Toscanini : la légende et le paradoxe (III)

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Crescendo-Magazine reprend en quatre parties un dossier Toscanini rédigé par Bernard Postiau et publié dans ses numéros papiers. 

Le répertoire

Parce qu’il ne dirigea pas beaucoup de musique « contemporaine », on entend souvent aujourd’hui que le répertoire de Toscanini était limité. C’est qu’on oublie une chose : les musiciens contemporains de Toscanini, ce sont Verdi, Puccini, Boito, Mascagni, Mahler, Martucci, Richard Strauss. Et, hormis Mahler, il les défendit abondamment et avec la même conviction que Beethoven ou Brahms. Un Richard Strauss ne paraît plus « moderne » aujourd’hui mais il faut se souvenir que Toscanini avait déjà 38 ans quand fut créée Salomé – qu’il voulut représenter pratiquement dès sa création, un projet laissé hélas sans suite –, pour ne rien dire de ses ouvrages de la maturité, une musique après tout aux antipodes de la sensibilité de l’Italien. Le répertoire de Toscanini, ce fut un total impressionnant, que son exceptionnelle longévité n’explique pas entièrement, de 117 opéras de 53 compositeurs et environ 480 oeuvres orchestrales de 175 compositeurs, soit près de 600 oeuvres de 190 compositeurs différents, selon les chiffres de Mortimer H. Frank. Le premier musicien qui compta fut bien sûr Verdi, celui, peut-être, qui le convainquit de consacrer sa vie à la musique. Ce fut ensuite Wagner, qu’il vénéra toute sa vie ; Beethoven, Verdi et Wagner sont probablement les trois musiciens qu’il servit le plus. Pourtant, son très large répertoire témoigne d’un curiosité presque sans bornes : dès le tout début des années 1900, il mit à son répertoire des oeuvres aussi récentes – alors – que la  Symphonie n°2 de Martucci, En Saga de Sibelius, Mort et Transfiguration de Richard Strauss, les Variations Enigma de Elgar, le Prélude à l’après-midi d’un faune de Debussy. Il exécra Mahler pour des raisons, au moins en partie, très personnelles et indépendantes de la musique mais n’eut jamais d’attrait véritable pour Tchaikovskï ou Dvořák  dont il joua pourtant des pages à l’époque peu connues, comme la Symphonie Manfred du premier ou les Variations symphoniques du second. Diriger Pelléas et Mélisande fut l’un des grands rêves de sa vie à une époque où cette musique si neuve provoquait de violentes levées de bouclier. Il prépara l’ouvrage avec la bénédiction de Debussy à défaut de sa présence, qui lui écrivit : « Je remets le destin de Pelléas entre vos mains, sûr que je suis de ne pouvoir souhaiter personne de plus loyal ni de plus compétent. Voilà aussi pourquoi j’aurais aimé travailler dessus avec vous ; c’est une joie que l’on ne rencontre pas souvent sur les sentiers de notre art. » L’influence de Toscanini fut fondamentale dans la redécouverte, en Italie, d’un répertoire bien oublié. Son attache avec des créateurs comme Boïto, par exemple, fut également profonde et il tint à créer personnellement l’oeuvre ultime de son ami : Nerone, dont la première eut lieu six ans après la mort du compositeur, le 1er mai 1924. Pour finir, une simple énumération, presque au hasard, de tant de compositeurs et d’oeuvres « inattendus » en disent plus que bien des commentaires et relativisent le soi-disant éclectisme de bien des chefs d’aujourd’hui : d’Indy (Istar), Raff (3e Symphonie), Bloch (Trois poèmes juifs), Roussel (Le festin de l’araignée), Roger-Ducasse (Sarabande), De Sabata (Juventus), Stravinsky (Feux d’artifice, Petrouchka), et encore Bruckner, Atterberg, Vaughan Williams, Wolf Ferrari, Kalinnikov, Liadov, Gershwin, Copland, Creston, Gould, Loeffler, etc., etc. 

Intégrale de l’œuvre pour piano seul de Mendelssohn  par Howard Shelley, volume 5

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Felix Mendelssohn (1809-1847) : Variations sérieuses en ré mineur op. 54 ; Six Kinderstücke « Morceaux de Noël », op. 72 ; 2 Kinderstücke ; Variations en mi bémol majeur op. 82 ; Gondellied en la majeur WoO10 ; Romance sans parole en fa majeur « An Fräulein Doris Loewe » ; Lied en ré majeur ; Variations en si bémol majeur op. 83 ; Trois Préludes op. 104a ; Trois Etudes op. 104b ; Romances sans paroles, Livre VI, op. 67. Howard Shelley, piano. 2019. Notice en anglais, en français et en allemand. 79.00. Hypérion CDA68344.

