L'art de la fugue selon Zhu Xiao-Mei
Johann Sebastian Bach (1685-1750)
Die Kunst der Fuge, BWV 1080 - L'art de la fugue - The Art of Fugue
Zhu Xiao-Mei, piano
2014 – 72' 48''- Livret de présentation en allemand, français et anglais – Accentus music – ACC 30308
Zhu Xiao-Mei est connue pour être une grande spécialiste de Bach. Elle nous livre sa version du monumental Art de la Fugue de J.S. Bach. Il est probable que le Cantor ait mûri l'idée d'une telle oeuvre dès 1705. On considère que l'Art de la fugue était la troisième et dernière contribution de Bach à la Société des sciences musicales Mizler dans laquelle il avait été reçu en 1747. Les membres devaient présenter chaque année jusqu'à l'âge de 65 ans une « oeuvre scientifique » publiée. Bach avait déjà présenté les « Variations canoniques sur le thème de Von Himmel Hoch » et probablement en 1748 l' "Offrande musicale".
L'Art de la fugue est une oeuvre pour clavecin qui se compose de 14 fugues classées selon un ordre de complexité croissante et de 4 canons construits sur le même sujet. La pianiste a choisi de répartir ces canons entre les fugues afin de construire un certain cheminement pour l'auditeur. Ce cheminement aboutit à la quatorzième fugue que Bach ne pourra achever après sa mort. Zhu Xiao-Mei s'arrête à la dernière note écrite de la main de Bach offrant ainsi une fin saisissante et pleinement symbolique. Rappelons toute la force de la symbolique du nombre et des diverses signatures du compositeur. Si on additionne les chiffres obtenus par les lettres b-a-c-h, 2-1-3-8 on obtient 14. De plus cette quatorzième fugue présente comme troisième sujet le motif sib-la-do-si bécarre, à savoir les notes désignées par les lettres B-A-C-H dans le système anglo-saxon.
Cette version est jouée sur piano moderne dont les sonorités sont pleinement assumées. On sent dans l'approche de la pianiste chinoise qu'il ne s'agit pas d'imiter le clavecin. Cependant elle ne franchit jamais certaines limites qui pourraient éclater le style. La sonorité est ronde et douce avec un peu de réverbération, la pédalisation n'est jamais excessive. On sent l'amour de Xiao-Mei pour Bach dont elle a pratiquement tout joué et enregistré. Ses choix de tempi sont personnels, bousculant le tempo ordinario la volonté étant de caractériser chaque fugue plutôt que de garder un fil conducteur. Par exemple la deuxième fugue est plus rapide que la première ou l'articulation est prononcée ; Elle en renforce le caractère dansant du rythme pointé. Zu Xiao-Mei, timbre parfois exagérément la première note du sujet (particulièrement frappant dans la cinquième fugue) brisant l'homogénéité du son et la fluidité du discours. Si la fugue est un tour de force du point de vue composition, structure et analyse, elle n'en reste pas moins un morceau de musique qui plus est chez Bach au sommet de son art.
Michel Lambert
Son 9 – Livret 7,5 – Répertoire 10 – Interprétation 8