Ian Hobson, la passion de la découverte

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Pianiste, chef d’orchestre et professeur, Ian Hobson est un infatigable chercheur de nouveautés, un défricheur inestimable des raretés. A l’occasion de la sortie du volume n°2 de son intégrale des oeuvres de Moritz Moszkowski, il répond aux questions de Crescendo Magazine. 

Vous venez de faire paraître le volume 2 des œuvres orchestrales de Moritz Moszkowski pour Toccata Records. Moszkowski est un compositeur qui est surtout connu pour ses partitions de piano. Quelles sont les qualités de sa musique d'orchestre ? 

La musique pour piano de Moritz Moszkowski est le seul versant de son oeuvre qui nous est connu alors qu’il ne s’agit que d’une petite fraction de ses partitions. Moszkowski était un très bon orchestrateur, ancré dans la tradition de Beethoven, Brahms et Wagner. Le jeune Thomas Beecham a étudié l'orchestration avec lui à Paris. Il a tendance à composer sur une grande échelle pour l'orchestre, mais la mélodie, l'invention harmonique et l'esprit que l'on reconnaît dans ses pièces pour piano sont toujours présents.

Comment considérez-vous ces partitions d'orchestre dans leur époque et par rapport aux compositeurs contemporains de Moritz Moszkowski ? 

Ses partitions symphoniques couvrent une période de 35 ans au cours de laquelle le monde de la musique a considérablement changé. En tant que disciple de Wagner, il a probablement été considéré comme un moderniste au début mais, au fil du temps, il est resté fidèle à son utilisation conventionnelle des forces orchestrales et des formes anciennes tandis que Debussy et Stravinsky enfreignaient alors toutes les règles.

Le précédent et premier volume consacré à Moszkowski comportait le poème symphonique Johanna d'Arc, une partition qui dure près d'une heure. Quelles sont les caractéristiques de cette partition ? Doit-elle son inspiration à d'autres grands poèmes symphoniques comme Manfred de Tchaïkovski ou Asraël de Suk ? 

Johanna d'Arc est appelée « poème symphonique » bien qu'il s'agisse en réalité d'une symphonie en quatre mouvements. Le premier mouvement dure 23 minutes, ce qui reflète l'adhésion de Moszkowski à la forme sonate des grandes symphonies de Beethoven. Il a été créé en 1877, bien avant les oeuvres de Tchaïkovski ou de Suk. On considère généralement que le compositeur Joachim Raff (1822-82) a exercé une grande influence sur Moszkowski. Dans Johanna d'Arc, il s’inspire de la Marche funèbre de la Symphonie n°3 et de la Symphonie n°7 de Beethoven et des opéras antérieurs de Wagner. 

Votre discographie est très impressionnante et elle présente des raretés souvent méconnues. Qu'est-ce qui vous pousse à découvrir constamment des partitions rares ? 

J'ai toujours eu une curiosité naturelle pour les contemporains des grands compositeurs, ceux dont la lumière a brillé, peut-être, pendant un certain temps, puis a été dépassée par les géants. Hummel et Moscheles me viennent ainsi à l'esprit, dans le creuset de Beethoven, Chopin et Mendelssohn. J'ai souvent été stimulé par des collègues -universitaires ou producteurs de disques- qui m'ont poussé à suivre une voie particulière. C’est le cas notamment du musicologue Nicholas Temperly qui a produit une série de volumes intitulée "London pianoforte school" et j'ai interprété et enregistré trois récitals de cette musique qui représentait la musique écrite pour Londres entre 1766 et 1873.

Quelle est votre méthode pour découvrir ces partitions ? Passez-vous des heures dans les bibliothèques à la recherche de partitions ? 

Autrefois, je pouvais faire des découvertes dans les librairies de musique rare, et les bibliothèques détenaient plus de trésors qu'aujourd'hui. Aujourd'hui, nous avons le privilège de pouvoir mener nos enquêtes sur Internet et retrouver instantanément des musiques oubliées depuis longtemps. 

L'enregistrement d'œuvres musicales rares nécessite du matériel orchestral. Comment parvenez-vous à le trouver ? Les enregistrements nécessitent-ils de réimprimer des documents ? 

La collection Fleischer à Philadelphie a été pour moi une source inestimable. La plupart des concerti pour piano d'Ignaz Moscheles y étaient disponibles en partitions et en parties, ainsi que Johanna d'Arc et les Suites 1, 2 et 3 de Moritz Moszkowski. 

Le site de Ian Hobson : www.ianhobson.net

  • A écouter : 

Moritz MOSZKOWSKI (1854-1925) : Musique orchestrale, volume 2 : Suites d’orchestre n° 2 op. 47 et n° 3 op. 79. Jakub Haufa, violon ; Zuzanna Elster, harpe ; Damian Skowronski, orgue ; Sinfonia Varsovia, direction Ian Hobson. 2019. Livret en anglais. 68.00. Toccata Classics TOCC 0557

 

Propos recueillis par Pierre-Jean Tribot

Crédits photographiques : Hyeyeon Jung

 

 

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