Flûte baroque : Buffardin et son élève Quantz, avec Leonard Schelb et Frank Theuns
La flûte de Monsieur Buffardin. Carl Philipp Emanuel Bach (1714-1788) : Sonate pour flûte et b.c. en la mineur Wq 128. Louis-Gabriel Guillemain (1705-1770) : Sonate pour flûte ou violon et b.c. en mi majeur [Premier Livre]. Johann Sebastian Bach (1685-1750) : Sonates pour flûte et b.c. en mi mineur BWV 1034. Partita pour flûte BWV 1013. Wilhelm Friedemann Bach (1710-1784) : Sonate pour flûte et b.c. en fa majeur BR-WFB B 18. Michel Blavet (1700-1768) : Sonate pour flûte et b.c. en sol mineur [Troisième Livre]. Leonard Schelb, flûte. Anne-Catherine Bucher, Wiebke Weidanz, Alexander von Heißen, clavecin. Ricardo Magnus, piano à tangentes. Livret en anglais, allemand. Mars 2022. 70’20''. ET’Cetera KTC 1784
Johann Joachim Quantz (1697-1773) : Concertos pour flûte en sol mineur QV 5:196, en ré mineur QV 5:86, en la mineur QV 5:236, en sol majeur QV 5:173. Frank Theuns, flûte. Les Buffardins. François Fernandez, Maia Silberstein, violon. Franz Vos, alto. Rainer Zipperling, violoncelle. Patxi Montero, contrebasse. Siebe Henstra, clavecin. Livret en anglais, français, allemand. Octobre 2011, rééd. 2023. 58’42''. Accent ACC 24395
L’équipe du Petit Trianon a récemment proposé un plein album consacré à Pierre-Gabriel Buffardin (1693-1768). Aucune œuvre du virtuose de la Cour de Saxe dans cette parution chez le label Et’Cetera, mais des compositeurs de son entourage, et un instrument fait par Giovanni Tradino, copie d’une flûte historique découverte en 2014 par Leonard Schelb et qu’il détient désormais. La notice s’attache à démêler la paternité de ce traverso signé de Buffardin, et les liens qu’il a pu entretenir avec le répertoire au programme. Des Sonates du célébrissime Cantor de Leipzig et deux de ses fils, mais aussi de contemporains français : Michel Blavet, et le violoniste Louis-Gabriel Guillemain, qui sut décliner pour la flûte des pages qu’il conçut pour l’archet.
En guise de basse continue ont été retenus trois instruments, appropriés au style des œuvres : clavecin pour Johann Sebastian, Blavet et Guillemain. Mais clavicorde pour Wilhelm Friedemann, et piano à tangentes pour Carl Philipp Emanuel. Plus singulièrement, chaque œuvre est accompagnée par un musicien différent, choisi selon son adéquation avec chacune, indique le livret. On aurait aimé que le tracklisting précise les contributions respectives des trois clavecinistes. Pour un précédent CD Toucher Bach, nous avions salué la connivence avec Anne-Catherine Bucher, et le jeu sobre, subtilement coloré, volontiers saturnien de Leonard Schelb. La Partita solo BWV 1013 permet encore de goûter à découvert cette calme élégance, qui épouse, intériorise les courbes et affects de la partition.
Pour sa part, le label Accent remet sur le marché un album de 2011 (Des Königs Flötenmeister), consacré à un élève de Buffardin, qui vantait la vélocité de ce maître et qui devint à son tour un des plus grands flûtistes de l’époque, après un apprentissage essaimé en Europe (Vienne, Prague, Rome, Venise, Paris…) qui forgea tant sa technique que sa sensibilité. Haendel tenta de le retenir à Londres, les Cours allemandes se l’arrachaient. Au sommet de sa gloire, Quantz se partagea finalement entre les cénacles d’Auguste Le Fort à Dresde, et Frédéric Le Grand à Berlin. Nombre de ses presque trois cents concertos pour flûtes furent écrits ou adaptés pour le Roi de Prusse, sans besoin de connaître la fortune d’une édition.
Au sein des archives, le CD en a sélectionné quatre, joués sur la copie d’une flûte de Quantz (comme Buffardin, il en fabriquait lui-même) confectionnée en 2009, peu avant l’enregistrement. Par sa facture et ses écrits, on peut connaître son idéal sonore « clair, incisif, épais, rond, viril tout en étant agréable », ainsi que le rappelle le livret. Lequel mentionne aussi combien le diapason à 392 Hz cultivé à la Cour berlinoise nourrit des influences réciproques entre ce ton de chambre et l’esthétique des œuvres. Réalisée au Amuz d’Anvers dans une acoustique précise et ample, la captation offre un enjôleur écrin à la troupe des Buffardins. La réverbération accorde un délectable épanouissement à ces effectifs pourtant congrus (quintette d’archets et clavier), qui du moins autorisent une articulation nerveuse et pointue dans les mouvements vifs, sans perdre une once de poésie dans les Larghetto, Siciliana, Andantino et Lento. Les micros ne survalorisent pas le soliste, mais flattent sans outrance l’admirable palette de couleurs et la délicate éloquence de Frank Theuns. Douze ans après, cette réédition confirme son haut rang dans la discographie de Quantz.
Christophe Steyne
Et’Cetera = Son : 8,5 – Livret : 8 – Répertoire : 8-9 – Interprétation : 9
Accent = Son : 9 – Livret : 8,5 – Répertoire : 9 – Interprétation : 10