Toscanini : la légende et le paradoxe (II)

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Crescendo-Magazine reprend en quatre parties un dossier Toscanini rédigé par Bernard Postiau et publié dans ses numéros papiers. 

New York, Milan... et New York

En février 1908, Toscanini et Gatti-Casazza sont pressentis pour prendre la direction du Metropolitan, après dix ans d’une direction commune et parfois houleuse à la Scala. Cette promotion n’est pas au goût de bien des artistes de la célèbre maison new yorkaise : depuis sa fondation, un quart de siècle plus tôt, les Allemands y tiennent le haut du pavé et, surtout, on ne connaît que trop le caractère irascible du petit Italien. Pour sa part, Mahler, qui y dirige depuis la saison 1907-1908, pense tout d’abord s’accomoder facilement de cette concurrence et estime avec raison que Toscanini pourrait prendre en charge l’opéra italien tout en se réservant l’opéra allemand. C’est mal connaître le bel Arturo qui n’a en aucune façon l’intention de lâcher ne fût-ce qu’une bribe du répertoire international qu’il a interprété en Italie ; les heurts entre les deux hommes éclateront à propos de Tristan. Ce conflit révélera la réelle malveillance que pourra éprouver Toscanini à l’égard de ses rivaux, quoi qu’en disent bien des biographies, même parmi les plus fiables, qui n’hésitent pas à travestir complètement les faits pour défendre leur héros envers et contre tout. 

Après quelques années d’immenses succès ponctués de rivalités homériques, le maestro décide de démissionner, pour des raisons qui tiennent autant à la discipline, selon lui insuffisante, et au « star system » prôné par la maison, qu’à sa liaison houleuse avec Géraldine Farrar, un des piliers du Met, artiste plus que talentueuse, femme d’une grande beauté, maîtresse exigeante qui mettra le don Juan au pied du mur : « ta femme ou moi ». Ce sera la fin de l’aventure, mais Toscanini conservera des liens d’amitié avec la séduisante Américaine. 

Après sept saisons passées au Met, et malgré les multiples tentatives de la direction pour le garder, Toscanini tournera le dos, définitivement, à l’institution. 

La période 1915-1920 est à coup sûr la plus étrange de sa carrière. L’Italie vient d’entrer en guerre et Toscanini, à peine « rentré au bercail », se prend de passion pour cette lutte absurde. Il prend l’initiative de nombreux concerts au profit des oeuvres de guerre, puise dans ses ressources, finit par diriger une musique militaire. Sa participation à la bataille de Monte-Santo fait partie de la légende dorée du chef. Le New York Times du 3 septembre 1917 relate : « En plein combat, au plus fort du barrage d’artillerie autrichien, M.Toscanini s’est installé avec ses hommes sur l’une des positions avancées où, abrités seulement par un pan de roc, ils ont joué sans désemparer jusqu’à ce qu’on vienne l’avertir que les soldats italiens, entraînés par la musique, avaient attaqué et occupé les tranchées autrichiennes ». 

Mais les désastres ultérieurs de Caporetto et de la Piave, et surtout la mort d'Arrigo Boito, lui sont une dure épreuve et, sans doute, la cause essentielle d’une longue période de dépression dont il ne sortira vraiment qu’en 1920 et au cours de laquelle il rencontre le journaliste Benito Mussolini. Devant la misère engendrée par la guerre et les proclamations mégalomanes du futur Duce, Toscanini se laisse convaincre, rejoint le mouvement fasciste, devient un militant fervent. Heureusement pour lui, les rapides exactions, violences et atteintes à la liberté dont se rendra coupable l’homme de la marche sur Rome lui feront rapidement ouvrir les yeux. Il passera alors très vite dans l’autre camp... dans lequel il s’engagera avec autant de passion. 

Huitième Symphonie de Widor : interprétation cursive et décantée, à Saint-Sernin

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Charles-Marie Widor (1844-1937) : Huitième Symphonie, en si majeur, Op. 42 no 4. Joseph-Guy Ropartz (1864-1955) : Prière (extrait des Six Pièces). Camille Saint-Saëns (1835-1921) : Cyprès (extrait de Cyprès et Lauriers, en ré mineur Op. 156). Jean-Baptiste Dupont, orgue de la basilique Saint-Sernin de Toulouse. Novembre 2019. Livret en allemand, anglais, français. TT 54’28. Audite 97.774

Festival de Peralada : un anniversaire au programme resserré

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Le Festival “Castel de Peralada” fondé en 1987 près de Figueras, dans le nord de la Catalogne, a proposé cette année une programmation resserrée et élaborée en tenant compte des contraintes imposées par le Corona. Le programme était étalé sur trois semaines, du 16 juillet au 1 août , principalement sur trois week ends, et le nombre des spectateurs réduit : 700 places à l’Auditorium, un espace de plein air, et 160 personnes à l’Eglesia del Carme au lieu de 300.