Le festival de Menton 2021

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Le Festival de Menton 2021 prend ses quartiers sur le Parvis de la Basilique Saint-Michel Archange, joyau de l'art baroque, perché au-dessus de la vieille ville de Menton, face à la mer, sous un ciel étoilé. L’ambiance est unique et le public est heureux de retrouver une vraie édition complète après celle de 2020 raccourcie mais maintenue malgré tout. 

De cette édition, nous retenons deux axe : les stars confirmées et les jeunes talents, avec parfois un mix des deux à l’image de ce concert d’ouverture nommé “Générations” où l’on retrouve avec bonheur le merveilleux pianiste Alexandre Tharaud et on découvre le jeune Quatuor Arod. On se régale avec un programme très intéressant allant de Rameau à Franck en passant par Haydn. Alexandre Tharaud joue les Suites de Rameau, écrites pour clavecin, sur un piano de concert Yamaha, tout en respectant scrupuleusement le style et l'écriture de Rameau. La sonorité du piano est plus flatteuse pour l'oreille et le public est transporté.

Le Quatuor Arod interprète magistralement le Quatuor n°1 en sol majeur op.76, Hob.III 75 de Haydn. En consultant les archives du Festival on constate que le Quatuor Vegh avait joué le même quatuor au premier concert du Festival il y a 72 ans. Si les murs de la Basilique pouvaient parler... Le Quintette avec piano de César Franck est une partition puissante et dramatique, un chef d'oeuvre de la musique romantique. Avec Tharaud et le Quatuor Arod, on vit un moment chargé d'émotions. C'est intense, passionné, lyrique, fougueux, somptueux.

Le mélange des générations s’illustre également avec le récital du jeune violoniste Théotime Langlois de Swarte accompagné par rien moins que William Christie au clavecin. Ils proposent le programme de leur dernier album dédié au bien oublié Jean-Baptiste Senaillé. Il est émouvant de voir la musique éclore ainsi sous l'œil bienveillant et attentionné du grand William Christie.  

Troisième Livre de Marais : encore un sommet pour l’intégrale en cours de François Joubert-Caillet

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Martin Marais (1656-1728) : Troisième Livre de Pièces de Viole. François Joubert-Caillet, basse de viole. L’Achéron. Sarah van Oudenhove, Robin Pharo, basse de viole. Miguel Henry, théorbe, guitare. André Heinrich, théorbe. Philippe Grisvard, clavecin. Livret en français, anglais, allemand. Septembre 2017, septembre 2018, mai 2019. TT 56’16 + 75’42 + 62’53 + 64’30. Ricercar RIC 424

Quelques nouvelles partitions chez Symétrie, Bärenreiter et Henle

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Charles Bordes (1863-1909) : Romances sans paroles –  Éditions Symétrie - ISMN 979-0-2318-0855-1

Les éditions Symétrie nous reviennent avec deux superbes ouvrages de Charles Bordes (1863-1909) et Yves Castagnet (°1964). Pour voix moyenne et piano, les Romances sans paroles de Charles Bordes -compositeur français né en Touraine, membre fondateur de la Schola Cantorum- est un cycle de quatre mélodies composées entre 1886 et 1895 sur des poèmes de Verlaine. D’une durée approximative de dix minutes, ces quatre miniatures parurent d’abord séparément avant d’être réunies ici sous la houlette de Jean-François Rouchon et Michel Tranchant qui en signent l’édition critique. La raison ? « Souligner la convergence sur le plan poétique ».  Quelques mesures suffiront pour découvrir la richesse expressive de chacune de ces mélodies. L’accompagnement est délicat, la ligne mélodique juste épurée, douce et toujours en corrélation avec la signification poétique du texte. 

Dixième volet du Projet Haydn 2032 d’Antonini : Les Heures du jour

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Franz Joseph Haydn (1732-1809) : Symphonies n° 6 en ré majeur « Le Matin », n° 7 en do majeur « Le Midi » et n° 8 en sol majeur « Le Soir » Hob. I :6 à 8. Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791) : Sérénade n° 6 en ré majeur K. 239 « Serenata notturna ». Il Giardino Armonico, direction Giovanni Antonini. 2019. Notice en anglais, en français et en allemand. 78.36. Alpha 686.

Cantigas de Santa Maria : stimulante compilation rééditée par la Capella de Ministrers

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Alfonso X El Sabio (1221-1284) : Cantigas de Santa Maria 18, 29, 41/119, 76, 99, 105, 132, 139/183, 159, 166, 167, 173, 189, 192, 193, 205, 212/12, 265, 339. Carles Magraner, Capella de Ministrers. Livret en espagnol, valencien, anglais ; paroles des chants en langue originale et traduction trilingue. Enrgmts 2003-2018, rééd. 2021. TT 67’53. CdM 2150