Don César de Bazan de Jules Massenet, une première de grande noblesse
Jules Massenet ( 1842-1912) : Don César de Bazan (version 1888). Opéra comique en quatre actes et quatre tableaux. Laurent Naouri, baryton ; Elsa Dreisig, soprano ; Marion Lebègue, mezzo-soprano ; Thomas Bettinger, ténor ; Christian Helmer, baryton ; Christian Moungoungou, baryton. Ensemble Aedes, Orchestre des Frivolités Parisiennes, Mathieu Romano. 2019-Livret en français et anglais. 1’52’05’’. 2 CD Naxos. 8660464-65.
Si l’oeuvre de Massenet nous est de plus en plus connue grâce à des initiatives téméraires et qualitatives, son opéra Don César de Bazan ne survivait que par son célèbre air “Sevillana” arrangé pour soprano colorature et orchestre et qui fait les beaux jours des récitals virtuoses. En 2016, l’oeuvre fut représentée avec succès par les Frivolités parisiennes à Compiègne et Paris. Enregistré en 2019, cet album propose une distribution hautement qualitative sous une baguette experte.
Don César de Bazan est l’une des nombreuses adaptations inspirée du Ruy Blas de Victor Hugo. L’intrigue est forte en rebondissements autour du beau, charismatique et aristocratique Don César de Bazan qui échappe à une condamnation à mort pour finir Gouverneur de Grenade dans les bras de sa belle et jeune épouse, une ancienne chanteuse des rues, sous les acclamations d’un bon Roi d’Espagne. Le directeur de l’Opéra Comique Camille du Locle qui venait de subir plusieurs échecs et avait besoin de se refaire une santé au box office, proposa le texte du livret au jeune Jules Massenet. Ce dernier qui n’avait alors à son catalogue qu’un opus lyrique un acte, La Grand’tante, accepta de relever le défi et la partition fut créée en 1872 sur la scène de l’Opéra Comique. L’oeuvre n’y connut pas un grand succès et elle tomba dans l’oubli après une dizaine de représentations. Il faut dire que la partition est assez hybride et qu’elle souffre d’un livret qui vise plus les multiples rebondissements dans la tradition française du comique lyrique qu’une puissance dramatique. On assiste plus à une succession de numéros qu’à un chef d’oeuvre moulé à la dramaturgie. Il n’empêche, la plume de Massenet est virevoltante et brillante dans son incarnation d’une Espagne fantasmée, mouvement qui était alors à ses débuts... Même Bizet n’avait pas encore écrit sa Carmen ! Le trait du compositeur est même plus symphonique que foncièrement opératique, avec une addition de fandangos, boléros, séguedilles et autre sévillanes…
Cependant la partition originale a brûlé lors de l’incendie de l’Opéra Comique en 1887, et cette édition s’appuie sur un travail éditorial sur les sources. Le résultat est des plus convaincants et rend justice à ce style bigarré du jeune Massenet. On apprécie aussi que ce travail rende justice à l'orchestration légère et virtuose de Massenet. Mathieu Romano dirige avec probité et sens des couleurs un orchestre des Frivolités parisiennes engagé.
La distribution est l’autre point fort de cet enregistrement. Tous les chanteurs sont excellents, de l’expérimenté Laurent Naouri qui a plus d’un tour de noblesse vocal dans son sac pour rendre justice au personnage de Don César de Bazan, à la jeune Elsa Dreisig musicalement parfaite en Maritana. Marion Lebègue, Thomas Bettinger, Christian Helmer et Christian Moungoungou complètent de bonheur alors que le choeur Aedes est également à son affaire.
Cet enregistrement, en première mondiale, est une réussite ! A recommander !
Son : 10 – Livret : 9 – Répertoire : 10 – Interprétation : 10
Pierre-Jean Tribot