Christian Poltéra, Haydn, Hindemith et perspectives 

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Le violoncelliste Christian Poltéra a construit une discographie considérable tout en réussissant à imposer ses interprétations comme des références autant dans des grands classiques que dans des œuvres plus rares. Il fait paraître un album Haydn/Hindemith en compagnie du Münchener Kammerorchester qui revisite les partitions. Crescendo-Magazine rencontre ce musicien qui ne cesse d’aller de l’avant. 

Votre enregistrement comprend les deux concertos pour violoncelle de Haydn, auxquels s'ajoute la Trauermusik de Paul Hindemith (enregistrée ici dans sa version pour violoncelle et orchestre). Qu'est-ce qui vous a poussé à combiner des œuvres de ces deux compositeurs très différents ?

Le répertoire pour violoncelle et orchestre de chambre n'est pas très vaste. La plupart des chefs-d'œuvre pour violoncelle datent du XXe siècle et ont été composés avec de grands orchestres symphoniques. La Trauermusik de Hindemith est une exception de génie, écrite pour cordes seulement. La combinaison contrastée de Haydn et Hindemith m'a souvent satisfait lors de concerts et j'ai donc voulu les associer sur ce CD. 

Vous dirigez également l'orchestre. Était-il nécessaire d'enregistrer ces œuvres avec vous au violoncelle et au pupitre ? 

Je n'ai pas dirigé l'orchestre en tant que tel, j'ai simplement été chargé de nombreuses décisions stylistiques et musicales, et ce, non seulement avec le violon solo du Münchener Kammerorchester, mais aussi en dialogue avec tous les membres de l'orchestre. À mon avis, ces concertos de Haydn fonctionnent le mieux lorsqu'ils sont traités comme de la grande musique de chambre. 

Comment s'est passée votre rencontre avec le Münchener Kammerorchester qui est votre partenaire orchestral sur cet album ? 

J'ai connu l'orchestre lors de précédentes collaborations avant de m'engager à enregistrer ces œuvres majeures avec lui. L'orchestre n'est pas seulement brillant, il suit aussi, à mon avis, une voie très naturelle qui consiste à être informé sur le plan historique tout en étant un groupe flexible de musiciens couvrant un large éventail de répertoires. 

Pascal Vigneron, à propos d’une intégrale collective de l’oeuvre pour orgue de Messiaen 

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L’organiste Pascal Vigneron est le maître d'œuvre d’une intégrale au disque des partitions pour orgue de Messiaen enregistrée à la Cathédrale de Toul. Ce projet est particulier car il fédère des étudiants d’institutions d’enseignement musical qui se sont partagées les différentes pièces. Ce projet est aussi unique que novateur et il a une déclinaison belge car des étudiants de la classe d’orgue de Benoît Mernier au Conservatoire y ont pris part (Charlène Bertholet, Salomé Gamot, Laurent Fobelets, Damien Leurquin et Maria Vekilova). Crescendo Magazine s’entretient avec Pascal Vigneron qui nous présente les axes et les enjeux de ce projet qui fera date  

Vous avez initié ce projet d’une intégrale de l’oeuvre d’orgue d’Olivier Messiaen partagée par des élèves des institutions d’enseignement musical : Conservatoires nationaux supérieurs de Musique de Paris et de Lyon,  Schola Cantorum de Paris, des Conservatoires de Nancy et Saint-Maur, Musikhochschule de Stuttgart et Conservatoire royal de Bruxelles. Pourquoi avoir choisi l'œuvre de Messiaen spécifiquement comme dénominateur de cette aventure ?  

Olivier Messiaen fut captif à Toul en 1940. C'est là qu'il commença l'écriture du Quatuor pour la fin du Temps. Il me semblait qu'il n'y avait pas meilleur lien pour fêter les 800 ans de la cathédrale de Toul. C'est un événement majeur qui restera gravé pour  les temps à venir. Si la pierre marque notre empreinte sur notre planète, la musique reste présente dans nos âmes et dans nos cœurs. L'œuvre est essentiellement chrétienne, et catholique. A une période ou nombre de nos congénères sont perdus, ou troublés, il est toujours important de ressaisir nos racines, de les cultiver et de les faire perdurer. C'est dans cet esprit que l'enregistrement à été réalisé, grâce à la compréhension de la Ville et de son Maire.

