Ce concert faisait partie de la série « Philhar’Intime », qui permet au public d’entendre les musiciens de l’Orchestre Philharmonique de Radio France (« Philhar’ », donc, pour... les intimes) en musique de chambre. Pour la circonstance, ils étaient quatre, représentant les quatre instruments à cordes de l’orchestre : Amandine Ley au violon, Clémence Dupuy à l’alto, Nicolas Saint-Yves au violoncelle, et Yann Dubost à la contrebasse. Notons que, si le dernier est l’un des solistes de l’orchestre, premier solo du pupitre de contrebasse, les trois premiers jouent « dans le rang », sans être, le plus souvent, exposés devant leurs collègues. Même si l’on peut constater, en effet, que Yann Dubost fait preuve d’une remarquable aisance, nous pouvons nous réjouir de ce que de « simples » tuttistes de notre cher Philhar’ jouent à ce si haut niveau !
Le concert commençait par deux œuvres pour trio à cordes.
Si le nom de Michael Haydn est encore connu de nos jours, c’est principalement, d’une part, grâce à son frère aîné Joseph ; et d’autre part grâce à son amitié avec Mozart (qui n’a pas hésité, alors que Michael n’avait pu livrer à temps une commande de six duos pour violon et alto, à écrire les deux derniers et à les laisser présenter par son ami au commanditaire comme s’ils étaient de sa plume !). Il nous laisse une musique religieuse qui ne manque pas de grandeur (et notamment un Requiem, qui a servi en partie de modèle à Mozart pour le sien).
Il nous était proposé un Divertimento pour alto, violoncelle et contrebasse (en mi bémol majeur, MH 9 – et non celui qui était indiqué sur le programme de salle, qui du reste était avec violon et non avec alto), dont l’originalité tient surtout en cette formation quelque peu inusuelle. Il commence par un Adagio con Variazioni qui, par définition, devrait apporter de la variété ; son manque d’inspiration peine cependant à nous tenir en haleine, notamment à cause des reprises. Toutes observées par les interprètes, elles induisent une certaine monotonie, même s’ils y proposent quelques ornements. Suit un Menuetto, agréablement écrit, et tout aussi agréablement joué. Et, enfin, un Presto particulièrement brillant et volubile, dans lequel les musiciens du Philhar’ nous offrent quelques très jolis moments.
Amoureux de la France, le grand pianiste soviétique Sviatoslav Richter rêvait d’y trouver un lieu patrimonial, dans une nature préservée, pour y créer un festival. C’est en parcourant la Touraine avec des amis français en 1963 qu’il découvrit la Grange de Meslay, un lieu absolument magique datant du XIIIe siècle, situé non loin de Tours et miraculeusement préservé en dépit des vicissitudes du temps et de l’histoire. Le premier festival eut lieu l’année suivante avec une aura particulière due à l’immense célébrité du pianiste né à Jytomyr, une ville située dans l’Ukraine actuelle. C’est ainsi que les plus grands musiciens d’hier (David Oïstrakh, Dietrich Fischer-Dieskau, Pierre Boulez, Jessye Norman, Olivier Messiaen, Elisabeth Schwarzkopf et tant d’autres) et d’aujourd’hui se sont succédés depuis lors dans cet endroit à la fois champêtre et raffiné.
La grande nef de la grange (60 mètres) recevait Nelson Goerner, un habitué des lieux, pour l’inauguration du Festival 2025. Généreux, il nous offrait un (très) long et exigeant programme commençant d’emblée par une pièce de résistance, la Sonate N° 28 en la majeur, op. 101 de Beethoven, donnant tout de suite le ton à un récital d’un niveau musical particulièrement élevé, témoignant de l’exceptionnelle maturité artistique du pianiste argentin. Dans l’acoustique un rien sèche de cette véritable cathédrale de bois, Nelson Goerner a délivré des trésors de subtilité dans cette oeuvre de vaste envergure, jonchée de difficultés qui n’ont rien de spectaculaires pour le public, en particulier dans le finale enchaînant fugato et fugue dans une écriture savante qui frise l’intellectualisme. Fort heureusement, Nelson Goerner a su aussi en dégager un certain humour pince-sans-rire, une des constantes du caractère beethovénien.
Après ce monument du répertoire pianistique, la fantaisie du Carnaval op. 9 de Robert Schumann était la bienvenue avec son cortège de personnages divers et variés et son alternance de rêverie et d’amour, dans un esprit fantasmagorique inspiré par la commedia dell’arte italienne associé à une invention schumanienne peuplée de fantômes, comme autant de doubles de la personnalité fiévreuse et parfois délirante de Schumann. Avec une sonorité toujours pleine et subtilement timbrée, Nelson Goerner a su merveilleusement caractériser ces 21 miniatures qu’il s’agit de décrire en quelques mesures.
