Au Concert

Les concerts un peu partout en Europe. De grands solistes et d’autres moins connus, des découvertes.

Micromégas, opéra rêvé et rêve d’opéra

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Le projet frémissait depuis un temps, de donner à Ars Musica sa sœur bisannuelle, en même temps qu’à la voix sa place dans la création contemporaine : Next Opera Days prend appui sur l’accessibilité (relative) de l’opéra de poche (la souplesse d’une distribution et d’une mise en scène parcimonieuses) pour propulser des (jeunes) compositeurs-narrateurs sur les scènes bruxelloises. L’opéra parlé (poétique et radiophonique) Consensus Partium d’Alessandro Bosetti et David Christoffel ouvre le jeu (après une table ronde sur les potentielles métamorphoses du genre et une master class de chant) et Mary de Clara Olivares (au Théâtre de La Balsamine le 17 novembre) , opéra entre littérature et art de la marionnette, le referme, deux créations entre lesquelles je m’installe, aux Brigittines, dans la Chapelle aux briques brutes aujourd’hui accolée à son aile moderne, vitrine de verre presqu’indécente dans la nuit pluvieuse mais diablement accueillante, pour l’inédit Micromégas, au premier soir des deux représentations que propose le festival -en fait, pas tout à fait, puisque la matinée est dédiée, en version courte, aux enfants, ravis du conte, jouissif autant que philosophique, de Voltaire.

Les trois voix féminines s’échelonnent sur la gauche de la scène (Karolyn Karolyi, la voix du cycle Sippal, Dobbal, Nádihegyedüvel de son compatriote György Ligeti ; Blandine Coulon, ancienne des chœurs d’enfants de la Monnaie ; Elise Gäbele, du Conservatoire Royal de Bruxelles), que délimite un dispositif visuel à deux écrans, encageant avec la douceur du translucide du premier les dix musiciens de l’Ensemble Musique Nouvelles et son chef, Jean-Paul Dessy. Les images en mouvement de Thomas Pénanguer, plasticien vidéo-graphique d’origine bordelaise, accompagnent de lueurs floues, parfois figuratives, le plus souvent évocatrices, les quatre parties musicales, jouées sans véritable interruption, et habillent l’imaginaire voltairien, prétexte, au travers du voyage interplanétaire du secrétaire de l’Académie de Saturne et du géant Micromégas, résident érudit exilé de Sirius, à une critique, argumentée et ironique, de l’ignorance nombriliste, de la guerre injuste, de la croyance intolérante -1752 ne diffère au fond pas tant de 2023.

L'Opéra de Monte-Carlo commence sa saison avec la Messa da Requiem de Verdi

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L'Opéra de Monte-Carlo ouvre sa saison 2023-2024 avec le Requiem de Verdi donné au Grimaldi Forum. Ce concert de prestige devait être dirigé par Daniel Barenboïm, mais le légendaire musicien a dû hélas annuler sa venue du fait de ses problèmes de santé. C'est Kazuki Yamada, directeur musical et artistique de l’Orchestre Philharmonique de Monte-Carlo qui a accepté, grâce à un revirement de dernière minute dans son emploi du temps, de reprendre le flambeau de ce concert très attendu. 

Le Requiem de Verdi peut être vu comme une sorte d'opéra religieux donnant une vision romantique de la mort, plus que comme une messe pour le repos de l'âme. Le scénario diabolique où l'homme a beaucoup de raisons d'être jugé et la destruction de cette merveilleuse planète. Ce requiem romantique et lyrique est impressionnant avec les sublimes voix bien harmonisées de l'excellent chœur de l'Opéra de Monte-Carlo. Le chœur est magnifiquement préparé par  Stefano Visconti. Les quatre brillants solistes chantent de manière superlative. La soprano lettone Marina Rebeka a une voix puissante et lumineuse. La mezzo-soprano biélorusse Ekaterina Semenchuk  est réputée pour les rôles verdiens et possède un timbre de voix intense et chaleureux. Le baryténor Michael Spyres donne une performance extraordinaire. Sa voix est pleine d'émotion pure avec une technique et une sensibilité prodigieuse. La basse Ildar Abdrazakov, souffrant, a cédé sa place au baryton-basse uruguayen Erwin Schrott qui séduit par sa  voix étincelante. 

