Le Kansas City Symphony en tournée en Europe
Le Kansas City Symphony entame la première tournée européenne de son histoire sous la direction de son nouveau directeur musical, le compositeur et chef d’orchestre Matthias Pintscher, bien connu des publics des grandes salles du Vieux continent et l'un des musiciens les plus créatifs de notre temps. A cette occasion, nous rencontrons Danny Beckley, Intendant de l’orchestre, qui va nous permettre de mieux situer cet orchestre sur la carte musicale et de nous parler des projets de cette phalange en plein développement.
Que signifie pour vous et votre orchestre une première tournée en Europe, avec des concerts dans des salles prestigieuses (Amsterdam, Berlin et Hambourg) ?
C'est un honneur incroyable d'avoir reçu ces invitations à emmener notre orchestre en Europe. Kansas City est un centre culturel américain, où le jazz a grandi et où la culture s'épanouit depuis plus d'un siècle. La musique orchestrale en particulier a été adoptée ici, et l'opportunité de présenter Kansas City et son orchestre dans trois des meilleures salles de concert d'Europe est incroyablement spéciale.
Notre orchestre est un groupe ambitieux composé d'artistes, d'entrepreneurs, d'innovateurs et d'acteurs liés par un amour commun de la musique orchestrale. Faire progresser cette forme d'art à Kansas City et en Amérique est notre vocation, et cette tournée nous inspire et nous motive grandement dans notre travail.
Depuis combien de temps préparez-vous cette tournée ?
Je n'oublierai jamais l'appel téléphonique que j'ai reçu de Matthias Pintscher, quelques semaines après que nous ayons annoncé qu'il serait notre prochain directeur musical. Nous n'avions jamais fait de tournée auparavant -pas même au niveau régional- et lorsqu'il m'a appelé un matin pour me dire que le festival Musikfest Berlin avait manifesté son intérêt, nous avons sauté sur l'occasion.
C'était à la fin du mois de mai, il y a un peu plus d'un an. J'admire tellement notre organisation -le conseil d'administration, les musiciens et le personnel- qui a dit « oui, nous pouvons », et nous avons pu accepter cette invitation, ainsi que celles d'Amsterdam et de Hambourg qui sont arrivées immédiatement après, et presto, nous avions une tournée.
Passer d'une expérience nulle en matière de tournées à une telle situation en seulement un an -et bénéficier immédiatement du soutien financier de nos plus chers donateurs- est une leçon d'humilité, d'excitation et de puissance, surtout lorsque nous pensons à notre avenir et à la grande musique que nous ferons avec Matthias.
Le programme d'une tournée est toujours une carte de visite. Comment avez-vous conçu les programmes ?
Notre programme a été conçu pour être un programme très américain par un orchestre très américain. Kansas City est au centre géographique de notre pays, et il est tout à fait approprié que nous proposions un programme composé de quelques-unes des meilleures œuvres orchestrales américaines.
Nous avions l'embarras du choix, mais Charles Ives, George Gershwin et Aaron Copland sont vraiment au sommet de la production américaine en matière de composition, et c'est ce que nous voulions offrir.
Est-il important de programmer une partition moins connue en Europe (même si elle est fabuleuse), comme la Symphonie n° 3 de Copland ?
La Symphonie n°3 de Copland a été écrite à la fin de la Seconde Guerre mondiale, alors que l'Europe était marquée par les ravages de la guerre. Copland a fusionné son style américain avec la forme symphonique, qui était une forme typiquement européenne. L'œuvre est grande, audacieuse et pleine d'espoir - exactement ce dont le monde avait besoin à l'époque. Et elle a certainement résisté à l'épreuve du temps, devenant l'une des œuvres préférées du public et l'un des piliers des orchestres américains. Un extrait bien connu de cette symphonie est la Fanfare pour l'homme du commun, qui est jouée fréquemment en Amérique, et probablement bien connue en Europe aussi.
En visitant votre site web pour préparer cet entretien, je suis tombé sur de formidables initiatives à l’image du projet « Mobile Music Box ». Pouvez-vous nous en parler ?
