Clara Inglese à propos du festival "Les Voix en ville"

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La soprano Clara Inglese est la cheville ouvrière du festival "Les Voix en ville", prolongement de la dynamique asbl "Lettres en voix". Organisé à Bruxelles du 1er au 3 octobre, il propose une affiche intéressante et contrastée, lien entre la musique et le domaine des lettres.  

Quelle est l’ambition de ce festival ? Pourquoi avez-vous souhaité mettre en lien les lettres et les voix au fil des concerts ? 

Le festival se veut avant tout un vivier d’art, de culture, de littérature et de musique, un lieu où la voix et les lettres se rencontrent et font naître de nouveaux horizons sur le plan de la création. C’est la vocation de l’association "Lettres en Voix" qui organise l’événement et que nous avons co-fondée avec Myriam Watthee-Delmotte et Estelle Matthey en 2014. Depuis lors, nous avons eu l’occasion de créer des spectacles, des concerts, d’organiser des rencontres littéraires, des ateliers d’écriture et voix, ou encore des conférences. L’idée de lancer un festival s’est dessinée progressivement dans la perspective de vivre au plus près du public cette alliance de l’art vocal et de la littérature. Le texte offre une voie d’entrée particulièrement riche dans la musique vocale, tandis que la musique vient nuancer la couleur d’un texte. C’est ce que nous souhaitons mettre à l’honneur dans notre programmation cette année, qui propose quatre concerts à l’Église Notre-Dame au Sablon, des capsules littéraires filmées par Zoé Tabourdiot dans des lieux emblématiques de Bruxelles, et un ciné-poème réalisé par Jean-Philippe Collard-Neven avec l’écrivain Yannick Haenel, et qui sera diffusé sur notre site internet en apothéose du festival. 

Quels sont les fils rouges de la programmation 2021 ? 

Les "scènes d’éblouissement" sont le fil rouge principal de cette édition. Car il nous a semblé que chacun a bien besoin de régénérer ses énergies positives en cette période d'épreuves diverses. Nous souhaitions évoquer un nouvel élan, un nouveau départ dans la renaissance ou la continuité, selon les échos que chacun pourrait y trouver, pourvu que cela puisse procurer lumière et émerveillement. Nous avons choisi d’investir l’eglise Notre-Dame au Sablon, grâce au concours de la fabrique d’église, en ouvrant au public l’expérience musicale qui s’y déroule depuis une dizaine d’années avec une équipe de chanteuses (Elise Gäbele, Aveline Monnoyer, : Maria Portela Larisch et moi-même) et d’organistes (Benoît Mernier, Roland Servais, Arnaud Van De Cauter) dans le cadre des offices. Les deux orgues (l’orgue de tribune Goynaut-Westenfelder, datant de 1764, et l’orgue de chœur installé dans la nef en 2011 par le facteur Rudi Jacques) et l’acoustique permettent aux musiciens et au public de jouir d’un répertoire diversifié, allant de la musique renaissante baroque à la musique contemporaine. Nous souhaitions également faire connaître ces potentialités aux étudiants du Conservatoire Royal de Bruxelles, qui gravitent autour du Sablon en passant d’une antenne (rue de la Régence) à l’autre (rue du Chêne). C’est pourquoi nous les avons invités à donner un concert au cœur du festival, intitulé « Licht und Wunder ». Ce concert est précédé d’une masterclass animée par Bernard Foccroulle et Reinoud Van Mechelen, et dans la lignée du programme "Musica Poetica", que ces deux musiciens d’exception donneront autour des grands noms de la musique renaissante italienne et allemande (Monteverdi, Frescobaldi, Bach, Buxtehude,…). Nous prolongerons la thématique lors du concert de clôture du festival, "Fiat Lux", où je chanterai avec les organistes Benoît Mernier, Cindy Castillo et Roland Servais dans une envolée lumineuse vers la musique de création, tant à travers des transcriptions de mélodies françaises que des créations contemporaines d'œuvres de Jean-Pierre Deleuze et Adrien Tsilogiannis, pour voix et organetto, qui donneront la part belle à la berceuse et au chant traditionnel. 