A Genève, un chef de classe : Daniele Gatti 

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Pour un concert intitulé ‘Ode à la nature’, l’Orchestre de la Suisse Romande invite le chef d’orchestre milanais Daniele Gatti, actuel directeur principal du Teatro del Maggio Musicale Fiorentino et futur directeur musical de la Sächsische Staatskapelle de Dresde à partir de l’automne 2024. 

Son programme commence par une page peu connue de Felix Mendelssohn, l’ouverture de concert Meeresstille und glückliche Fahrt (Mer Calme et heureux voyage) op.27 datant de 1828 et inspirée par deux brefs poèmes de Goethe. En un pianissimo profond, l’Adagio initial est conçu comme un lento monochrome presque lugubre que les vrilles de la flûte finissent par animer en suscitant la progression des cordes vers un Allegro vivace où la précision du trait va de pair avec la noblesse d’expression. Et par un subtil rubato des violoncelles s’amorce la coda brillante avec sa fanfare de cuivres annonçant joyeusement l’arrivée à bon port. 

Daniele Gatti propose ensuite l’une des pages symphoniques majeures de Claude Debussy, La Mer, qu’il débarrasse d’un flou impressionniste pour tirer au cordeau l’étagement des quintes à vide puis isoler chaque segment mélodique, tout en concédant la primauté aux cuivres. Les violoncelles divisés affirment l’avènement de midi en un lyrisme pathétique qui culminera avec le choral solennel des cuivres. Jeux de vagues est emporté par une houle frémissante sous les brusques contrastes d’éclairage que diluera le pianissimo des harpes, tandis que Dialogue du vent et de la mer prend un aspect menaçant par le grondement sourd des timbales et violoncelles provoquant de déchirants éclats. Les bois traduisent la progression irrépressible du vent entraînant le déferlement des éléments en furie, sans aucun répit jusqu’à la coda des cuivres et au cinglant coup de timbale conclusif.

Victoria de los Ángeles : Gala du centenaire au Liceu

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Mis à part leur année de naissance, deux des plus grandes cantatrices du XXe siècle, semblent partager plus de divergences que des points un commun : une vie privée discrète voire ascétique pour Victoria, un étalage de « paparazzi » et une énorme renommée pour Maria Callas, une carrière brillante, certes, mais la Barcelonaise n’est jamais devenue un icône de masses. Pourtant, si l’Espagnole avait eu une enfance heureuse et pas marquée par la mésentente avec sa mère comme Callas, sa vie privée d’adulte ressemble cruellement à un calvaire, tenu dans le secret ou dans la plus grande discrétion. Car, de ses deux enfants, le deuxième avait un syndrome de Down, avec les difficultés que cela pouvait causer à cette époque et le premier, Juan Enrique, décéda dans sa trentaine de manière inopinée. Pour couronner l’ensemble, son mari entretenait une deuxième famille de plusieurs enfants avec sa secrétaire et cela aux frais de la cantatrice car le divorce était impossible dans l’Espagne franquiste. Un détail glaçant sur la condition féminine dans cette période si proche -et que certains semblent actuellement regretter- : le mari qui aurait tué sa femme adultère, n’était puni que par le bannissement selon le Code Pénal en vigueur alors… Un autre aspect divergeant entre les deux tient à leur renommée : si Callas divisait les esprits entre partisans et détracteurs acharnés, rivalité avec la Tebaldi incluse, Victoria semble n’avoir connu que l’éloge pour sa musicalité, sa recherche infatigable de la vérité expressive et son talent pour transmettre au public les émotions les plus profondes. Invitée par Wieland Wagner, elle est à ce jour, avec Plácido Domingo, la seule espagnole à avoir chanté dans le « Santa Sanctorum » wagnérien de Bayreuth. Sa carrière internationale fut splendide : entre 1950 et 1961 elle chanta 200 représentations au Metropolitan de New York, en passant par le Covent Garden à Londres, La Scala de Milan, le Wiener Staatsoper ou le Teatro Colón à Buenos Aires et, dès ses débuts, au Liceu. Pourtant, un aspect essentiel de sa carrière fut le récital de « Lieder » : elle considérait que cet aspect du chanteur était un défi immanquable : « Le lied aide à parfaire le phrasé, la musicalité et se joint à la poésie, à la littérature… à la toute culture en définitive ! » disait-elle.

Hélène Grimaud, triomphale  à Monte-Carlo 

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L'Auditorium Rainier III de Monte-Carlo est comble pour la venue de la superstar Hélène Grimaud. Sa présence en Europe coïncide avec la promotion de son ouvrage Renaître pour lequel la pianiste est omniprésente dans les médias. 