Comme chaque année, le programme proposait des spectacles de ballet -cette année le Béjart Ballet Lausanne-, des récitals lyriques avec, entre autres, le ténor Benjamin Bernheim, et des opéras en versions concertantes ou scéniques tel l’Orlando de Hândel avec le contre-ténor Xavier Sabata et Tosca de Puccini avec Sondra Radvanovsky, Jonas Kaufmann et Carlos Alvarez dirigés par Nicola Luisotti, une soirée venue en droite ligne du Teatro Real de Madrid.

J’avais choisi le dernier week end : un récital lyrique par l’éblouissante jeune soprano norvégienne Lise Davidsen, et Aminta et Fillide, une cantate de jeunesse de Händel présentée en théâtre vivant par William Christie et les voix fraîches des Arts Florissants. Pour couronner le Festival, le “Gala lyrique” en célébrait le 35e anniversaire.

Hélas, les circonstances en ont décidé autrement. Lise Davidsen, engagée cet été à Bayreuth pour Tannhäuser et Die Walküre, devait faire un aller-retour Allemagne-Espagne mais en décida finalement autrement : pas de récital à Peralada cet année ! Pas de Händel par les Arts Florissants non plus, du moins pour moi, car l’Eglesia del Carme ne pouvait contenir qu’un public restreint et je n’en fus pas. Dommage.

Composition musicale et condiments peuvent-ils faire bon ménage ?

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Jerzy Gablenz (1888-1937) : Concerto pour piano et orchestre en ré bémol majeur op. 25. Ignacy Jan Paderewski (1860-1941) : Fantaisie polonaise sur des thèmes originaux pour piano et orchestre op. 19. Jonathan Plowright, piano ; BBC Scottish Symphony Orchestra, direction Łukasz Borowicz. 2021. Notice en anglais, en français et en allemand. 66.27. Hypérion CDA68323.

Un précieux coffret de six CD pour le souvenir du violoniste Louis Kaufman

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Ernest Chausson (1855-1899) : Concert pour violon et quatuor à cordes op. 21. Camille Saint-Saëns (1835-1921) : Concerto pour violon et orchestre n° 3 op. 61 ; Havanaise op. 83. Bohuslav Martinú (1890-1959) : Sonate pour deux violons et piano H.123 ; Cinq Pièces brèves pour violon et piano H. 184. Richard Strauss (1864-1949) : Sonate pour violon et piano. Frederick Delius (1862-1934) : Sonate pour violon et piano n° 1. Darius Milhaud : Danse de Jacarémirim pour violon et piano op. 26 ; Concerto pour violon et orchestre n° 2 op. 63. Felix Menfdelssohn-Bartholdy (1809-1847) : Concerto pour violon et orchestre op. 64. César Franck : Sonate pour violon et piano. Samuel Barber (1910-1981) : Concerto pour violon et orchestre op. 14. Aaron Copland (1900-1990) : Sonate pour violon et piano. Robert Russell Bennett (1894-1981) : A Song Sonata, pour violon et piano ; Hexapoda, cinq études pour violon et piano. Camargo Guarnieri (1907-1993) : Sonate pour violon et piano n° 2. Quincy Porter (1897-1966) : Sonate pour violon et piano n° 2. Antonio Vivaldi (1678-1741) : Les Quatre Saisons ; Concertos pour violon et orchestre RV 178 et 332 ; Concerto pour deux violons et orchestre RV 513….Louis Kaufman, violon ; Peter Rybar, violon ; Artur Balsam, Pina Pozzi, Theodore Saidenberg, Paul Ulanowsky, Hélène Pignari, Aaron Copland et Robert Russell Bennett, piano ; Quatuor Pascal ; Orchestre Philharmonique Néerlandais, direction Mauritz van der Berg et Otto Ackermann ; Orchestre National de la Radiodiffusion française, direction Darius Milhaud ; Musical Masterpieces Symphony Orchestra, direction Walter Goehr ; The Concert Hall Orchestra, direction Henry Swoboda ; Orchestre symphonique de Winterthur, direction Clemens Dahindens. 1940-1954. Notice en allemand et en anglais. 414.30. Un coffret de six CD Profil Hänssler PH21019.