Ozawa, compagnon de route berlinois 

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Oeuvres de Ludwig van Beethoven (1770-1827), Max Bruch (1838-1920), Maurice Ravel (1875-1937), Béla Bartók (1881-1945), Joseph Haydn (1732-1809), Piotr Ilich Tchaïkovski (1840-1893), Anton Bruckner (1824-1896), Gustav Mahler (1860-1911), Paul Hindemith (1895-1963), Hector Berlioz (1803-1869), Richard Strauss (1864-1949),  Richard Wagner (1813-1883), Felix Mendelssohn (1809-1847). Solistes, chœurs et Orchestre philharmonique de Berlin, direction : Seiji Ozawa. 1982-2016. Livret en allemand, anglais et japonais. 6 CD et 1 Blu-Ray Berliner Philharmoniker Recordings. 

En hommage au chef d’orchestre Seiji Ozawa décédé au début de l’année, l’Orchestre philharmonique de Berlin édite un superbe coffret du maestro nippon. Seiji Ozawa, bien que son nom reste attaché à son mandat auprès du Boston Symphony Orchestra et à son rôle dans la vie musicale japonaise, était un compagnon de route des orchestres européens que sont les philharmoniques de Vienne et de Berlin. 

L’aventure commune commence en 1966 avec une invitation de Herbert von Karajan. Les historiens de l’art de la baguette peuvent noter que cette année 1966 marquait également les débuts du jeune Claudio Abbado au pupitre de la phalange. Dans un programme Beethoven, Schumann et Hindemith, le jeune chef japonais casse la baraque d’emblée. Il est rapidement réinvité en 1968 et sera ensuite l’un des fidèles des saisons berlinoises. Des sommets vont jalonner cette collaboration : des extraits de Saint François d’Assise de Messiaen dans le cadre de la saison des 100 ans de l’orchestre, le concert de la Saint Sylvestre 1989, le concert du Centenaire de la naissance d’Herbert von Karajan et deux fois le concert de prestige de Waldbühne en 1993 et 2003. Des disques en studio chez Philips et DGG jalonnent cette collaboration avec en tête d’affiche des Carmina Burana de Carl Orff et une intégrale des Symphonies de Prokofiev. En 2016, Ozawa est désigné membre honoraire de l'Orchestre philharmonique de Berlin.

Dès lors, on se réjouit de retrouver Seiji Ozawa enregistré en concert car le chef s’y montre plus libre et inspiré qu’en studio. Sa direction séduit par ce mélange de fluidité, de sens des contrastes et d’impacts dynamiques. La Symphonie n°1 de Mahler est ainsi une fabuleuse réussite tant le maestro parvient à allier une vision d’un éveil de la nature aux cataclysmes orchestraux finaux. C’est fabuleux de sens de la gradation, laissant respirer la masse orchestrale avec un esprit presque chambriste dans les mouvements lents. Parfois, le chef caresse, laisse danser les notes, pour mieux reprendre en main. La Symphonie fantastique n’a jamais réussi au disque aux Berlinois, souvent hors de propos, mais avec Ozawa au pupitre, tout s’imbrique, des rêveries initiales à une “Marche au supplice” galvanisée au panache avant un déferlement orchestral dans le “Songe d’une du sabbat”. Le chef nippon était à son affaire dans les grandes fresques de Richard Strauss et la Symphonie alpestre enregistrée en mai 1996 est magistrale : l’orchestre est au sommet de sa forme et fait exploser les murs de la philharmonie de Berlin. La Symphonie n°7 de Bruckner, fervente et puissante, est portée par un orchestre en démonstration.   

D’autres oeuvres ne doublonnent pas avec la discographie officielle du chef : une Symphonie n°1 de Tchaïkovski chauffée à blanc avec un impact magique ou la belle et rare Symphonia Serena de Hindemith  qui n’a jamais été aussi bien servie par le sens naturel du ton des mouvements et la finition intrumentle. On est un peu plus réservé sur la Symphonie n°60 de Haydn, menée avec finesse mais un peu épaisse de trait. 

On se régale de deux pépites orchestrales: une ouverture de Leonore 2 de Beethoven à la dimension tragique et épique et un “Prélude et Mort d’Isolde” de Tristan et Isolde d’une plastique orchestrale à la séduction absolue. 

Du côté concertant, 3 merveilles : si le Concerto pour piano (dit en sol majeur) de Ravel avec Martha Argerich est assez attendu, on découvre un Concerto n°1 de Max Bruch transcendant avec un Pierre Amoyal grandiose d’engagement et un Concerto pour alto dramaturgiquement tendu avec Wolfram Christ en soliste. 

Du côté vidéo, pas de doublons avec la partie purement audio, mais des témoignages de haute volée. On commence avec la Fantaisie chorale en compagnie de Peter Serkin, compère fidèle de Seiji Ozawa et le Rundfunkchor. Le chef a toujours été un grand fan de cette partition souvent considérée comme mineure, il y insuffle une ferveur, une foi musicale incroyable avec une conclusion puissante et épique. La Symphonie n°1 de Bruckner est bien connue et elle est issue du coffret Bruckner. C’est une excellente lecture en forme de presque quadrature du cercle. Enfin, apothéose musicale, Elijah de Mendelssohn avec une distribution phénoménale : Annette Dasch, Gal James, Nathalie Stutzmann, Nadine Weissmann, Paul O’Neill, Anthony Dean Griffey, Matthias Goerne et Fernando Javier Radó. Ozawa construit un édifice puissant et traversé d’une transcendance absolue.    

Du côté des prises de son, c’est assez variable car il s’agit de captations radiophoniques plus globales que précises qui lissent un peu les dynamiques. Bien évidemment, plus le temps avance et plus la qualité sonore est de haut vol, en particulier le volet vidéo. 

Le coffret est superbe avec un soin éditorial exemplaire du label berlinois avec, en prime, un très beau texte d’ Haruki Murakami avec qui Ozawa avait réalisé un remarquable livre d’entretiens. De superbes photos jalonnent ce coffret

Note globale 10


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