Pour ce concert monégasque, elle propose l’un de ses chevaux de bataille, le Concerto n°1 de Brahms, une partition qui l’accompagne depuis des années et dont elle connaît les moindres recoins à la perfection.  Sa lecture convoque la beauté, la perfection et le sublime. Les dissonances du piano sonnent comme des pleurs, comme un gémissement de ne pas avoir d'être cher. Son âme est ici exposée. Intense création musicale romantique d'une artiste unique aux multiples facettes, qui continue de repousser les frontières créatives. 

Hélène Grimaud est l'une des rares artistes à conquérir les dimensions monumentales de l'épopée pianistique. Ferme, ouvragé, sculpté avec un souci du détail qui ne sacrifie jamais la grande ligne. Impossible d'être plus fidèle à l'esprit de Brahms, et au génie de sa musique.  Elle excelle de bout en bout avec un engagement, un souffle et une technique sans faille qui ne heurte jamais le piano, ou ne l'effleure avec délicatesse et, aux passages exigeant la force, elle utilise suffisamment de puissance lâchée et déchaînée pour maintenir ses mélodies et ses harmonies dominantes.

Bartók et Strauss par l’Orchestre Philharmonique de Rotterdam

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Ce jeudi 2 novembre a lieu le concert de l’Orchestre Philharmonique de Rotterdam à Bozar. L’orchestre est placé sous la direction du jeune chef Tarmo Peltokoski. Ce dernier est depuis peu, le premier chef invité de la phalange néerlandaise. La pianiste acclamée Yuja Wang nous fait le plaisir de venir se produire aux côtés de ces artistes. Au programme de ce concert, les Six Danses populaires roumaines, Sz. 56, BB 68 ainsi que le Concerto pour piano et orchestre n° 2, Sz. 95, BB 101 de Béla Bartók pour terminer avec le poème symphonique Also sprach Zarathustra, op. 30 de Richard Strauss.

La soirée débute donc avec les Danses populaires roumaines de Béla Bartók. Cette pièce est à l’origine une suite pour piano composée en 1915. Ce n’est que deux années plus tard, en 1917, que le compositeur hongrois fait une transcription pour orchestre, version que nous entendons ce soir. 

Cette œuvre est constituée de six danses basées sur des mélodies issues de Transylvanie. La musique de Bartók est intimement liée à la musique folklorique de Hongrie et de Roumanie. L’orchestre donne un caractère différent à chacune des danses. Notons la très belle exécution du solo de piccolo dans la troisième danse avec des tierces et secondes augmentées qui confèrent un style oriental à cette partie de l’œuvre. Cette courte pièce enjouée est une belle mise en bouche avant le Concerto pour piano et orchestre n° 2, lui aussi de Bartók. La véritable star de cette soirée est sans conteste Yuja Wang qui se lance dans l’un des concertos pour piano les plus difficiles du répertoire. Dans le premier mouvement, le jeu est virtuose et percussif. Elle est accompagnée avec précision par l’harmonie, les cordes étant mises au repos par Bartók. Le second mouvement est divisé en trois parties : Adagio-Presto-Adagio. Les deux adagios mettent en exergue les cordes (l’harmonie est à son tour au repos) jouant dans une nuance à peine perceptible. Cela permet à Wang d’exprimer ses intentions musicales avec élégance mais aussi avec un côté mystérieux. Il s’en suit un dialogue avec les timbales, brillamment exécuté par la pianiste et le timbalier Danny van de Wal, dont toutes les interventions sont calibrées. Le presto de la partie centrale est vif. L’orchestre peut enfin se déployer totalement dans le dernier mouvement, usant d’une échelle des nuances assez large. Yuja Wang continue d’impressionner par sa vivacité et son agilité dans ce final triomphal. L’orchestre, sous la baguette attentive de Peltokoski, accompagne plus que consciencieusement la soliste. La sallen comble pour l’occasion, acclame pendant près de quinze minutes les artistes du soir. Pendant ce laps de temps, Wang et Peltokoski font le show avec deux bis : l’Etude en la mineur Op. 76 N°3 de Sibelius et un extrait de Petrouchka de Stravinsky.

