L'Ipermestra de Cavalli en première mondiale

par

Francesco CAVALLI, (1602 - 1676)  : L 'Ipermestra. La Sfera Armoniosa, dir. : Mike Fentross, Elena Monti, soprano, Emanuela Galli, mezzo-soprano, Gaële Le Roi, soprano, Marcel Beekman, ténor, Sergio Foresti, basse, Marc Tucker, ténor. CD Challenge Classics CC72774

Créé en 1658 à Florence à l'occasion du baptême du Prince Felipe Próspero de Austria, troisième enfant du roi Felipe IV d'Espagne et premier héritier mâle, l’œuvre n'est cependant pas un ouvrage de circonstances. Cavalli eut le loisir pendant plusieurs mois de travailler sur le livret préparé par Giovanni Andrea Moniglia, mêlant imbroglios mythologiques (l'histoire des Danaïdes, mise en musique aussi par Vivaldi à Venise, par Caffaro à la Cour d'Espagne, par Salieri à Vienne et par Gervais à Paris) et scènes comiques. La munificence du Grand Duc de Toscane Ferdinand II de Medici, cherchant une alliance avantageuse avec les Habsbourg, ne s'étant plus renouvelée depuis, cet opéra de Cavalli est restée dans l'oubli pendant des siècles. Ce qui honore le projet de Mike Fentross, porté à la scène en 2006 au Festival de Musique Ancienne de Hollande et présenté maintenant en première mondiale en CD, sans sa version scénique hélas, car les brefs moments qu'on retrouve sur le web témoignent d'un belle création théâtrale.

Fentross a effectué un travail important de réorchestration qui laisse affleurer de temps à autre quelques banalités mais n'est pas moins digne de mention car il apporte un regard finalement moderne à des partitions qui nous parviennent de manière sommaire, avec de rarissimes indications d'instrumentation, surtout pour le continuo.

En Ipermestra, Elena Monti est une artiste engagée et convaincante. Sa voix est de toute beauté, riche de couleurs et de nuances. Son rôle devrait amener la catharsis en frisant l'hystérie mais sa construction du personnage reste parfois trop épidermique alors qu'on ne la sent finalement pas vraiment spontanée. Aléas du direct, scrupuleusement respecté dans cet enregistrement. Emanuela Galli est Linceo, le mari réchappé du courroux de Danao, et chante avec éloquence, d’une voix chaleureuse et bien timbrée, très, très agréable à l'écoute. Elle parvient à rendre crédible un personnage aux vicissitudes parfaitement invraisemblables. Gaële Le Roi campe une Elisa, (l'amante éconduite) naturelle et charmante avec une voix vraiment séduisante, délicate, suave et très savamment utilisée. Elle a l'intelligence du théâtre et du rôle, nous laissant quelques uns des moments les plus émouvants de cet enregistrement. Mark Tucker fait un Arbante moins plaisant : la voix n'est pas souple et même légèrement chevrotante, et elle est peu appropriée à son rôle de séducteur. Par contre, Marcel Beekman, dans son rôle de Berenice, nourrice aux six maris cherchant le septième..., nous régale de sa « vis comica » et de son excellent sens dramatique. Il utilise sa voix de manière extrêmement imaginative et ingénieuse. Sergio Foresti chante un Danao noble et crédible, il a le sens de la “grandeur”, la noblesse de son personnage et sa belle voix de basse séduit. On pourrait parfois le trouver quelque peu guindé, mais il reste un artiste inventif et chaleureux.

L'ensemble « La Sfera Armonica » démarre un peu dans le chaos : un certain nombre de mesures sont nécessaires dans l'ouverture pour que chaque musicien trouve la justesse d'ensemble mais, sous la conduite inpirée de Fentross, il font ensuite preuve d'une grande subtilité dans la réalisation du continuo et dans l'accompagnement en souplesse des airs et ariosi.

Il faut cependant déplorer l'absence d'informations sur les artistes et de traductions. On ne peut certes encombrer un CD de gros livrets, mais l'éditeur promet une traduction online du livret en néerlandais... qu'on ne trouve nulle part ! C'était pourtant la solution idéale, car celui qui n'est pas rompu aux figures de style de l'italien du XVIIe devra se creuser les méninges pour suivre les détails des longs récitatifs de cette pièce. Il est vrai que l'émotion passe presque toujours, mais on reste en deçà de la compréhension agile d'une histoire alambiquée et tordue dont nulle traduction n’est disponible online, ni en français ni en anglais. La prise de son est aussi peu réussie, conditionnée probablement par le direct et les conditions de la salle.

Son : 7 Livret : 5 Répertoire : 9 Interprétation ! 8

Xavier Rivera

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