Marin Alsop, passionnément John Adams

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La légendaire Marin Alsop fait paraître un album consacré à des oeuvres de John Adams (Naxos), un compositeur avec lequel elle collabore régulièrement. La cheffe d’orchestre est au pupitre de son  ÖRF Radio-Symphonieorchester Wien avec lequel elle construit après Hindemith, Henze et Schumann/Mahler, un corpus discographique majeur. 

Vous avez enregistré cet album de John Adams à Vienne avec l'Orchestre symphonique de la Radio viennoise (ORF). Quand on pense à Vienne, on pense naturellement à Beethoven ou à Mahler. Y a-t-il une dimension beethovénienne ou mahlérienne dans la musique de John Adams ? 

Le ÖRF Radio-Symphonieorchester Wien est un orchestre extraordinairement polyvalent, jouant un jour la nouvelle musique la plus avant-gardiste et le lendemain les classiques. Pour moi, Adams est à la fois unique et respectueux de la tradition. Pour ma première saison à Baltimore, j'ai associé des compositeurs vivants à Beethoven et John a été mon premier contact. Il a demandé la plus minimaliste des symphonies de Beethoven : la Symphonie n° 7 !

Votre album comprend trois partitions orchestrales : City Noir, Fearful Symmetries et Lola Montez Does the Spider Dance. Comment avez-vous choisi ces partitions et pas d'autres ? 

Pour moi, il était important de mettre en valeur l'immense palette de John : Fearful Symmetries est l'une des pièces que je préfère absolument diriger. Elle est typiquement américaine, avec un groove dansant et un univers sonore cool. City Noir est tout à fait à l'opposé -une représentation symphonique épique avec beaucoup de références et d'associations. Enfin, Lola Montez est la pièce que John a composée pour moi à l'occasion de mon dernier concert en tant que directeur musical du festival Cabrillo, après 25 ans d'activité. C'est amusant, délicat, impertinent et merveilleux.

Vous dirigez et enregistrez des œuvres de John Adams depuis de nombreuses années. Comment voyez-vous l'évolution de l'art du compositeur ? 

Je pense que ce qui caractérise un vrai grand compositeur, c'est une évolution constante avec une signature cohérente. C'est ce qui caractérise John Adams. Il se pousse à aborder des récits importants et de nouvelles structures, mais nous reconnaissons toujours sa voix.

Gabriele Bonolis, à propos de Bruno Maderna

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Gabriele Bonolis, compositeur, chef d’orchestre et violoncelliste italien fait paraître un album entièrement consacré à des œuvres de Bruno Maderna (Dynamic), autre grand compositeur et chef d’orchestre qui a marqué l’Histoire de la musique. L’excellence de cet enregistrement, qui fera date dans notre appréciation de l’art de Bruno Maderna, nous a donné envie d’en parler avec le musicien.

Que représente pour vous la figure de Bruno Maderna? 

Jeune étudiant au Conservatoire, j'ai toujours été attiré par la figure de ce musicien singulier, amateur de musique mais aussi de bonne chère et de bon vin. Maderna m'est toujours apparu comme un explorateur intrépide dans le domaine musical, à l'image de figures comme Ferdinand Magellan ou Adrien de Gerlache qui ont consacré leur vie à la découverte de notre planète ; c'était une recherche large, personnelle et imparable entre la musique de répertoire (notamment en tant que chef d’orchestre) et la Nouvelle Musique (en tant que compositeur et professeur). Souvent, je l'imagine engagé avec les machines complexes du Studio di Fonologia de Milan soutenu par la RAI : une sorte d'expert manipulateur de l'alchimie sonore flanqué d’un autre grand gourou d'avant-garde, Luciano Berio, avec qui il partageait des passions et une grande amitié. Il existe un témoignage poétique de l'écrivain Gianni Rodari -né la même année que Maderna, en 1920- où l'on imagine une "maison musicale" dans laquelle se trouve également Bruno Maderna: "Voici la maison en musique. Elle est faite de briques musicales, de pierres musicales. Ses parois, frappées à coups de marteaux, font toutes les notes possibles. Je sais qu'il y a un do dièse au-dessus du canapé, le fa le plus aigu est sous la fenêtre, le sol est tout en si bémol majeur, une tonalité excitante. Il existe un merveilleux portail électronique atonal, sériel : il suffit de le toucher avec vos doigts pour en extraire tous les trucs de Nono-Berio-Maderna. Pour faire délirer Stockhausen [...]»

Superbe hommage à Pierre Cochereau, puisé à un fonds d’inédits

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Cochereau, Le Disque du Centenaire. Johann Sebastian Bach (1685-1750) : Aus tiefer Not schrei’ ich zu dir BWV 686. Pierre Cochereau (1924-1984) : Improvisation sur le noël « Laissez paître vos bêtes ». Suite rhapsodique sur « Ave Maris Stella ». Variations sur « Frères Jacques ». Entrée, Offertoire, Communion, Sortie de la Messe de 11h30 du dimanche 4 mars 1984. Pierre Cochereau, orgue de la cathédrale Notre-Dame de Paris. Février 1970 à mars 1984 ; édition 2023. Livret en français et anglais. TT 75’58. FY Solstice SOCD 409

Récital remarquable au Namur Concert Hall

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Ce samedi 30 mars a lieu le récital au Namur Concert Hall de 2 lauréats du Concours Reine Élisabeth : le violoniste belge Lorenzo Gatto et le pianiste français Frank Braley. Le fil conducteur de ce concert est la musique viennoise. Trois pièces sont au programme de cette soirée : la Sonate pour violon N°27 en sol majeur, K.379 de Mozart, la Sonate pour violon N° 7 en do mineur, Op. 30 N°2 de Beethoven et la Sonate pour violon et piano en mi bémol majeur, Op. 18 de Richard Strauss. 

