Le Trio Aries, jeune ensemble belge de musique de chambre 

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Le Trio Aries (Alice Van Leuven, violon ;  Paul Heyman, violoncelle  ; Wouter Valvekens, piano) est un jeune ensemble de musique de chambre belge des plus intéressants. Il sera en concert dans le cadre du CPE Festival, le 14 janvier prochain. Crescendo Magazine s’entretient avec la violoniste Alice Van Leuven pour évoquer le parcours et les projets de ces musiciens.   

La première question est biographique. Comment vous êtes- vous rencontrés et comment avez-vous décidé de fonder cet ensemble ? 

Le monde de la musique de chambre en Belgique est relativement petit. Nous sommes tous les trois passionnés de musique de chambre et partagions l’envie de fonder un ensemble, nous étions donc amenés à nous rencontrer. 

Nous n’avons pas étudié ensemble, ni même dans le même pays. C’est grâce au bouche à oreille que nous avons entendu parler l’un de l’autre même si Wouter (pianiste) et moi nous connaissions auparavant. Nous avons organisé trois concerts en un week-end pour voir si ça « collait » comme on dit. Suite au succès de ces trois concerts et aux encouragements du public et de nos proches, nous avons décidé de fonder le Trio Aries. Nous avons, dans la foulée, enregistré le premier trio de Mendelssohn en live (avec vidéo) à l’Université des arts de Berlin où j’étudiais alors le violon. Le trio est né de ces expériences. 

Qu’est-ce qui vous a attiré vers la musique de chambre, car c’est un domaine où on voit relativement peu de jeunes ensembles en Belgique ?         

L’envie de fonder un groupe qui s’inscrirait sur le long terme et au sein duquel chacun puisse s’épanouir constitue la base de notre projet. Nous souhaitions tous les trois travailler ensemble pour atteindre une grande symbiose, à la manière des quatuors à cordes.

Ce qui nous a attiré tous les trois vers la musique de chambre, c’est bien sûr avant tout la richesse du répertoire. Le trio à clavier offre de multiples possibilités aux compositeurs. Le mariage des instruments à cordes avec le piano permet justement de palier les « manquements » éventuels de ces instruments pris à part. Les cordes, de tessitures graves et aiguës, permettent les longues phrases lyriques tandis que le piano apporte bien souvent la richesse harmonique et une dimension presque orchestrale à l’ensemble. Et les rôles sont bien évidemment aussi inversés : les cordes accompagnent un piano concertant ou forment une texture sonore commune à la manière d’un quatuor à cordes réduit. 

Pour moi comme pour mes collègues, le choix de la musique de chambre s’est imposé comme une évidence. Dans le monde d’aujourd’hui, il faut se montrer flexible et continuellement s’adapter aux circonstances. Les musiciens n’y échappent pas ! La musique de chambre est une très bonne école pour développer ces qualités. En ces quelques années d’existence, je pense que nous avons tous le trois appris énormément dans d’innombrables domaines : les aptitudes purement musicales bien sûr (qui restent en constante évolution) mais également le développement personnel, le travail d’équipe, la communication etc. La musique de chambre est une véritable école de vie. A noter également qu’aucun de nous ne fait que ça, le métier étant malheureusement très peu lucratif… Nous sommes tous les trois professeurs et nous nous produisons également en tant que solistes ou avec d’autres ensembles. 

La musique de chambre est pour moi la manière la plus intense de ressentir la musique. C’est très personnel, j’imagine que d’autres personnes seront peut-être plus touchées par l’orchestre ou par des solistes. Pour moi, l’échange d’idées musicales en petit groupe a toujours été le plus chargé émotionnellement. 

Vous avez fondé le trio en 2018, et peu de temps après, il y a eu la pandémie et ses conséquences sur la vie musicale. Comment avez-vous passé cette période certainement très délicate pour un jeune ensemble ? 

Le confinement a commencé un mois après notre prix au concours « Supernova Classics » organisé par la radio flamande Klara. Ce concours donne accès à une tournée de concerts en Belgique et a pour but de faire connaître l’ensemble sur la scène nationale. Une vraie chance pour un jeune ensemble ! Suite à la pandémie, cette tournée de concerts a malheureusement été reportée et certains concerts ont été annulés sans promesse de reprogrammation à l’issue de la crise sanitaire, ce qui est regrettable. Il en va de même pour tous les ensembles, à l’échelle mondiale. C’était une période difficile pour tout le monde et pour nous aussi mais, dans l’ensemble, nous nous estimons relativement chanceux. La plupart des concerts ont été reprogrammés dans les saisons suivantes et nous avons eu beaucoup de prestations diffusées en streaming. Nous voudrions ici remercier Joost Fonteyne, l’intendant du Klara Festival, qui nous a permis dès juin 2020 de nous remettre au travail grâce à plusieurs streamings. D’autres organisateurs ont également permis cette réouverture partielle du secteur. Et quelle joie de retrouver ensuite le public en chair et en os dans les salles de concerts ! 

Avec du recul, nous apprécions aussi les points positifs du confinement. C’était le moment de faire le point, d’apprendre du nouveau répertoire et de se développer à l’instrument. Quand nous nous sommes retrouvés pour répéter après quelques mois, nous nous étions reposés et nous avions conscience du luxe de pouvoir exercer notre passion. Cette pause a donné naissance à un regain d’inspiration. 