Est-ce que les partitions pour orgue de Messiaen présentent des qualités pédagogiques particulières pour de jeunes instrumentistes ? 

Toute somme musicale ou artistique porte en elle même une pédagogie. Encore faut-il être ouvert aux messages inclus dans l'œuvre artistique. Dans l'écriture de Messiaen, les modes, les thèmes, les ambiances, les couleurs, le langage des oiseaux, les formes rythmiques, les évocations, sont tous des points de pédagogie. Il faut juste extraire ce que l'on veut apprendre et faire apprendre. Pour le langage des oiseaux, il est bon de se référer à des livres d'ornithologie, pour comprendre ce que veut dire l'oiseau, et ensuite le transposer dans son jeu. Ce n'est qu'avec une telle méthode que le mot pédagogie prend tout son sens. Mais les exemples sont multiples, et cette dite pédagogie s'adresse aussi bien à l'interprète qu'à l'auditeur. De plus, il y a des pièces qui s'adressent à tous les niveaux, ce qui est un plus pour former un jeune musicien.

Comment avez-vous fédéré toutes ces institutions musicales autour de ce projet ? Comment avez-vous “partagé” la répartition des œuvres en fonction des institutions et des étudiants ? 

La répartition s'est faite avec et grâce au concours des professeurs. Ils ont été tous sans exception enthousiastes d'un tel projet. Ensuite une fois ce partage établit, le contact n'en n'a été que plus facile avec chacun des jeunes organistes. La difficulté des pièces, les heures de travail ont été ainsi réparties pour que chaque individu puisse donner le meilleur de lui-même.

A Pesaro, Le Comte Ory triomphe d’Otello 

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Inauguré en août 1980, le Festival Rossini de Pesaro (ROF) présente, en ces jours-ci, sa 43e édition en ouvrant les feux avec Le Comte Ory, avant-dernière création lyrique du maestro et quatrième des ouvrages parisiens donnés à l’Académie Royale de Musique le 20 août 1828. A Pesaro, il n’a connu que quatre séries de représentations entre 1984 et 2009. Et la nouvelle production, présentée dans le vaste auditorium du Vitrifrigo Arena, est confiée à Hugo De Ana qui assume régie, décors et costumes. Plutôt que de nous immerger dans un Moyen-Age de carton-pâte, il a l’ingénieuse idée de nous entraîner dans le Jardin des Délices de Hieronymus Bosch en nous faisant passer par le Jardin d’Eden au début de chaque acte afin de faire miroiter en fond de scène le Lac avec la Fontaine de la Vie. De ce large triptyque se détacheront quelques éléments ‘en dur’ come l’Homme-arbre du Panneau de l’Enfer ou la tête de vieillard sortant d’une citrouille du volet central. Continuellement, le rire vous vient aux lèvres à la vue des dames de Formoutiers dont la coiffure fleurit sous forme de buisson ou du Comte Ory travesti en Moïse à barbe postiche qui se laisse guider par l’étoile-néon bleue d’un dancing pour affronter son page Isolier portant des tables de la loi phosphorescentes. Le salon gothique de l’acte II se métamorphose en terrain de sport où ces dames se livrent à l’aérobic avant de faire entrer les soi-disant pèlerines dans une cave qui tient d’une cuisine des anges en pagaille. Et c’est en trottinette électrique que la pseudo sœur Colette se rendra auprès de la vitrine de musée où un colibri tente de s’accoupler à un canard totalement avachi. Mais le célèbre trio « A la faveur de cette nuit obscure » réunissant Ory, la Comtesse et le page frise le ridicule avec les tentatives d’étreintes qu’entrave la grandeur des oiseaux empaillés. Mais qu’importe ! Le spectacle est continuellement émoustillant !

Et son dynamisme est amplifié par la baguette du chef vénézuélien Diego Matheuz qui dirige l’Orchestra Sinfonica Nazionale della RAI en faisant scintiller les pépites de l’orchestration géniale du dernier Rossini. Le Chœur du Teatro Ventidio Basso d’Ascoli Piceno s’adapte aisément à cette veine hilarante qui contamine aussi le plateau. 

