L’immigration finlandaise en musique
Jean SIBELIUS
(1865 - 1957)
Kullervo, Op. 7 – Finlandia, Op 26 (version avec chœur)
Olli KORTEKANGAS
(°1955)
Migrations pour mezzo-soprano, choeur d’hommes et orchestre
Minnesota Orchestra, Osmo Vänskä, direction – YL Male Voice Choir, Pasi Hyökki, chef de chœur – Lilli Paasikivi, mezzo-soprano – Tommi Hakala, baryton
2017-Live SACD-CD1 80’/CD2 34’05-Textes de présentation en anglais, allemand, finlandais et français-BIS-9048
A bien des égards, Kullervo peut se hisser au rang des partitions les plus bouleversantes imaginées jusqu’à ce jour. Dans des proportions aussi vastes que les symphonies de Bruckner, Sibelius distille au fil des cinq mouvements tout le caractère tragique et dramatique d’un homme, Kullervo, en proie à une vengeance inébranlable : celle de tuer son oncle Untamo, à l’origine de la disparition de son clan. La première tentative se solde par un échec, le jeune Kullervo étant alors vendu comme esclave à un forgeron. Impliqué dans la mort de l’épouse de ce dernier, Kullervo s’échappe et retrouve ses parents. Plus tard, il rencontre dans une forêt une jeune femme, en réalité sa sœur. Kullervo, rongé par la culpabilité, finira par se donner la mort dans cette même forêt après avoir massacré la tribu de son oncle et la disparition de sa propre famille. Toute cette épopée trouve ses origines dans le Kalevala, 50 runes assemblées par Elias Lönnrot, publié en 1835 et révisé en 1849 et que Sibelius a étudié à l’école. La partition se dessine au printemps 1891 à Vienne et se poursuit en Finlande en juin avant sa création en 1892. A la tête du Minnesota Orchestra dont il est le directeur musical, le chef Osmo Vänska aborde un répertoire qu’il connaît et qu’il a déjà joué et enregistré lors de précédentes collaborations. Naturellement, l’inspiration du chef dans cette partition offre le meilleur des contours harmoniques et rythmiques d’un écrit redoutable tant le squelette architectural est complexe. Pour rappel, les solistes et le chœur d’hommes n’interviennent que dans deux des cinq mouvements. La difficulté réside alors dans la manière d’agencer couleurs et dynamiques sans franchir la ligne de la redite, voire de l’ennui. En ce sens, le Minnesota Orchestra assure une lecture limpide, efficace, avec une émergence d’instruments solistes convaincante. Dans le troisième mouvement, les forces vocales soulignent avec justesse la rencontre entre Kullervo et sa sœur. On soulignera la beauté du timbre de la mezzo Lilli Paasikivi qui ne tombe jamais dans l’excès, accentuant au contraire tout le dramatisme de la situation. Le baryton Tommi Hakala répond avec la même expressivité et la tension dramatique qui en découle. Enfin, Vänskä peut compter sur les forces vives et puissantes du YL Male Voice Choir, tout aussi imposant et révélateur d’un travail efficace en amont dans Finlandia. Commande de l’orchestre en 2014, Migrations est une pièce de Olli Kortekangas, ancien élève de Rautavaara dont le catalogue comporte près de 140 titres dont neuf opéras, pour la commémoration du 150ème anniversaire du début de l’immigration finlandaise en Amérique du Nord. De moins grande envergure, la tâche imposée au compositeur était d’écrire une pièce avec les mêmes conditions que Kullervo. Puisant ses origines dans la poésie de Sheila Packa, Kortekangas distille au fil des sept mouvements (quatre mouvements chantés reliés par trois interludes orchestraux) un regard très personnel de cette période qui aura marqué la vie de nombreux citoyens finlandais. Il en découle une partition touchante, aux accents tragiques et aux nombreuses couleurs dominées par une orchestration originale. La direction d’Osmo Vänskä est franche et offre une belle visibilité aux nombreuses ressources de l’orchestre. Un enregistrement live à découvrir !
Ayrton Desimpelaere
Son 10 – Livret 10 – Répertoire 10 – Interprétation 10