La spontanéité d’Aldo Ciccolini

par

© Bernard Martinez

Johannes Brahms (1833-1897) : Quatre Ballades, op.10
Edvard Grieg (1843-1907) : Sonate pour piano en mi mineur, op.7
Franz Schubert (1797-1828) : Sonate pour piano en si bémol majeur, D 960
A l’issue du concert à Flagey d’Aldo Ciccolini, seul le silence nous entoure. Après une telle soirée, sommes-nous habilité ou tout simplement capable d’exprimer un commentaire sur ce qu’il vient de se dérouler ? Car si le travail du critique ou du commentateur peut s’avérer périlleux voire déplaisant en certaines occasions, il n’en demeure pas moins un moment de partage, de découverte.

Aldo Ciccolini fait partie de cette génération d’artistes qui s’exprime librement, de manière spontanée. Suivons alors son exemple, n’ayons pas peur des mots : le concert du Maître était juste exceptionnel. Le silence, c’est ce moment privilégié que les grandes prestations de ce type nous offrent à l’issue d’une prestation. On se surprend à se demander si le public vivra encore un jour cette expérience magnifique. Aldo Ciccolini débute la soirée par les Quatre ballades, opus 10 de Brahms. A l’image de sa pensée et de sa philosophie, le jeu de l’artiste est spontané, simple et sans complications inutiles. Très intime au départ, il offre un véritable moment d’introspection par ce son feutré, doux et d’une continuité sans faille. Et l’œuvre va crescendo en appuyant certains accents dramatiques ou au contraire lumineux. Tout est pur, d’une clarté incroyable et coloré d’une pédale contrôlée. De par ses accents vifs et rythmiques, la troisième ballade profite d’une grande connaissance de la forme permettant une construction évidente à l’écoute. Dans la Sonate pour piano en mi mineur de Grieg, moins populaire mais pourtant passionnante, Ciccolini contrôle les silences et parvient à relier chaque mouvement dans une logique évidente. De plus en plus à l’aise, il crée un dialogue avec l’instrument et interprète l’œuvre comme s’il la composait sur place. Le moteur est lancé, chaque trait virtuose jaillit de nulle part. De ses 89 ans, le pianiste n’oublie aucune note : discours clair, jeu d’une propreté ahurissante. Pièce qu’il souhaite réenregistrer, c’est la dernière Sonate pour piano D 960 de Schubert – en opposition aux œuvres des jeunes Brahms et Grieg - que choisit Ciccolini pour son récital bruxellois. Œuvre d’une maturité hors normes, on y entend un pianiste sensible, proche du son, des couleurs de chaque harmonie et de chaque contraste. L’intimité créée par Brahms nous revient ici de plus belle et plonge l’auditeur dans une sorte respiration ininterrompue. Même si le pianiste connaît l’œuvre sur le bout des doigts, c’est une sensation de redécouverte qui découle de l’interprétation. Chaque phrase comporte une multitude de caractéristiques jamais délaissées.
Face à un public debout, Ciccolini offre d’abord un "tube" de son répertoire, Salut d’amour d’Elgar puis un extrait de Children’s Corner, « The little shepherd », un pur moment de partage et de bonheur. Merci…
Ayrton Desimpelaere
Bruxelles, Flagey, le 15 septembre 2014

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