L'Orchestre Philharmonique de Monte-Carlo célèbre le 150ème anniversaire de la naissance de Maurice Ravel. Ce concert fait partie de la saison de concerts et est donné en collaboration avec le Printemps des Arts.
Il y a peu de compositeurs qui maîtrisent les pigments orchestraux aussi bien que Maurice Ravel. Kazuki Yamada et son orchestre prolongent l'exploration de l'univers magique de Ravel, après les représentations exceptionnelles de L'Heure espagnole et de l'Enfant et les sortilèges qu'ils ont donné ce mois-ci à l'Opéra de Monte-Carlo.
Ce concert met en exergue toute la richesse et l’intemporalité de la musique de Maurice Ravel.
Nelson Goerner est un des pianistes favoris du public monégasque. On le retrouve avec bonheur dans les deux concertos de Maurice Ravel, qu'on entend rarement au cours d'une même soirée.
Le concert commence avec La Pavane pour une infante défunte dans la version pour orchestre. Une élégie aux proportions oniriques, témoignage de l'émerveillement qui saisit l'âme lorsque le regard contemple l'infini et que les oreilles sont caressées par des secrets inavoués. L'orchestre sous la direction de Yamada illustre cette miniature comme un tableau clair-obscur de Velazquez.
Le Concerto pour piano (dit en sol) compte parmi les dernières œuvres achevées de Ravel. Composé entre 1928 et 1931, il est le fruit de la découverte du jazz par le compositeur lors d'un voyage aux États-Unis. Ce concerto illustre l'amour de Ravel pour la musique orchestrale, le jazz, la musique espagnole et l'élégance du XVIIIe siècle. Nelson Goerner est superbe. Son interprétation a l'éclat et la brillance de la foudre. Dans le presto il est stellaire, électrique, hypnotique et explosif.
Le mot « romantisme » n’est pas à prendre ici dans le sens musicologique. En effet, des trois œuvres jouées, composées en 1876, 1934 et 1935, seule la première (Le Lac des Cygnes de Tchaïkovski) appartient bien à la période dite « romantique », les deux autres étant nettement postérieures, et donc, en principe, « modernes ». Cependant, le langage de la deuxième (la Rhapsodie sur un thème de Paganini de Rachmaninov) est encore très imprégné du XIXe siècle, et le sujet de la dernière (Roméo et Juliette de Prokofiev) est, dans son contenu, on ne peut plus romantique.
Deux suites de ballet encadraient donc une œuvre de virtuosité. L’ordre prévu initialement était chronologique, mais a été finalement inversé pour le concert (Prokofiev, Rachmaninov et Tchaïkovski). Nous aurions pu craindre que ce que devait Roméo et Juliette au Lac des Cygne apparaisse moins clairement ainsi. Mais cette dette se trouvait surtout dans l’utilisation de leitmotivs, bien davantage perceptibles à l’écoute du ballet intégral que dans ces extraits choisis.
À la baguette (si l’on peut dire, car elle l’utilise rarement), Elim Chan, la cheffe d’orchestre qui monte. Née en 1986 à Hong Kong, la liste des orchestres qu’elle a dirigés ou avec lesquels elle a collaboré ces dernières années, est impressionnante. C’était son premier concert à la tête de l’Orchestre Philharmonique de Radio France.
Ce dimanche 14 avril, l’Orchestre Symphonique de la Monnaie et le Belgian National Orchestra s’unissent le temps d’un concert pour interpréter deux œuvres phares du répertoire : le Concerto pour piano N°23 en la majeur, K. 488 de Mozart ainsi que la Sixième Symphonie dite « Tragique » en la mineur de Gustav Mahler. Cette fois-ci c’est le directeur musical du BNO, Antony Hermus, qui dirige ce concert. Au piano, nous retrouvons le pianiste argentin Nelson Goerner.
Le concert commence avec Concerto pour piano N°23 en la majeur, K. 488 de Mozart. Ce concerto, composé en 1786 et contemporain de son opéra Les Noces de Figaro, est notamment célèbre grâce à son deuxième mouvement. L’introduction orchestrale est quelque peu incertaine avec quelques imprécisions. Néanmoins, l’orchestre corrige cela rapidement en proposant une version juste tout en prêtant une grande attention au soliste. Ce dernier excelle dans les passages solos en faisant preuve de la finesse mozartienne recherchée. Cela donne un côté très élégant dans l’Adagio, surtout avec les magnifiques solos de la clarinette. En revanche, dans les grands tuttis d’orchestre, cette finesse peut être regrettable dans le sens où l’on peut perdre la clarté du son du piano. En effet, dans les moments les plus intenses du concerto, il aurait été appréciable d’avoir plus de profondeur dans le son. Cela dit, Nelson Goerner fait preuve d’une grande musicalité et virtuosité dans ce concerto. Après de chaleureux applaudissements, Goerner nous gratifie d’une délicate version du Nocturne N°20 en do# mineur de Chopin.