Hans Rosbaud french touch depuis la Fôret noire 

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Hans Rosbaud conducts French Music. Claude Debussy (1862-1918) : Prélude à l’après midi d’un faune, “Nuages” et “Fêtes” extrait des Nocturnes, Marche écossaise, Berceuse héroïque, Jeux, La Mer ; Maurice Ravel (1875-1937) : Alborada del gracioso ; Ma Mère l’Oye ; Albert Roussel (1869-1937) : Concert pour petit orchestre, Op.34 ; Suite en fa, Op.33 ; Symphonie n°3, Op.42 ; Jacques Ibert (1890-1962) : Le chevalier errant ; Darius Milhaud (1892-1974) : L’homme et son désir, Op.48 ; Maurice Jarre (1924-2009) : Concertino pour percussions et cordes ; Olivier Messiaen (1908-1992) : Chronochromie ; Arthur Honegger (1892-1955) : Symphonie n°3”‘Liturgique” ; Marcel Mihalovici (1898-1985) : Symphonie n°2, op.66; Toccata, op.44.  Monique Haas, piano ; Südwestfunk-Orchester Baden-Baden, Hans Rosbaud. 1952-1962. Livret en anglais et allemand. 4 CD SWR Classic. SWR191115CD. 

Messiaen : exceptionnels Canyons aux étoiles

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Olivier Messiaen (1908-1992) : Des Canyons aux étoiles. Jean-Frédéric Neuburger, piano ;  Takénori Némoto, cor ; Adélaïde Ferrière, Xylorimba ; Florent Jodelet, Glockenspiel ; Orchestre de chambre Nouvelle-Aquitaine, Jean-François Heisser. 2021. Livret en français et anglais. 92’55. Mirare MIR 622.  

A Vérone, Zeffirelli toujours en tête d’affiche 

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Pour sa 99e édition, le Festival des Arènes de Vérone renoue avec la dimension spectaculaire qui a fait sa gloire en reprenant quatre des productions de Franco Zeffirelli. La saison 2022 s’est donc ouverte avec Carmen dont il avait présenté une première réalisation en juillet 1995, reprise six fois et remaniée en 2009. Aujourd’hui, divers cartons de la version originale non utilisés sont élaborés afin d’enrichir le coup d’œil sur la place de Séville et le paysage montagneux du troisième acte. Stefano Trespidi, proche collaborateur du régisseur disparu en juin 2019, se soucie en premier lieu de la fluidité de l’action en réduisant à une vingtaine de minutes tout changement de tableau, alors qu’est déployée, à l’avant-scène, une série de paravents de tulle coloré à la tzigane. 

Dès les premières mesures de l’Ouverture, interviennent les danseurs de la Compagnie Antonio Gades qui occupent les deux avant-scènes latérales en imposant leur présence jusqu’à la fin de la Habanera pour reparaître ensuite dans la taverne de Lilas Pastia puis exhiber un fandango sans accompagnement musical pour meubler la transition au dernier acte. Pour dynamiser l’action du tableau initial, l’on ne lésine pas sur les moyens car déambulent près de trois cents figurants et choristes revêtant les magnifiques costumes conçus par Anna Anni, jouant sur le jaune et bleu pour les uniformes de la garde descendante, le gris sombre pour les marchands, le blanc verdâtre pour les cigarières et leurs soupirants, tandis que les teintes vives sont réservées aux premiers plans. Au cœur de cette foule bigarrée, deux ou trois ânes, et une calèche où se cache Micaëla ouvrent le chemin qu’emprunteront, au quatrième acte, les coursiers caparaçonnés des quadrilles de la corrida. Même si est frisée l’exagération par cette multitude de comparses peuplant l’auberge ou le refuge des contrebandiers, le regard du spectateur tente néanmoins de se concentrer sur les ressorts dramatiques de l’action habilement ficelée.

