Hommage à Mariss Jansons

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Décédé à l’âge de 76 ans des suites d’une insuffisance cardiaque chronique, le chef d’orchestre Mariss Jansons a considérablement marqué son époque. Adulé du public et des musiciens pour ses qualités musicales et humaines ainsi que pour sa capacité à galvaniser les phalanges virtuoses qu’il dirigeait, Mariss Jansons laisse un vide considérable dans le monde musical. 

Né à Riga, Mariss Jansons c’est un destin tracé pour diriger. Fils du grand chef d’orchestre Arvīds Jansons décédé d’une attaque cardiaque alors qu’il dirigeait un concert avec le Hallé Orchestra de Manchester, le jeune homme reçoit de son paternel ses premières leçons musicales. Alors que ce dernier est nommé chef associé à la Philharmonie de Leningrad, aux côtés d’Evgueni Mravinsky et Kurt Sanderling, Mariss Jansons rejoint le Conservatoire de la grande cité musicale. Le destin du chef croise alors celui de l’Histoire. En 1968, il est repéré par Karajan lors d’une tournée soviétique du maestro et de ses Berlinois. Invité à le suivre à l’Ouest, les autorités lui mettent des bâtons dans les roues. En 1971, le jeune chef remporte un Second Prix au concours Karajan et cette récompense lui ouvre les portes d’un poste d’assistant avec la star de la baguette, mais il se heurte à un nouveau véto des autorités soviétiques ! En dépit des tracasseries bureaucratiques, sa carrière s’affirme déjà. Dès 1973, il est chef associé au Philharmonique de Leningrad avant de devenir, dès 1979, directeur musical du Philharmonique d’Oslo. Avec cette phalange norvégienne, qu’il dirigera jusqu’en 2002, il va marquer son époque par des tournées et des enregistrements pour les labels Chandos et EMI. Dès 1996, le chef traverse l’Atlantique et pose ses valises à Pittsburgh. 

Les années 2000 sont celles de la consécration. Abandonnant ses fonctions étasuniennes à cause de la fatigue occasionnée par les décalages horaires sur un cœur déjà fatigué qui le contraint à des périodes d’inactivités, il prend les rênes du Concertgebouw d’Amsterdam et de l’Orchestre Symphonique de la Radio bavaroise de Munich. Au pupitre des deux meilleurs orchestres du moment, Mariss Jansons va enthousiasmer les publics. Réduisant ses engagements envers les orchestres invités, le chef se limite à des apparitions annuelles avec le Philharmonique de Berlin ou celui de Vienne. Adulé par ce dernier, il est invité à diriger le médiatique Concert du Nouvel-an en 2006, 2012 et 2016. 

L’art de Mariss Jansons a été particulièrement documenté. Que ce soit dès ses années norvégiennes avec EMI ou avec les labels des orchestres amstellodamois et munichois. Jansons était un chef « à l’ancienne » dont la capacité à galvaniser les orchestres qu’il dirigeait lui permettait de jouer des pupitres et du tempo, allant ça-et-là placer une petite accélération. On est ici loin des batteurs de mesure actuels qui restent englués dans le métronome considéré comme un limitateur de vitesse. Le style Jansons, c’est aussi la virtuosité. S’appuyant sur des phalanges à la virtuosité phénoménale, le chef pouvait pouvait repousser toutes les limites, que ce soit dans une Rhapsodie hongroise n°2 de Liszt, une Symphonie alpestre de Strauss ou un Concerto pour orchestre de Lutoslawski. Le cœur du répertoire du chef reposait sur Mahler, Chostakovitch, Tchaïkovski, Strauss mais, comme les chefs formés à l’école soviétique, sa capacité à déchiffrer était énorme et apprendre de nouvelles partitions ne le rebutait pas. Il dirigeait ainsi Poulenc, Chabrier, Respighi, Varèse, Janáček, Szymanovski, Weill tout en défendant le répertoire contemporain que ce soir Rihm, Gubaidulina, Andriessen. La flexibilité stylistique du chef était totale. Bien évidement, ses Haydn, Mozart et Beethoven sonnaient plus orchestralement que philologiquement, mais son sens de la pulsation et du rythme étaient inégalés ! Il suffit d'écouter une ouverture de la Pie voleuse de Rossini captée à Amsterdam pour se rendre compte de cette maîtrise des équilibres et des transitions.  

Loin de l’image narcissique d’un Karajan ou d’un Maazel, Jansons incarnait une modestie qui savait séduire les musiciens et il faisait l’unanimité, ce qui est des plus rares dans ce milieu. Ses confrères, et non des moindres, citaient son nom comme un modèle et un exemple. Le chef d’orchestre Andris Nelsons, autre musicien letton, fut repéré par Jansons et s’impose comme son héritier musical.

Crédits photographiques : Symphonieorchester des Bayerischen Rundfunks

Pierre-Jean Tribot

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