A Genève, l’OSR accueille un pianiste époustouflant : Dmitry Shishkin

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Sous le titre ‘Fête orchestrale’, l’Orchestre de la Suisse Romande inscrit son troisième concert de la saison que dirige Jonathan Nott. Le programme commence par l’Ouverture qu’Hector Berlioz élabora en 1838 pour son opéra en trois actes Benvenuto Cellini. C’est du reste la seule page qui eut du succès lors de la création du 10 septembre 1838 à l’Opéra de Paris (Salle Le Peletier). Avec un rare brio est enlevé l’Allegro initial qui bute sur le pizzicato claudicant des cordes graves évoquant la venue du Pape Clément VII dans l’atelier du sculpteur. La sérénade à Teresa la bien-aimée accorde ici une trop grande présence aux instruments à vent face au cantabile des violons qui manque singulièrement de soyeux. Le développement équilibre davantage les forces en présence avant de conclure par la citation triomphante du thème papal.

Donaueschinger Musiktage 2023, plus ouvert, plus international, plus découvreur

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Biotope et hiérarchie : l’évolution en marche

Il reste un léger crachin (un simple effluve humide en comparaison des trombes qui, hier sur l’autobahn, épuisaient mes essuie-glaces), qui n’empêche pas de flâner le long de l’eau, vers le Museum.Art Plus, sa Porsche 911 désossée et dorée (une exposition annexe commémore les 50 ans de la 911 Carrera RS 2.7.), ses sculptures monumentales et multicolores, sa Vespa spaghetti délirante et l’installation sonore de Marina Rosenfeld (1968-), compositrice de Brooklyn (New York), qui aborde de façon louvoyante certaines questions existentielles relatives à la musique et au compositeur, et touche le spectateur sur le triple plan auditif, visuel et affectif -du concept à la réalité, se concrétisent, dans deux pièces à l’étage, plusieurs paires de haut-parleurs posés au plancher diffusant des sons sporadiques, aux côtés de deux micros, de panneaux colorés et de feuilles, de papier et de soie, arrangés, disposés, et autour desquels on déambule, à la recherche de ce fil souvent tortueux, qui lie l’idée à sa concrétisation.

De l’idée à la concrétisation, l’artiste est rarement seul : il vit en interaction avec son environnement, et ses intuitions, ou son travail, ou les unes et l’autre, ne naissent ni se ne développent sans interdépendance avec son biotope : l’édition 2023 des Donaueschinger Musiktage (qui se charge aussi de présenter les œuvres décalées suite à la pandémie) s’intéresse à la collaboration, de la création de l’œuvre à son exécution (des processus pas toujours distincts eux non plus -l’improvisation en est l’exemple le plus évident), dans l’usage des technologies ou de l’espace, dans les rapports avec l’auditeur- s’éloignant délibérément de la structure hiérarchique en musique savante, fondée sur une prééminence en cascade : celle du compositeur sur l’exécutant, du chef sur l’orchestre, de la musique sur le public ; de l’ingénierie sur l’artistique. Au fond, nombreux sont ceux qui interviennent entre l’étincelle (enfin…) créative et la réception dans les oreilles de l’auditeur des sons imaginés : l’interprète bien sûr, mais aussi l’acousticien, l’architecte de la salle de concert, le facteur d’instrument, l’auteur des notes de programme…

Symphonie pour 220 haut-parleurs et geyser vocal

La Symphony No. 3 de Wojtek Blecharz (1981-), polonais installé à Berlin, s’écoute dans une formule qui bouscule la tradition du concert, à mi-chemin entre celui-ci et l’installation : ça se passe dans le (petit) hall des sports Erich Kästner, aux fonctionnelles lignes de couleurs sur le sol balisant ses utilisations multiples (basket, volley, mini-foot…), au long de certaines desquelles sont alignés 220 haut-parleurs sans fil, éteints -longues chaussettes jaune fluo, agenouillé, accroupi, glissant sur son séant, le compositeur les allume au fur et à mesure. Les petits appareils envahissent notre vie courante, alors pourquoi pas en remplacement des interprètes : Blecharz voit ces petits cylindres de plastique et de métal comme autant de semences d’un jardin sonore qu’il construit, plantant l’une après l’autre, graines de résistance à la hiérarchie patriarcale de l’orchestre symphonique -avec ce délicieux paradoxe, qui délivre des instructions (des recommandations) à l’auditeur (marchez lentement entre les haut-parleurs, asseyez-vous ou couchez-vous, changez trois fois de position…) sur la façon d’exercer sa liberté : « le son est la carte, marcher est écouter » ; l’expérience instruit, dégrossit la position traditionnellement passive de l’audition symphonique, s’inscrit dans la fin d’une journée bien nourrie -même si la qualité sonore de minuscules enceintes Bluetooth ne vaut pas la présence acoustique des instruments.