 Il y a de la voix, mais aussi pas mal d’orgue à l’affiche de ce festival 2021, que ce soit avec un récital en solo (Arnaud van de Cauter) ou avec de la voix (concerts avec Bernard Foccroulle, Roland Servais et Benoît Mernier) ; l’orgue est-il le prolongement de la voix ?  

En tant que chanteuse, je peux témoigner qu’être accompagné(e) des orgues, et particulièrement dans l’acoustique d’une église telle que Notre-Dame au Sablon, est une expérience inédite. La voix et l’orgue ont un point commun, à savoir l’action du souffle sur le son. L’air qui tourne dans l’espace d’un tel édifice, qu’il provienne des orgues ou de la voix, est porteur d’une telle ampleur ! Imaginez les deux ensemble ! En revanche, quand on interroge les organistes sur les particularités de leur instrument, certains témoignent de l’inexpressivité de l’orgue. Ils leur faut dès lors convoquer imaginaire et inventivité pour faire sonner les tuyaux et en faire entendre le son tout en souplesse. Aussi, la voix, comme pour beaucoup d’autres instruments, peut s’avérer une source d’inspiration pour sertir l’orgue d’un nouvel éclat. Serait-elle dès lors également le prolongement de l’orgue ? Par ailleurs, cet instrument majestueux peut entrer en résonance avec d’autres "voix intérieures". C’est la démarche que propose Arnaud Van De Cauter, à travers une soirée au titre évocateur, "Harmonizing Vibrations". 

Il y aura des concerts en présentiel et d’autres en vidéo qui seront diffusés sur le site à des heures précises ? Pourquoi avez-vous choisi cette option hybride ? 

Nous avons choisi de diffuser les capsules littéraires et le ciné-poème sur le site internet, ainsi que la chaîne YouTube et la Page Facebook de l’association "Lettres en Voix" pour permettre aux internautes qui nous suivent de les découvrir "par petites touches" et de manière variée car nous proposons de découvrir des talents de différentes tendances esthétiques qui nous semblent toutes également remarquables : c’est ce que permet un festival. C’est ce que nous avions déjà expérimenté lors de la première édition des "Voix en Ville" l’an dernier, qui s’était déroulé exclusivement en distanciel, notamment avec Laurence Vielle, Jan Ducheyne et Jean-Philippe Collard-Neven. Le succès de ces capsules en version numérique sur nos réseaux sociaux fut tel que nous avons souhaité réitérer l’expérience, aussi par souci d’économie de moyens, faut-il le souligner, en raison des circonstances sanitaires que nous connaissons tous. Nous essayons de tirer le meilleur parti de la situation, et nous sommes très heureux que le festival puisse avoir lieu cette année, sous ces différentes formes.

Cette année 2021, ce sera la seconde édition de festival, qu’est-ce qui vous a poussée à organiser cette manifestation en complément des activités de l’association Lettres en Voix

Depuis sa création, "Lettres en Voix" a reçu énormément de propositions de collaborations, et a construit diverses activités qui ont permis de poser les premiers jalons d’un projet de grande envergure. L’association des lettres et de la voix a toujours fasciné bon nombre d’auteurs et d’interprètes. Notre proposition n’est certes pas neuve, mais elle va dans le sens d’une focalisation et d’une mise en exergue de cette alliance riche de sens. À travers le festival "Les Voix en Ville", nous projetons d’ancrer nos activités dans une démarche féconde et accessible à tout public. Nous souhaitons aussi qu’il de vienne pleinement plurilingue (pour l’instant, nous incluons la littérature francophone et néerlandophone). En effet, la musique et la littérature peuvent être des lieux de rencontre, d’écoute et de dialogue. Tant qu’il y aura de la création, il y en aura pour tous les goûts. Enfin, nous espérons pouvoir pérenniser le festival, et cela grâce aux divers soutiens nécessaires à l’élaboration de tels événements. À ce titre, nous remercions d’ailleurs les nombreux partenaires qui auront rendu cette édition possible. 

  • Le site du Festival :

Le site du Festival Lettres en voix avec la détail de la programmation du Festival : www.lettresenvoix.org

Propos recueillis par Pierre-Jean Tribot

Crédits photographiques : Isabelle Françaix

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