Musique en Wallonie, un anniversaire musical 

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Le label Musique en Wallonie célèbre ses 50 ans. En un demi-siècle, Musique en Wallonie s'est imposé à travers le monde comme un vecteur de diffusion essentiel du patrimoine belge et une vitrine exceptionnelle pour les artistes de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Crescendo-Magazine rencontre Jean-Pierre Smyers, le Président de Musique en Wallonie asbl pour évoquer le bilan et les perspectives pour l'un des plus beaux joyaux culturels du plat pays

A l'occasion de cet anniversaire, assez unique dans la vie d’un label, quel bilan tirez-vous de ce demi-siècle au service du patrimoine musical ? 

Tout d’abord, je reste fasciné par l’ampleur du travail sur le répertoire ! Ce dernier est immense et nous n’avons pas fini d’en faire le tour ! Musique en Wallonie a exhumé des partitions de compositeurs que l’on ne connaissait pas et parfois des partitions oubliées de compositeurs connus. Nous avançons au fur et à mesure, au fil des recherches et des découvertes des musicologues de nos Universités. A chaque étape de ce travail, on se rend compte qu’il y a de belles choses à faire. Un autre trait rétrospectif est la continuité au fil des générations de musicologues qui se succèdent et ce passage de témoin nous permet de poursuivre le travail à l’inverse d’autres labels très liés à une personnalité et dont la survie est en jeu lors d’un événement de la vie comme un départ ou un décès. Un dernier point réside dans le plaisir que nous procure le travail et cet enthousiasme qui traverse toute l’équipe, des artistes aux graphistes en passant par les rédacteurs des notices. C’est une immense joie et un plaisir quotidien !  

Dans la première partie de son existence, Musique en Wallonie était associé à d’autres labels avant de devenir une structure indépendante. Qu’est-ce qui vous a motivé à cette transition ? 

Ce n’est pas tout à fait un changement car les productions sont devenues autonomes et lorsque nous travaillons avec d'autres labels, il y avait une répartition du travail, des coûts et des domaines de compétences. Cependant les dernières parutions en collaboration avaient tendance à masquer l'apport de Musique en Wallonie qui n’était pas assez visible au titre de porteur du projet. Il était indispensable que les choses soient plus claires et nous avons alors changé de cap.

Les albums de Musique en Wallonie sont de beaux objets au design soigné et accompagnés d’une riche iconographie ainsi que de notices de haute qualité. Alors que les spécialistes de marketing insistent sur la qualité de l’objet pour survivre dans un marché très difficile, cet aspect a toujours été une constante pour vous. Qu’est-ce qui vous avait incité à proposer un objet complet à la fois disque et livre ? 

Le contenu de l’objet est effectivement très important car le disque audio et ses compléments éditoriaux sont l'aboutissement d’une recherche. Les livrets sont étoffés car les textes et l’iconographie doivent être attractifs. De plus, nous proposons les textes chantés des œuvres et les traductions indispensables à l’exportation de nos albums. Dès lors, les modèles disponibles sur le marché ne permettaient pas de supporter nos contraintes éditoriales et le format de digipack tel un livre s’est imposé. De plus, la beauté de l'objet est moyen de contrecarrer l'anonymat qui touche la plupart des productions du marché sans oublier que c’est un prolongement du grand soin que nous apportons à nos enregistrements. 

Musique en Wallonie a beaucoup œuvré à faire connaître les œuvres d’Eugène Ysaÿe et on observe une diffusion internationale de plus en plus importante de la musique du grand violoniste en tant que compositeur. Est-ce que vous vous considérez comme des précurseurs de ce Revival ? 

On y a sans doute contribué même si c’est peut-être modestement car nous ne pressons pas nos parutions à des centaines d’exemplaires. Beaucoup des compositeurs que nous défendons méritent des places dans les programmations régulières et publier des enregistrements facilite indéniablement la connaissance de leurs œuvres. Il nous manque sans doute une branche d’édition pour prolonger cette diffusion mais ce sont évidemment des questions de coûts. 

 Une partie de votre catalogue de la première partie de l’existence de Musique en Wallonie n’est plus disponible. Envisagez-vous de le remettre en ligne ? 

Oui. Nous espérons pouvoir le faire même si, du fait des collaborations avec d’autres labels comme c'était le cas au début de notre existence, il y a un travail de clearance juridique y compris en ce qui concerne les artistes. Mais grâce à l'action de PointCulture, notre catalogue en vinyl a été numérisé et il nous a été remis. Nous pourrons donc envisager sa mise à disposition certainement par le biais du streaming. 

Le streaming paye très mal les labels, mais il offre une caisse de résonance mondiale. Est-ce que vous avez eu, lors de l’analyse de vis data, des surprises en découvrant des écoutes dans des territoires inattendus ? 

Nous sommes distribués physiquement dans une vingtaine de pays et digitalement presque partout dans le monde, mais en effet, il est plaisant de constater que nous sommes écoutés dans des pays parfois reculés ! Cela répond à notre mission de faire connaître le patrimoine musical ! Pour rebondir sur votre évocation des revenus du streaming, ils sont en effet minimes et c’est un défi pour les années à venir tant ces faibles rétributions ne permettent pas de financer des productions. Nous avons le soutien de la Fédération Wallonie-Bruxelles, ce qui est un pilier qui nous permet d’avancer avec un certain confort. Je tiens à préciser que nous payons les contributeurs, artistes en tête, ce qui est désormais devenu une rareté dans les pratiques du milieu de l’enregistrement. 

Quels sont vos futurs projets à court et moyen termes ? 

Ces deux années ont été marquées par un travail intense avec des productions parfois lourdes techniquement. Nous publions 5 titres dans le cadre de nos 50 ans et tous ont nécessité des heures de travail depuis l’identification des répertoires jusqu’aux relectures et validations du travail graphique. Nous allons ralentir un peu le rythme mais nous avons des projets comme la poursuite de l’exploration des mélodies de Joseph Jongen ou mettre l’accent sur des compositrices. Nous allons bien sûr poursuivre nos collaborations avec les grandes institutions belges francophones : l’Orchestre Philharmonique Royal de Liège et le Chœur de Chambre de Namur. Enfin, nous allons reprendre nos parutions consacrées aux interprètes avec un focus sur le violoniste Alfred Dubois qui fut le professeur d’Arthur Grumiaux. Il existe des enregistrements 78 tours et des bandes radiophoniques qui révèlent des qualités exceptionnelles. 

Le site de Musique en Wallonie : www.musiwall.uliege.be

Propos recueillis par Pierre-Jean Tribot

Crédits photographiques : DR

 

 

 

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