Aurélien Pascal et Valentina Igoshina en récital

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Les Musicales de Menton, à l'initiative de Jérôme Delmas, ont programmé sous l'égide des Amis du Festival de Menton un concert de grande qualité avec le violoncelliste Aurélien Pascal et la pianiste Valentina Igoshina. Ce récital aurait parfaitement pu cadrer dans la programmation du Festival de Menton avec ces deux jeunes musiciens bardés de récompenses   

Aurélien Pascal et Valentina Igoshina nous proposent un superbe programme de musique française et russe : Gabriel Fauré et Sergei Rachmaninov. Le récital commence par la Sicilienne de Gabriel Fauré. Les deux artistes  communiquent le sentiment mélancolique, nostalgique, doux-amer, élégant, gracieux, et mélodieux de ce petit chef-d'œuvre.  LElégie en ut mineur de Fauré est l’une des œuvres les plus célèbres pour violoncelle et piano. Sa tonalité d'ut mineur et son tempo lent en font l’une des plus belles pages du répertoire pour violoncelle, chargée de lyrisme et de mélancolie. Aurélien Pascal annonce qu'ils joueront en plus la Mélodie de Tchaïkovski pour faire le passage à la partie russe du programme,  ils enchaînent avec la Sonate de Rachmaninov. On assiste à une interprétation haut de gamme. Aurélien Pascal est un musicien sincère. Il y a une certaine qualité facile, ludique et géniale dans son jeu, mais elle est suffisamment sérieuse et intense là où c'est nécessaire.  Valentina Igoshina est une spécialiste de Rachmaninov et on est soufflé par sa maîtrise artistique.  Il semble qu'il y a eu des problèmes de livraison avec le piano initialement commandé. Le piano quart queue est juste passable. Heureusement que Valentina Igoshina est assez humble et considère comme un défi de pouvoir tirer un maximum de l'instrument. Ce qui compte le plus c'est la pianiste, pas le piano ! Et quelle pianiste ! Valentina Igoshina est une musicienne incroyablement douée et passionnée. Elle fait entendre un jeu où raffinement, virtuosité, poésie et caractère vont de pair. Elle forme avec Aurélien Pascal un duo parfait.     

Novo Quartet remporte la section quatuor à cordes du 77e Concours de Genève

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À l’issue de l’épreuve finale des quatuors à cordes du 77e Concours de Genève, le dimanche 29 octobre à Victoria Hall, le Novo Quartet (Danemark) a obtenu le premier prix, alors que le Quartett Hana (Allemagne) et le Quatuor Elmire (France) ont partagé le 2e prix.

Quartett Hana se présente en premier lieu pour interpréter le Quatuor à cordes n°3 en majeur, op. 44-1 de Mendelssohn. Dès les premières notes, il fallait bien tendre l’oreille pour entendre les quatre instruments qui ne sonnent pas suffisamment, contrairement à l’énergie très visiblement déployée par les musiciens. Est-ce à cause de l’acoustique de la salle ? Ou de la place que nous occupions au parterre ? Leur jeu très est bien mis en place sans aucune faute, les notes sont toujours justes et le tempo presque métronomique. Mais nous sommes restés sur notre faim notamment à cause de peu de changement de caractère, d’humeur, et de registre sonore.

Le Quatuor Elmire fait preuve d’une idée musicale originale et réfléchie, dans le Quatuor à cordes n°8 en mi mineur, Op. 59-2, « Razumovsky » de Beethoven. Dès les accords initiaux, ils mettent l’accent sur la pause comme une interrogation philosophique. Leur manière de jouer semble se rapprocher à maintes reprises d’un jeu baroque, en s’ajustant en fonction d’une écoute mutuelle constante, d’où quelques flottements quant à la hauteur de note. Mais cela rendait l’interprétation bien propre à eux, avec une affirmation sortant des sentiers battus. Le deuxième mouvement est caractérisé par une flexibilité, tels des flux d’ondes : des crescendi et descresciendi comme des dilatations et dégonflements organiques. Toutefois, l’impression de prudence permanente empêchait de nous éclater émotionnellement au rythme de la musique, jusqu’au final qui ne s’emporte pas tout à fait.