Deux concerts contrastés en ambiances occupaient la fin de semaine monégasque à l’Auditorium Rainier III : un récital du pianiste argentin Nelson Goerner et un concert de l’Orchestre philharmonique de Monte-Carlo.
Nelson Goerner rejoint " l'Olympe des grands pianistes argentins" aux côtés de ses aînés Daniel Barenboïm et Martha Argerich. Ils sont tous les trois issus de l'Ecole de Vincenzo Scaramuzza, grand pédagogue italo-argentin, qui a innové une méthode fondée sur une étude exacte de l'anatomie du pianiste, qui permet une complète relaxation des muscles et des tendons de la main et du bras, même lorsque le pianiste doit exécuter les pièces les plus difficiles. En conséquence, le son est toujours rond et sans rugosité, jamais métallique, même en jeu fortissimo.
Nelson Goerner nous propose les 4 Ballades de Chopin en première partie de son récital. Chopin a composé ces Ballades à Paris et à Nohant dans la maison de George Sand et Chopin préférait les salons aux salles de concerts. Nelson Goerner fait sonner le grand piano de concert Steinway, comme si nous étions chez lui à la maison en toute intimité. On est ébloui par la sincérité de son jeu. Pas d'effets clinquants, tout est subtil, les timbres et les sonorités sont comme du velours, les couleurs chatoyantes. Les passages les plus virtuoses et les plus difficiles, coulent de source. On atteint le sommet de l'art du piano.
En seconde partie on redécouvre la monumentale Sonate en si mineur S.178 de Liszt. Une demi-heure de musique intense. Goerner nous fait chavirer d'une excitation croissante, d'un jeu de feu et de passion à des moments de douceur et de délicatesse exquise. Nelson Goerner est phénoménal. Il a atteint le plus haut niveau de perfection technique et de musicalité. Sublime, ardent, bouleversant, émouvant, quelle performance incroyable !
Le public est enflammé et après plusieurs rappels, Goerner nous donne en bis Brahms et Liszt.
L'Orchestre Philharmonique de Monte-Carlo dirigé par le chef catalan Josep Pons et le pianiste argentin Nelson Goerner nous invitent à faire un voyage musical dans le Sud de l'Espagne. L'Espagne et son soleil radieux, ses couleurs flamboyantes, ses parfums capiteux, ses rythmes trépidants, et ses langueurs d'été. Qui dit Espagne dit Ravel dont l’inspiration espagnole est centrale. Le concert commence avec l'Alborada del Gracioso de Maurice Ravel. L'orchestre réunit, en complément de son effectif habituel, deux harpes et un ensemble de percussions extrêmement varié dont les castagnettes et le xylophone. L'orchestre et Josep Pons sont d'emblée en symbiose et les instruments en parfaite synchronisation. Ravel est encore représenté par la Rapsodie Espagnole également magnifiée par la direction engagée de Josep Pons.
Contemporain de Maurice Ravel, qu'il rencontre lors de son long séjour en France, Manuel de Falla est représenté par les Nuits dans les jardins d'Espagne évocant une ambiance aux parfums orientaux pleine de mystère. Grâce à son tempérament de feu doublé d'une grande sensibilité, le brillant pianiste Nelson Goerner capture immédiatement l'esprit et les émotions typiquement espagnoles. La synergie entre le pianiste et l'orchestre est parfaite et le choix des tempi est en accord. Josep Pons dirige cette oeuvre avec sensibilité et passion. L'orchestre est d'une perfection immaculée. Le public lui réserve une ovation bien méritée. Il nous donne en bis le Nocturne n°20 en do dièse mineur de Chopin (celui interprété dans le film "Le Pianiste").
Samedi dernier, le 6 juin, le Victoria Hall a rouvert ses portes pour accueillir l’Orchestre de la Suisse Romande et son chef titulaire, Jonathan Nott. Mais les normes de sécurité et les distances sociales imposées par les restrictions liées à la pandémie du Coronavirus ont limité la jauge de salle à 250 personnes. Sur scène, l’effectif est réduit à trente musiciens qui proposent un programme Mozart d’une durée d’une heure sans entracte, offert gratuitement au public les 6, 8, 16 et 18 juin.