La Mobile Music Box est née de la pandémie de COVID. Nous ne pouvions pas faire venir les gens dans notre salle de concert, mais nous devions tout simplement continuer à nous produire.
Puisque les gens ne pouvaient pas venir à nous, nous avons décidé d'aller à eux, avec l'objectif de nous produire dans chaque quartier de l’agglomération. Pour atteindre cet objectif, nous avons inventé la boîte à musique mobile, littéralement à partir d'un croquis sur une serviette de table -une scène portable complètement autonome qui pouvait être tirée par une camionnette et déployée n'importe où- dans un parc, au coin d'une rue, dans un centre commercial. Suffisamment grande pour accueillir un orchestre de chambre, nos musiciens ont été chargés de créer des ensembles de différentes tailles, puis nous avons saturé le marché de musique -parfois deux ou trois représentations par jour dans différentes zones.
Nous avions imaginé des dizaines de personnes écoutant la musique en promenant leur chien ou en dégustant un café au lait. Au lieu de cela, nous voyons des centaines, voire des milliers de personnes, se rassembler devant ce lieu pour écouter de la musique en direct. Depuis sa création, la boîte à musique mobile a touché près de 100 000 personnes et je suis fier de dire qu'elle est devenue un élément permanent de la vie culturelle de Kansas City.
Bien que relativement jeune (l'orchestre a été fondé en 1982, même si la tradition symphonique à Kansas City remonte au début du XXe siècle), le Kansas City Symphony Orchestra s'est imposé comme un orchestre majeur sur la scène musicale américaine. Comment voyez-vous l'avenir avec Matthias Pintscher comme directeur musical ?
Je ne saurais trop insister sur l'importance de cette nomination : l'arrivée de Matthias marque un tournant pour cet orchestre. Son immense créativité, son sens artistique et sa capacité à inspirer la grandeur à notre orchestre vont produire des résultats considérables pour la musique orchestrale et les habitants de Kansas City. Nous avançons rapidement. En tant que directeur général, je considère que mon rôle est de soutenir et de renforcer l'art, afin que nous puissions faire bouger les gens. Cela signifie que Matthias et moi-même sommes sur la même longueur d’ondes et que nous dirigeons notre orchestre dans la construction d'un projet qui aura des répercussions sur l'ensemble du secteur. Regardez sa première saison : cette toute première donne le coup d'envoi, puis nous enregistrons une expansion sans précédent de 45 % de notre offre de concerts - en imaginant et en mettant en œuvre de nouvelles façons de vivre la musique. Et ce n'est que le début !
Matthias et moi sommes en quelque sorte à la tête d'une renaissance créative, afin d'apporter la musique orchestrale aux habitants de Kansas City et d'ailleurs. Outre les interprétations de grandes symphonies, de concertos et d'autres formes orchestrales, l'orchestre lance une série, Symphonic Piazza, une nouvelle expérience de concert social construite autour d'interprétations d'œuvres phares du répertoire symphonique. L'orchestre crée également des concerts de chambre intimes, dans le cadre de la série On Stage, et annoncera également des spectacles théâtraux et immersifs. Ces programmes sont en cours de déploiement et nous continuons à innover pour faire découvrir cette musique à un public de plus en plus large. Elle est très puissante.
La musique de notre temps occupera-t-elle une place importante ?
Absolument. Tant de compositeurs talentueux ont créé des œuvres importantes qui font écho à ce qui se passe dans le monde en ce moment. Nous donnerons à ces œuvres la place et les projecteurs qu'elles méritent. Bien évidemment, elles seront associées aux grandes partitions du répertoire classique. Nous croyons fermement que le grand art est grand pour une raison, et le présenter à travers l'incroyable imagination sonore de Matthias sera quelque chose de spécial pour l'auditeur. Et pour nous aussi !
L'importance et la signification de la musique -qu'elle soit nouvelle ou moins nouvelle- sont toujours dans nos esprits. C'est quelque chose que nous ressentons le besoin de partager et de célébrer.
Le site du Kansas City Symphony : https://www.kcsymphony.org/
Propos recueillis par Pierre-Jean Tribot
Crédits photographiques : Randall Baughn & Tal Wilson