Contrastes amérindiens en terre monégasque 

par

Deux concerts contrastés en ambiances occupaient la fin de semaine monégasque à l’Auditorium Rainier III : un récital du pianiste argentin Nelson Goerner et un concert de l’Orchestre philharmonique de Monte-Carlo. 

Nelson Goerner rejoint " l'Olympe des grands pianistes argentins" aux côtés de ses aînés Daniel Barenboïm et Martha Argerich. Ils sont tous les trois issus de l'Ecole de Vincenzo Scaramuzza, grand pédagogue italo-argentin, qui a innové une méthode fondée sur une étude exacte de l'anatomie du pianiste, qui permet une complète relaxation des muscles et des tendons de la main et du bras, même lorsque le pianiste doit exécuter les pièces les plus difficiles. En conséquence, le son est toujours rond et sans rugosité, jamais métallique, même en jeu fortissimo.

Nelson Goerner nous propose les 4 Ballades de Chopin en première partie de son récital. Chopin a composé ces Ballades à Paris et à Nohant dans la maison de George Sand et Chopin préférait les salons aux salles de concerts. Nelson Goerner fait sonner le grand piano de concert Steinway, comme si nous étions chez lui à la maison en toute intimité. On est ébloui par la sincérité de son jeu. Pas d'effets clinquants, tout est subtil, les timbres et les sonorités sont comme du velours, les couleurs chatoyantes. Les passages les plus virtuoses et les plus difficiles, coulent de source. On atteint le sommet de l'art du piano.

En seconde partie on redécouvre la monumentale Sonate en si mineur S.178 de Liszt. Une demi-heure de musique intense. Goerner nous fait chavirer d'une excitation croissante, d'un jeu de feu et de passion à des moments de douceur et de délicatesse exquise. Nelson Goerner est phénoménal. Il a atteint le plus haut niveau de perfection technique et de musicalité. Sublime, ardent, bouleversant, émouvant, quelle performance incroyable ! 

Le public est enflammé et après plusieurs rappels, Goerner nous donne en bis Brahms et Liszt. 

Contraste total avec la venue de la cheffe d'orchestre mexicaine Alondra de la Parra qui revient au pupitre de l’OPMC. Elle dirige cette fois-ci deux merveilleux guitaristes en tant que solistes : l'Espagnol Rafael Aguirre en première partie et le Brésilien Yamandu Costa après l'entracte. Les deux guitaristes sont totalement différents. 

Alondra de la Parra déborde d'énergie et met littéralement le feu aux poudres dans un répertoire de démonstration.  Le programme est très attirant avec des œuvres pleines de fougue et de couleurs, qui donnent envie de danser et de chanter.

C'est la Sinfonia India du compositeur mexicain Carlos Chavez qui ouvre la danse. C'est une œuvre joyeuse et épique à la fois et Alondra de la Parra transmet toute la passion et la flamme.  L'OPMC se fait plaisir à sonner avec brio, les musiciens sont visiblement heureux de changer de répertoire. Le Concerto d'Aranjuez de Joaquin Rodrigo est une des œuvres les plus connues du répertoire pour guitare et orchestre. Rafael Aguirre a remporté plus de 15 prix internationaux et est reconnu dans le monde entier. Il transporte l'auditeur dans un autre monde, où on imagine grâce aux sons de sa guitare les fragrances des magnolias, le chant des oiseaux et le ruissellement des fontaines dans les jardins d'Aranjuez. Son interprétation est très émouvante.  Si la semaine passée on était surpris d'entendre les cuivres jouer si fort dans le concerto de Mozart, on apprécie aujourd'hui la palette de sons merveilleux des cuivres et des bois dans le concerto de Rodrigo. Le public est conquis. Il donne en bis un morceau de Manuel de Falla, en préambule à la Suite n°2 du Tricorne joué par l'orchestre avant l'entracte.. L'interprétation de Alondra de la Parra est ensorcelante dans une musique rythmée et colorée. 

Sensemayá (La nuit des Mayas) du compositeur mexicain Silvestre Revueltas est une musique inspirée par les peuples originaires d'une Amérique oubliée et ignorée. Il relate un rite sacrificiel afro-cubain. Alondra de la Parra comprend parfaitement l'essence de cette musique et fait briller l'orchestre de tous ses feux. Yamandu Costa est une star de la guitare au Brésil. Il est le "Paganini" de la guitare. Il arrive à tout faire avec son instrument à 7 cordes. Sa composition Ilhas Concertantes écrite avec Sergio Assad est un hommage aux îles de différentes régions du monde et aux cultures différentes. Le Brésil, les îles Canaries et l'Argentine défilent ainsi au fur et à mesure de l'œuvre. Yamandu Costa danse avec sa guitare, l'instrument est la prolongation de son corps. Il joue comme si c'était une fonction naturelle en lui, aussi facile que de respirer. Le public est déchaîné et Costa revient après plusieurs rappels et offre une autre de ses compositions en bis.

Le concert se termine par un feu d'artifice musical, la Rhapsodie  Huapango de José Pablo Moncayo.

Grâce à Alondra de La Parra, le public a pu faire un merveilleux voyage musical, du Mexique à l'Argentine.

5 et 7 mai,  Auditorium Rainier III, Monte-Carlo

Carlo Schreiber  

Crédits photographiques : DR et OPMC

Vos commentaires

Vous devriez utiliser le HTML:
<a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <s> <strike> <strong>

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.