Efji, 2 lettres de LC pour FJ

par

Laurent Cuniot (1957-) : Ejji. Florent Jodelet, Geneviève Strosser, Ensemble TM+, Laurent Cuniot, Marc Desmons. 78’15 – 2022 – Livret en : français et anglais. Merci pour les sons. MPLS 20001.

Laurent Cuniot, dont Bruno Mantovani, qui en fait un de ses modèles, parle comme d’un défricheur de « beau son » délaissant, à une époque qui les prône encore (l’une sans doute plus que l’autre), « aridité et nostalgie » pour se frotter à la mélodie, au rythme et à l’harmonie, propose trois pièces, chacune à sa façon éclatante, sur un disque au titre qui se réfère, directement et en abrégé, à son ami et percussionniste Florent Jodelet -par ailleurs à la tête du label Merci pour les sons (d’après une dédicace de John Cage), qui édite l’album et dont les pochettes blanches percutées d’un foulard de couleur primaire imposent une identité graphique simple mais forte après seulement trois parutions.

Car Jodelet, ses maillets et ses baguettes sont depuis longtemps des diverses pérégrinations du compositeur et chef de l’ensemble TM+ et les percussions, en particulier le vibraphone, sont centrales dans Une (la femme, cet universel), nouvelle partition, finalisée en 2021. Ses cinq mouvements fourmillent, à la manière des minuscules aiguilles qui chatouillent notre doigt endormi, et grésillent de multiples piques de beauté, autant de seringues invisibles promptes à injecter une sensualité disparue d’un environnement où tout est fabriqué, et le vibraphone sans cesse égrène ses résonances comme une reine de velours sa volupté -même si Jardin des tumultes (le troisième mouvement) rappelle que celle-ci peut, à l’occasion, se révéler brutale.

Sur Efji, composé en 2005, c’est Jodelet seul qui est à l’ouvrage, pour sept parties plutôt brèves (sauf la dernière, Thésis, cinq minutes qui nous propulsent en suspension), où il fait coexister les sonorités des percussions occidentales (connues, mais maniées ici avec un doigté qui revisite une réputation de rudesse) avec celles d’idiophones, instruments ramenés de loin, gamelans et gongs bien sûr, mais aussi caxixi (panier clos à fond plat et en forme de cloche, contenant des graines, que l’on secoue comme des maracas), cencerro (sonnaille métallique utilisée dans la musique cubaine), binzasara (instrument japonais fait de plaquettes de bois reliées par un cordon tressé de coton, que l’on tient aux poignées des extrémités en le faisant onduler) ou angklung (sorte de hochet complexe en bambou, originaire d’Indonésie).

Pour alto (Geneviève Strosser), ensemble (cette fois sous la direction de Marc Desmons) et électronique, Reverse flows, de 2015, met en scène une double écriture, instrumentale et électroacoustique, qui prolonge le prélude de l’opéra Des pétales dans la bouche, écrit quatre ans plus tôt : c’est l’alto cette fois qui parle, complète ou s’oppose à l’orchestre et à l’électronique (des sons fixés et un traitement en temps réel), diffusée par l’« orchestre de haut-parleurs » cher à Annette Vande Gorne, en un entrelac incessant de vagues, ressacs et reflux, « courants contraires » sans cesse mobiles, aux répits éphémères et illusoires, à la barbe salée d’écume jaunie, énergie (marémotrice) qui guide Laurent Cuniot dans son « utopie musicale […] de faire résonner chez les autres ce qui [le] fait vitrer ».

Son : 9 – Livret : 8 – Répertoire : 8 – Interprétation : 8

Bernard Vincken

 

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