John Wilson et Ravel 

par

Le chef d’orchestre John Wilson fait paraître un album intégralement consacré à des oeuvres symphoniques de Maurice Ravel au pupitre de son Sinfonia of London (Chandos). Cet enregistrement présente, en première mondiale, les éditions révisées Ravel Edition des versions ballet de Bolero et Ma Mère l’Oye.  

Votre nouvel enregistrement est entièrement consacré à des œuvres de Maurice Ravel. Que représente pour vous Maurice Ravel en tant que compositeur de son temps ?

Ravel est peut-être mon compositeur préféré -je suis fasciné par sa musique depuis que je suis enfant et mon intérêt et mon appréciation de sa musique ne font qu’augmenter avec les années.  On parle beaucoup de sa technique orchestrale éblouissante et du modernisme de son langage harmonique -surtout dans la musique pour piano- mais cela fait parfois oublier à quel point ses idées sont inspirées.  Si le niveau d'invention brute n'était pas à la hauteur, la musique n'était pas fixée sur le papier à musique.  C'est pourquoi nous disposons d'un ensemble d'œuvres étonnamment accomplies et imaginatives, qui sont presque toutes jouées en permanence. 

Cet enregistrement comprend les versions originales (ballets) de Bolero et de Ma Mère l'oye. Quelles sont les particularités de ces versions originales par rapport à celles qui sont régulièrement jouées en concert ? 

La version Ballet de Bolero diffère de la version de concert à plusieurs égards : petits changements dans les figures d'accompagnement, changements dans la longueur des notes de la mélodie à certains endroits -mais la différence vraiment significative est que le célèbre motif de tambour latéral n'est pas joué par un seul batteur mais est partagé entre deux joueurs, en alternance à chaque énoncé du thème.  Sur la dernière répétition de la mélodie, Ravel ajoute également un triangle et des castagnettes, ce que je trouve vraiment passionnant.

L'histoire de Ma Mère l'oye est plus complexe. Le ballet de 1912 n'a pas été publié du vivant de Ravel et les documents que Durand a publiés vers 1970 sont des réimpressions de la suite originale en 5 mouvements avec des ajouts.  Ce n'est pas ce que l'on entendait en 1912 et la nouvelle édition Ravel Edition est basée sur le matériel source original du ballet.  L'auditeur remarquera une répétition inattendue dans un passage et plusieurs mesures supprimées ailleurs -ainsi que d'innombrables petits changements de divers détails.

Cet enregistrement de Bolero et de Ma Mère l'Oye est le premier à être réalisé avec les éditions révisées de l'édition Ravel. Vous avez également dirigé la première de l'édition révisée de Ma Mère l'Oye au printemps 2021. Pourquoi est-il important pour vous d'offrir au public des éditions révisées basées sur les connaissances musicales les plus récentes ?  

La musique de Ravel est richement complexe et difficile à jouer. Les anciennes éditions sont souvent truffées d'erreurs et d'imprécisions. Il est essentiel que les musiciens disposent du texte correct et que leurs parties soient bien agencées si nous voulons avoir une chance de réaliser la vision de Ravel exactement comme il l'a rêvée !

Y a-t-il un son "Ravel" spécifique ?

Oui ! C’est une combinaison de somptuosité et d'attention méticuleuse aux moindres détails.

Vous êtes également connu pour votre travail sur la musique des comédies musicales de la MGM et d'autres répertoires tels que ceux de Rodgers et Hammerstein. Ravel a-t-il influencé tous ces compositeurs américains ? 

Chacun d'entre eux.  Je ne connais pas de compositeur classique qui ait eu une plus grande influence sur la musique populaire américaine.  Son art de l’orchestration a été largement admiré et imité par les grands arrangeurs d'Hollywood et de Broadway.

Pour cet enregistrement, vous dirigez votre orchestre, le Sinfonia of London. Pouvez-vous nous parler de cet orchestre ? Qu'est-ce qui vous a poussé à le fonder ? Quelle est votre ambition avec cet orchestre ?

Le Sinfonia of London a été créé en 1955, principalement à des fins d'enregistrement.  C'était toujours une équipe de choc composée des meilleurs musiciens et j'ai longtemps eu l'ambition de perpétuer cette tradition, c'est pourquoi j'ai repris l'orchestre en 2019.  Londres regorge de musiciens fabuleux, capables de jouer tout ce que vous leur proposez, des déchiffreurs incroyables avec des compétences orchestrales formidables.  J'adore travailler avec eux -on a l'impression que tout est possible avec ces merveilleux musiciens.  Nous avons maintenant réalisé 14 disques -7 sont sortis et 7 sont en boîte- un opéra pour la télévision et l'année dernière, nous avons fait nos débuts aux BBC Proms.  Pas mal, en plein milieu d'une pandémie mondiale... !  Je veux continuer à enregistrer des disques avec l'orchestre et commencer à faire des tournées au Royaume-Uni et à l'étranger. Je veux que tout le monde puisse partager cette musique vraiment engagée et joyeuse.

Vous avez également fondé le John Wilson Orchestra. Le chef d'orchestre du XXIe siècle doit-il aussi être un "entrepreneur de la musique" ?

Je ne sais pas si cela convient à tout le monde -c'est un travail très difficile- mais il y a quelque chose de très spécial à faire de la musique dans une pièce remplie de personnes qui pensent à la musique de la même manière.  Je trouve cela très inspirant.

Le site de John Wilson : https://johnwilsonconductor.com

  • A écouter : 

Maurice Ravel : La Valse, Ma Mère l'Oye, Alborada del Gracioso, Pavane pour une infante défunte, Valses nobles et sentimentales, Bolero.  1 Ablum Chandos. CHSA 5280 (parution le 28/01). https://chandos-records.lnk.to/Ravel 

 

 

Propos recueillis par Pierre-Jean Tribot

Crédits photographiques : Sim Canetty-Clarke

Vos commentaires

Vous devriez utiliser le HTML:
<a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <s> <strike> <strong>

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.