Le Mozart des salons londoniens du XIXe siècle naissant.
Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791) : The Jupiter Project. Ouverture de "La Flûte enchantée" dans un arrangement de Johann Nepomuk Hummel ; concerto pour piano n°21 en do majeur dans un arrangement de Johann Baptist Cramer ; ouverture des "noces de figaro" dans un arrangement de Johann Nepomuk Hummel ; symphonie n°41 en do majeur "Jupiter" dans un arrangement de Muzio Clementi. David Owen Norris, piano ; Katy Bircher, flûte ; Caroline Balding, violon ; Andrew Skidmore, violoncelle. DDD-©2019-enregistré en 2018-79'49"- Livret en anglais, français et allemand-Hyperion-CDA68234
Combien d'entre nous n'ont-ils pas découvert les grands classiques orchestraux comme les symphonies de Haydn, de Mozart ou de Beethoven par leurs transcriptions pour le salon, qu'elles soient pour piano à quatre mains, pour trios, quatuors ou autres diverses configurations de musique de chambre ? Ces éditions étaient une source de revenus appréciables pour leurs auteurs. Au début du XIXe siècle, Hummel, le dernier élève de Mozart, en était l'un des plus connus ; Clementi et Cramer se risquaient aussi au jeu de ces réductions car régnait à Londres l'ensemble Jupiter, un quatuor formé d'un pianiste, un violoniste, un flûtiste et un violoncelliste. C'est à eux que l'on doit le surnom plutôt saugrenu de la dernière symphonie de Mozart.
Les deux ouvertures transcrites par Hummel sont de véritables bijoux d'équilibre instrumental ; on croirait facilement qu'elles ont été conçues pour un tel ensemble si on n'avait l'original dans l'oreille.
Le travail de Cramer est moins heureux ; les traits de virtuosité qu'il élabore dans ce 21e Concerto ne sont déjà plus mozartiens et, de ce fait, résonnent quelque peu anachroniquement. Curieusement, alors qu'il escamote la cadence du premier mouvement, il en met trois dans le dernier mouvement et Elvira Madigan s'y reconnaitrait à peine dans le mouvement lent.
L'absence de voix intermédiaire (l'alto) se fait cruellement ressentir dans la symphonie Jupiter. Le piano doit y assurer la majorité des registres. Les autres instruments restent trop en retrait ; on a souvent le sentiment d'une transcription pour piano seul avec violon, violoncelle et flûte ad libitum. Clementi ne peut y faire oublier qu'il était d'abord pianiste.
La subjectivité de nos habitudes d'écoute intervient inévitablement dans ces commentaires ; on n'effacera jamais de notre mémoire les versions originales de ces chefs d'oeuvre et les grands mozartiens qui les ont mises à notre disposition : Böhm, Karajan, Krips, Geza Anda...
Norris et ses condisciples ont le mérite de nous forcer à sortir des sentiers battus et à admirer une des principales manières dont cette "grande" musique a été transmise au public avant l'arrivée des premiers supports musicaux qu'ont été les 78 puis les 33 tours. Soyons donc curieux, comme aimait le répéter Pierre Boulez.
Jean-Marie André
Son : 8-Livret : 7-Répertoire : 10-Interprétation : 8