En 2021, vous avez fait paraître votre premier album avec un programme consacré à des oeuvres de Scriabine, Suk, Schubert et Mendelssohn. Un programme très “carte de visite” pour présenter toutes les facettes musicales. Comment avez-vous choisi ces partitions spécifiquement ?  
L’œuvre centrale de ce premier album est le Trio n°1 en ré mineur  de Mendelssohn. C’est la première œuvre que nous avons travaillée ensemble et ça nous tenait à cœur de l’inclure au programme de notre premier cd. Le reste des œuvres découle de ce premier choix, en lien avec le concept et le titre « Awakening » (Éveil). Nous voulions un programme qui soit porté par ce fil conducteur et qui ait du sens pour un auditeur qui écouterait l’enregistrement du début jusqu’à la fin (bien que nous ayons conscience que cela ne concerne probablement qu’une minorité des auditeurs). C’est ainsi que nous avons choisi la miniature de Scriabin, une petite perle, pour « éveiller » le spectateur. Le Trio de Suk, moins connu des mélomanes, est pour beaucoup une découverte charmante et lyrique. Le Nocturne de Schubert offre un moment de paix et de simplicité avant la tourmente et la fougue passionnée de Mendelssohn. 

Sur votre site Internet, présentation de l'ensemble, il est écrit : "le Trio Aries s’engage également à la collaboration avec d’autres branches artistiques pour donner naissance à des projets interdisciplinaires.“ Pouvez-vous donner des exemples de ces collaborations ? En quoi élargir le champ de vision vers ces projets interdisciplinaires est-il important pour vous ?  

Comme mentionné ci-dessus, nous avons à cœur de nous montrer flexibles et de nous adapter au monde d’aujourd’hui. Bien que nous continuions à défendre « la musique pour la musique », c’est à dire les concerts où la musique est au centre de l’attention, nous sommes également ouverts à une participation à des spectacles où la musique est mêlée à d’autres disciplines au service d’un concept bien particulier. C’est ainsi que nous avons collaboré en mars 2021 avec l’école royale de ballet d’Anvers à l’occasion du concert de printemps du Palais Royal de Bruxelles. Le répertoire avait été choisi en concertation avec les danseurs (ou, en l’occurrence, les professeurs de l’école) qui ont ensuite imaginé une chorégraphie sur la musique que nous jouions. L’avantage de ces projets est de toucher un public souvent plus large que les férus de musique de chambre. Cela permet aussi d’apprendre et d’enrichir notre propre vision artistique. D’autres projets interdisciplinaires sont actuellement en couveuse, je n’en dirai pas plus pour l’instant… 

Dans le cadre de votre concert au CPE Festival, vous allez interpréter le célèbre Trio, Op.50 de Tchaïkovski, l’un des sommets de la musique de chambre. Comment vous préparez-vous à aborder au concert une telle partition? 

Le trio avec piano de Tchaïkovski est en effet un véritable monument ! C’est une pièce aux dimensions symphoniques extrêmement exigeante. Cette partition est exceptionnellement longue (de 45 à 50 minutes) et demande beaucoup d’endurance de la part des musiciens. La préparation individuelle de chacun est laborieuse, ce n’est qu’après plusieurs semaines de travail individuel que l’on se retrouve pour en faire la première lecture. Pour deux d’entre nous, le concert au CPE Festival sera la première occasion d’interpréter cette œuvre en public, un défi que nous attendons avec impatience! L’œuvre est particulièrement exigeante pour le piano et est considérée par les pianistes comme la pièce de Tchaïkovski la plus difficile à exécuter.  

Quels sont les prochains projets du Trio ?

Cette deuxième partie de saison est relativement fournie en concerts. Nous finissons l’hiver avec le programme russe incluant Tchaïkovski, Chostakovitch et Scriabin. Au printemps, nous jouerons un nouveau programme tchèque avec Dvořák, Smetana et Suk. 

Parmi nos prochains projets figure l’enregistrement d’un nouvel album autour d’arrangements de pièces qui ne sont originellement pas écrites pour le trio à clavier. Nous avons déjà enregistré La Nuit Transfigurée de Schoenberg originellement écrite pour sextuor à cordes mais arrangée pour trio à clavier par Eduard Steuermann : contemporain, élève, interprète (pianiste) et ami de Schoenberg. C’est une œuvre que nous avons déjà jouée à plusieurs occasions et qui nous est très chère. L’enregistrement, réalisé à la salle Miry de Gand en décembre 2021, est déjà disponible sur Spotify. En ce qui concerne le reste du programme, nous le dévoilerons en temps voulu… 

Le site du Trio Aries : https://fr.trioaries.com

  • A écouter : 

Oeuvres de Alexander Scriabin (1872-1915), Josef Suk (1874-1935), Franz Peter Schubert (1797-1828), Felix Mendelssohn-Bartholdy (1809-1847). Trio Aries. Etcetera.



 

Propos recueillis par Pierre-Jean Tribot

Crédits photographiques : Geert Van Hoeymissen

 

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