Le concert débute avec la Sonate pour violon N°27 en sol majeur, K.379 de Mozart. Cette œuvre, Mozart la compose en 1781 alors qu'il vient de quitter sa ville natale de Salzbourg. À cette période, il rejette le joug abhorré de l'archevêque Colloredo, devenant ainsi le premier musicien créateur “libre” de l'histoire. Frank Braley et Lorenzo Gatto font preuve de finesse, de délicatesse et de musicalité tout au long de ces deux mouvements. Après l'Adagio d'introduction, place à l'Allegro où les deux musiciens font preuve d'intensité et dont l'énergie est mise au service de la pièce. Le deuxième et dernier mouvement, l'Andante cantabile, est un thème populaire avec cinq variations. Lors de chacune des variations, Braley et Gatto utilisent des caractères différents tout en gardant une certaine vitalité. Dans cette œuvre, aussi bien le pianiste que le violoniste doivent faire preuve d'habileté et c'est ce qu'ils font avec brio. 

Baroque germanique : enjôleurs dialogues d’archets en scordatura

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Vis à vis. Heinrich Ignaz Franz Biber (1644-1704) : Partia VI [Harmonia Artificioso-Ariosa Diversimodé accordata]. Sonate IV « Die Darstellung im Tempel » ; Passacaille Schutzengel [Mysteriensonaten]. Johann Pachelbel (1653-1706) : Was Gott tut, das ist wohlgetan. Partia II en ut mineur [Musicalische Ergötzung]. Johann Sebastian Bach (1685-1750) : Sonate en trio en sol majeur BWV 1038 ; Prélude & Fugue en sol majeur BWV 550. Georg Kallweit, violon, alto. Tabea Höfer, violon. Walter Rumer, violone. Leo Van Doeselaar, orgue. Novembre-décembre 2021. Livret en allemand, anglais. TT 67’32. Raumklang RK 4104

Le Chant de la terre par François-Xavier Roth et Les siècles

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« Comment arrivera-t-on à diriger cela ? En avez-vous la moindre idée ? Moi pas ! »

François-Xavier Roth est parvenu, sans nul doute, à diriger l’œuvre « Le Chant de la Terre » de Gustav Mahler. Ce dernier, pourtant chef d’orchestre, prétendait qu’il ne saurait comment faire. La connivence entre l’orchestre Les Siècles, leur chef ainsi que des deux artistes lyriques, a permis au public présent au théâtre Raymond Devos de Tourcoing d’embrasser cette œuvre inouïe. 

« Le Chant de la Terre », n’est ni tout à fait une symphonie, ni tout à fait un cycle de lieder. Cette composition n’est pas non plus tout à fait romantique, ni tout à fait moderne. Elle semble atemporelle et inclassable. Les repères complètement évanouis nous amènent à entendre la musique pour elle-même. Ainsi, les timbres, les mélodies de timbres invitent à une sensorialité intense. La pensée et l’analyse nous quittent. Ce voyage auditif parmi les couleurs orchestrales nous emmène dans une quasi-méditation et, quelquefois, dans une totale ivresse auditive. A peine avons-nous apprivoisé un moment, un timbre, une impression, que l’on est emmené ailleurs. Le caractère éphémère et fugace de la musique est comme décuplé. Pour ne rien laisser s’échapper de ces moments fugitifs, l’auditeur se doit d’être pleinement présent. Cependant, ce flux met quelquefois hors de soi dans une sorte d’hypnose ou d’enchantement. Le contraste avec la première partie du concert, « Les Indes Galantes » est saisissant. Rameau, lui, nous laisse le temps d’entendre et de comprendre avec des répétitions de motifs, des formes et structures claires, des rythmes de danse sécurisants. 

Antonín Dvořák dans le Missouri 

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Antonín Dvořák (1841-1904) : Concerto pour violoncelle en si mineur, Op.104. B191 ; Klid, Op.68. N°5 ; Rondo en sol mineur, Op.94.B.181 ; Romance en fa mineur, op.11.B.39 ; Mazurek en mi mineur, Op.49.B.90.  Zara Nelsova, violoncelle ; Ruggiero Ricci, violon.  St Louis Symphony Orchestra, Walter Susskind. 1974. Livret en anglais. 63’18’’. VOX CD 3034 CD

Antonín Dvořák (1841-1904) : Concerto pour violon en la mineur, Op.53.B.108 ; Concerto pour piano en sol mineur, Op.33.B.63. Ruggiero Ricci, violon. Rudolf Firkušný, piano ; St Louis Symphony Orchestra, Walter Susskind. 1974 et 1975. Livret en anglais. 66’05’’. VOX NX 3035 CD