Bruckner dépoussiéré avec des points de tension justement agencés. Un pupitre de cordes lisse, des cuivres homogènes presque endiablés, des bois d’une finesse inégalable, c’est résolument un très grand orchestre qui sonne ici, comme pour d’ailleurs chacun des chefs.
Mariss Jansons conduit les symphonies n°3, 4, 7 et 8. Si chez Maazel, un caractère très posé se perçoit, chez Jansons, c’est la vitalité et l’énergie sur l’intégralité du matériau qui sont à saluer. Quelle force dramatique se dégage de chacune de ses lectures ! Tout est contrôlé mais dans une esthétique qui laisse place à une forme de spontanéité que l’on goûte bien volontiers. Tout est magnifié ici, entre la poésie des mouvements lents et l’énergie sans limites des scherzi. Osons le dire, le meilleur Bruckner est à entendre ici.
Bernard Haitink ne pouvait pas rater cette opportunité. Il personnifie Bruckner d’une manière très solennelle, douée d’une immense profondeur psychologique qui nous saisit à chaque instant. Dirigeant les symphonies n°5 et 6, il installe des climats réellement bouleversants. C’est majestueux, grandiose mais toujours d’une grande finesse d’esprit. La maturité et l’expérience du chef associées à une phalange aussi remarquable ne peuvent donner qu’une lecture idéale voire parfaite. Et c’est clairement ce qui ressort ici. Une architecture maîtrisée, un travail conséquent sur l’homogénéité et l’émergence de certains pupitres, une énergie sous-jacente qui ne fait jamais défaut.
Herbert Blomstedt participe également à la fête et conclut cette intégrale avec un Bruckner très maîtrisé. De nombreuses textures se succèdent, le tout grâce à une palette de couleurs saisissante. Un peu moins éclatant, plus mystérieux sans doute, le langage de Blomstedt se veut humble devant un tel génie et particulièrement soucieux du son qu’il crée.
Un coffret exceptionnel, beaucoup d’émotions et d’inspiration tant pour les mélomanes que pour les artistes.
Ayrton Desimpelaere
Son 10 – Livret 10 – Répertoire 10 - Interprétation 10