La simplicité et la ferveur des Chants d’église de Górecki

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Henryk Mikolaj Górecki (1933-2010) : Chants d’église op. 84. Chœur de chambre polonais, direction Jan Lukaszewski. 2021. Notice en anglais. Textes des chants en latin avec traduction anglaise. 99.00. Un album de deux CD Ondine ODE 1428-2D. 

Le phénoménal engouement suscité en 1992, seize ans après son achèvement, par la publication chez Nonesuch de la Symphonie n° 3 de Górecki, dite « des chants plaintifs », avec la soprano Dawn Upshaw et le London Sinfonietta sous la direction de David Zinman, aura apporté au compositeur une reconnaissance internationale, mais aura dans le même temps quelque peu occulté le reste de sa production pourtant riche dans les domaines orchestraux, vocaux ou chambristes. Si, parmi d’autres, le label polonais Dux a particulièrement bien documenté le catalogue de son compatriote, qui a étudié au Conservatoire de Katowice, avant d’y enseigner puis d’en devenir le recteur, cette fois c’est sous étiquette finlandaise que sont proposés les Chants d’église op. 84. 

L’intéressante notice de Beata Boleslawska-Lewandowska, de l’Académie des Sciences Polonaises, dont nous nous inspirons, rappelle que Górecki était un catholique fervent. Après une période d’avant-garde, il a affirmé la profondeur de sa foi dès 1971 avec un Ad Matrem pour soprano et orchestre, avant de souligner la main de Dieu dans l’ordonnancement de l’univers dans le deuxième mouvement de sa Symphonie n° 2 « Copernic » (1972), puis de transmettre le message sacré de la troisième symphonie. D’autres nombreux exemples de son répertoire confirment cette mise en valeur de la religion, notamment l’oratorio Beatus Vir, commandé par le futur Jean-Paul II lorsqu’il était encore cardinal de Cracovie et créé en sa présence pendant le pèlerinage du Pape en Pologne en juin 1979. La décennie 1980 voit le compositeur se retirer peu à peu de la vie publique et se consacrer à des pages plus intimes. 

En 1985, Górecki s’intéresse à un recueil de chants traditionnels d’église rassemblés au XIXe siècle par le prêtre polonais Jan Siedlecki (1829-1902), dont il insère quatre pièces dans ses Chants de Marie op. 54 pour chœur mixte a cappella. Il associera ensuite divers chants religieux de caractères variés. Aucun numéro d’opus ne leur étant attribué, le fils du compositeur a décidé, après le décès de ce dernier en 2010, d’en réunir une série qui a été publiée en 2013 et auquel le numéro d’opus 84 a été attribué. Les vingt chants retenus, destinés à un chœur mixte a cappella, peuvent être joués en concert ou au cours d’un office. 

Le Chœur de chambre polonais, fondé à Gdansk en 1978, est dirigé depuis 1983 par Jan Lukaszewski (°1949) qui a pris le relais de son frère Ireneus. Il compte à son répertoire près de 700 premières mondiales d’œuvres chorales, dont des pages de nombreux compositeurs polonais d’où émergent les personnalités de Kilar, Penderecki et Górecki. Ce chœur mixte composé de 24 voix, dont l’abondante discographie comprend près de 80 albums, est réputé pour son homogénéité, sa qualité musicale et sa profondeur expressive. Il a été applaudi jusqu’en Asie et en Amérique du Nord. On comprend pourquoi en écoutant les présents Chants d’église, nourris de ferveur, de fine ornementation et de suave subtilité.

Parmi ces pages où la foi du compositeur se décline dans un contexte toujours intimiste et éthéré, on savourera, dans le premier volet de l’album, la légèreté du Sicut parvi amplectamur (n° 2), la qualité de la prière mariale d’O mater semper alma (n° 4) ou le vibrant hymne eucharistique Domine Deus, gloria tua (n° 9). Dans le second disque, on donnera la préférence au douloureux Popule meus quid facisti tibi ? (n° 1), qui précède un tout aussi plaintif Christi crux (n° 2), et au chant quelque peu dansant Salve mater matris Jesu (n° 9). Tout en appréciant la part de jubilation de Jesus Christus resurrexit (n° 7). 

Ces Chants d’église, dont la simplicité et la chaleur conviennent très bien à des moments de méditation, pourront être considérés par certains comme revêtus d’une trop grande uniformité d’inspiration, servie par une dévotion excessive. Ce serait oublier qu’ils s’inscrivent dans la continuité d’autres compositions de Górecki qu’ils donnent envie de (re)découvrir. Nous pensons bien sûr au grandiose Beatus Vir op. 38 déjà cité, mais aussi à l’oratorio Sanctus Aldabertus pour soprano, baryton, chœur mixte et orchestre op. 71, deux parutions Dux dont nous nous sommes fait l’écho le 23 juin 2020 et le 13 février 2023, et auquel nous renvoyons le lecteur pour de plus amples détails. Les Chants d’église viennent s’ajouter à l’indéniable pouvoir émotionnel développé par Górecki dans toute son œuvre.

Son : 10  Notice : 10  Répertoire : 8,5  Interprétation : 10  

Jean Lacroix

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