Domingo dans son jardin...espagnol à Orange
« Nuit espagnole / Plácido Domingo » c’est ce que nous pouvions lire sur la couverture du programme de ce nouveau concert thématique des Chorégies d’Orange. La couleur était annoncée d’entrée ! Le public très nombreux ce samedi venait pour voir la légende vivante madrilène. Star parmi les stars, Domingo bénéficie d’une aura qui ne faiblit pas auprès des spectateurs du Théâtre antique. On peut même parler d’amour, il en a été d’ailleurs beaucoup question durant cette soirée.
Nous avons eu la chance d’assister à de nombreux concerts avec à l’affiche d’autres grands noms de la scène lyrique mais nous avions rarement pu constater une telle ferveur autour d’un seul protagoniste. Il est vrai que Domingo est un artiste hors norme qui transcende les générations et les publics. Un monstre sacré qui sait y faire avec ses aficionados ! Tantôt complice avec le public, tantôt chauffeur de salle et enfin maître de cérémonie, c’était vraiment sa nuit.
La zarzuela, les opéras chicas ou la musique de corrida n’ont pas de secrets pour Domingo. Ce répertoire est le sien, il est inscrit dans ses gènes depuis son enfance où il débuta sa carrière avec ses parents eux-mêmes célèbres chanteurs de zarzuela. Et 78 ans plus tard la magie est toujours là.
Disons-le tout de suite, nous ne sommes pas familier de Sorozabal, Penella, Luna ou bien encore Moreno-Torroba. Difficile pour nous d’avoir un point de comparaison. Ce sont donc notre ressenti et nos émotions qui guideront notre propos. A l’image de cette foule des grandes nuits orangeoises, nous avons aimé ce spectacle aussi bien sur le fond que sur la forme. Près de deux heures d’énergie, de classe et d’enthousiasme. Le mérite en revient évidemment à la tête d’affiche Plácido Domingo mais pas seulement. Ismael Jordi l’autre ténor avec ses allures d’Escamillo était parfait en second rôle. Noble, racé et facile vocalement.
Nous pensons aussi et surtout à l’excellente Ana Maria Martínez partenaire habituelle de Plácido dans ce répertoire. La soprano portoricaine impressionne par ses capacités vocales. Passant aisément de la tendresse à l’autorité. Une rose non sans épines. Chanteuse de talent mais aussi actrice crédible à l’instar de ses deux complices d’un soir. Pour chanter la zarzuela il faut du coffre mais aussi du cœur ! Car si c’est un défi vocal, c’est aussi un défi dramatique : on doit interpréter le personnage que l'on joue. Il y a un côté opérette dans tout cela avec une singulière rencontre entre le chant, la prose et la danse.
Rien à redire sur la performance d’Oliver Díaz et de l’Orchestre Philharmonique de Monte-Carlo. Nous aurions peut-être aimé un peu plus de folie en cette chaude atmosphère d’été. Mais l’essentiel était là avec un chef au diapason de ses chanteurs. Il est si difficile de couvrir cette scène de sa seule voix et de composer avec climat si capricieux.
Sur la forme tout était très bien huilé, une vraie mécanique de précision. Trois chanteurs sur l’immense plateau du théâtre antique cela aurait été un peu court ! Heureusement, pour le plaisir de nos yeux la compagnie Antonio Gades était au programme. Ses danseurs ont fait forte impression sur les gens, avec à la clef un tonnerre d’applaudissements après chaque prestation. Ballets (Granados, De Falla notamment), danses traditionnelles espagnoles, castagnettes,...sur fond de projections sur murs du théâtre de décors en lien avec l’air joué. Un bel écrin pour un si beau cadeau.
À la fin de cette superbe soirée nous comprenons encore mieux l’enthousiasme des gens pour Domingo. En dehors de sa légende, c’est un chanteur qui sait toucher les cœurs. Alors imaginez quand il chante cette musique qu’il a dans le sang ! Les 150 ans des Chorégies démarrent très fort !
Théâtre antique d’Orange-Samedi 6 juillet 2019
Bertrand Balmitgère
Crédits photographiques : Chad Batka