Quelle surprise de se retrouver dans cette salle volontairement clairsemée au parterre et dans les loges où ne sont admis que deux spectateurs mais où se glisse discrètement Martha Argerich, amie très proche de Nelson Goerner qui est le soliste du 23eConcerto en la majeur K.488. Tout sourire, en tenue décontractée comme ses instrumentistes, Jonathan Nott en imprègne l’Introduction du plaisir de faire de la musique dans un esprit chambriste, allégeant les fins de phrase tout en nuançant le discours. Une fois que l’oreille s’est adaptée à cette sonorité si particulière que produit la distance entre les pupitres dans un lieu rempli au quart, l’on se concentre sur le pianiste au jeu perlé et à l’articulation claire donnant une patine brillante au discours rapide qui culmine dans une cadenza volubile. Par contre, l’Adagio exprime une profonde tendresse en répondant au dialogue de la flûte et de la clarinette, tandis que le Finale est enlevé avec un brio époustouflant. Devant l’enthousiasme du public, Nelson Goerner égrène avec une touchante nostalgie une page de son compatriote Carlos Guastavino, Bailecito.
Johannes BRAHMS (1833-1897) : Sonate pour piano n° 3 opus 5 ; Variations sur un thème de Paganini opus 35. Nelson Goerner. 2019. Livret en français, en anglais et en allemand. 57.20. Alpha 557.
Pour chacune de ses saisons, l’Agence Caecilia organise deux séries de concerts, une première qui a lieu au Victoria Hall comportant récitals de piano et soirées symphoniques et une seconde se déroulant à la Salle Centrale dédiée à la musique de chambre. Et c’est donc dans cette catégorie que s’est inscrite, vendredi 1er novembre, la rencontre mémorable de deux artistes talentueux, le violoniste Renaud Capuçon dialoguant avec le pianiste Nelson Goerner.
La première partie est consacrée à Mozart et à l’une de ses sonates écrite à Mannheim en février 1788, la Cinquième en la majeur K.305, n’incluant que deux mouvements. Avec une énergie roborative, le piano développe l’Allegro di molto où le violon glisse une note de mélancolie avant de laisser à son partenaire le soin d’exposer le thème élégant, suscitant de brillantes variations à la saveur primesautière. Puis est présentée la Sonate en si bémol majeur K.454, composée en avril 1784 pour la virtuose italienne Regina Strinasacchi, que Mozart lui-même accompagnera le 29 en jouant de mémoire sa partie qu’il n’avait pas eu le temps de rédiger ! Au Largo initial, violon et piano prêtent un coloris mordoré que l’Allegro innervera d’élans fougueux en articulant soigneusement chaque phrasé. L’Andante livre un intimisme au bord des larmes, s’assombrissant pour laisser échapper un cri du cœur, vite réprimé par une aspiration à la sérénité qu’octroiera le Finale avec une légèreté de touche apparemment enjouée.
En 1947, Dinu Lipatti, établi à Genève où il avait accepté une charge d’enseignement au Conservatoire, devenait l’un des patients du Dr Henri Dubois-Ferrière, pionnier du développement de l’hématologie en Suisse. Au sommet de ses moyens, l’artiste poursuivait une carrière internationale, même si son état de santé allait en se dégradant. Main dans la main, les deux hommes, qui étaient unis par une profonde amitié, décidèrent de lutter contre l’inéluctable. Mais, pratiquement, à bout de forces, le pianiste donna un ultime récital le 16 septembre 1950 lors du Festival de Besançon puis s’éteignit à Genève le 2 décembre. Vingt ans plus tard, son médecin, victime d’un cancer, le suivait dans la tombe le 8 juillet 1970. Dès ce moment-là, les proches songèrent à établir une fondation portant leurs deux noms, fondation qui, aujourd’hui encore, tente de réunir des fonds en organisant un concert de gala, ce qui fut le cas le 1er mars au Victoria Hall. Grâce à l’aide de généreux donateurs, le premier montant récolté est estimé à plus d’un demi-million de francs suisses, montant qui permettra le développement de thérapies cellulaires innovantes pour les enfants atteints de leucémie ou de lymphome.
Gabriel FAURE (1845 - 1924) Sonate pour violon et piano n°1 en la majeur, Op. 13 – Sonate pour violon et piano n°2 en mi mineur, Op. 108 César FRANCK (1822 - 1890) Sonate pour violon et piano en la majeur, FWV 8
Tedi Papavrami, violon (Stradivarius « Le Reynier », 1827) – Nelson Goerner, piano
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