Quant à la partition géniale de Georges Bizet, elle est mise en valeur par la direction de Marco Armiliato qui, sciemment, opte pour la version originale française avec les récitatifs chantés concoctés par Ernest Guiraud, tout en sachant mettre ensemble les éléments épars d’un si vaste plateau et en évitant tout décalage, ce qui tient de la prouesse. Il faut saluer aussi la remarquable cohésion du Coro dell’Arena, soigneusement préparé par Ulisse Trabacchini. La distribution vocale est dominée par la Carmen d’Elina Garanca qui, pour les soirs des 11 et 14 août, succède à Clémentine Margaine et à J’Nai Bridges. Usant d’une diction parfaite, sa bohémienne est la véritable bête de scène qui se joue de l’existence avec panache, tout en raillant par de sarcastiques ‘taratata’ son amant à peine sorti de prison puis en osant affronter un destin adverse avec un aplomb invraisemblable. Ne lui cède en rien le José du ténor américain Brian Jadge qui est en mesure de conclure « La fleur que tu m’avais jetée » sur un pianissimo soutenu, alors que son personnage est aussi touchant que sa fin tragique est pitoyable. Claudio Sgura compte sur la brillance de l’aigu délibérément tenu pour donner consistance à son Escamillo, bellâtre bien fruste. Maria Teresa Leva s’ingénie à camper une Micaëla qui gomme la connotation ‘oie blanche’ du rôle pour assumer la légitimité d’un grand lyrique à l’indéniable musicalité. Le plateau est complété adroitement par Daniela Cappiello et Sofia Koberidze, pimpantes Frasquita et Mercédès, Nicolò Ceriani et Carlo Bosi, sardoniques Dancairo et Remendado, et Gabriele Sagona et Biagio Pizzuti, Zuniga et Moralès engoncés dans leurs uniformes.

Haydn revisité et en perspective par Christian Poltéra

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Joseph Haydn (1732-1809) : Concerto pour violoncelle n°1 en Ut Majeur, Hob.VIIb:1  : Concerto pour violoncelle n°2 en Ré majeur, Hob.VIIB:2 ; Symphonie n°13 en Ré majeur, Hob I:13 ("Adagio" ; Paul Hindemith (1895-1963) : Trauermusik pour violoncelle et orchestre à cordes. Münchener Kammerorchester, Christian Poltéra. 2021. Livret en anglais, allemand et français. 61’20’.’ BIS-2507.

Résultats de la Finale de la Deuxième édition du Concours International de Chefs d’Orchestre d’Opéra à Liège

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Le Concours International de Chefs d’Orchestre d’Opéra s’est clôturé ce dimanche 21 août. Avant de commencer le concert, le Président du jury, Pedro Halffter, et le Directeur Général de l’ORW, Stefano Pace, ont une nouvelle fois remercié et félicité chaleureusement l’Orchestre, les Chœurs et les solistes pour leur professionnalisme et le talent dont ils ont fait preuve lors de l’ensemble des épreuves du Concours. En outre, ils ont permis au jury de se faire une idée concrète de l'interprétation voulue par les différents candidats.

Lors de cette dernière journée, les trois finalistes se sont illustrés dans un des actes des trois opéras choisis par le jury. Lors de cette Finale, Luis TORO ARAYA a dirigé le deuxième acte de La Bohème (Puccini), Dayner TAFUR DIAZ a dirigé le premier acte de Pêcheurs de perles (Bizet) et Giulio Cilona a dirigé le deuxième acte de La Traviata (Verdi).

Après cette dernière journée musicale riche en émotions pour les artistes et le public, venu en nombre pour assister au dénouement de cette compétition, le jury s’est retiré pour délibérer.

Voici le palmarès de la deuxième édition du Concours International de Chefs d’Orchestre d’Opéra :

Dayner TAFUR DIAZ (Pérou, 1998), largement applaudi et plébiscité par le public mais aussi par les artistes présents sur scène, obtient le Premier Grand Prix : 10.000 € ainsi qu'une invitation à diriger une production d’opéra à l’Opéra Royal de Wallonie-Liège lors de la saison 2023-2024.
Giulio CILONA (États-Unis et Belgique, 1995) obtient le Deuxième Prix : 4.000 € ainsi qu’une invitation à diriger un spectacle à destination du jeune public à l’Opéra Royal de Wallonie-Liège lors de la saison 2022-2023.
Luis TORO ARAYA (Chili, 1995) obtient le Troisième Prix : 2.000 € ainsi qu’un contrat d'assistant à la direction musicale sur une production d'opéra à l’Opéra Royal de Wallonie-Liège.

Rendez-vous début 2025 pour la Troisième édition du Concours International de Chefs d’Orchestre d’Opéra.