Prise de rôle de Cecilia Bartoli... rencontre
Prise de rôle de Cecilia Bartoli à Salzbourg
Lors du Festival de Pentecôte de Salzbourg dont elle est la directrice artistique, Cecilia Bartoli prendra le rôle-titre dans l'Iphigénie en Tauride de Gluck aux côtés de Christopher Maltman (Oreste), Topi Lehtipuu (Pylade), Michael Kraus (Thoas), Rebeca Olvera (Diana), le Coro della Radiotelevisione Svizzera, Lugano, I Barocchisti sous la direction de Diego Fasolis. La mise en scène est confiée à Moshe Leiser et Patrice Caurier, les décors et costumes à Christian Fenouillat et Agostino Cavalca. Parallèlement sera donnée la pièce de Goethe basée sur l'Iphigénie en Tauris d'Euripide.
L'opéra de Gluck sera repris au Festival de Salzbourg du 19 au 28 août avec la même distribution, sauf le rôle de Pylade qui sera incarné par Rolando Villazon.
A l'occasion de cette prise de rôle, Cecilia Bartoli se confie :
Qu'est-ce qui unit Cléopâtre, Norma, Cenerentola et Iphigénie?
Cecilia Bartoli étudie les mouvements des destins avec passion.
Un entretien avec Cecilia Bartoli à propos de ses débuts dans le rôle-titre d'Iphigénie en Tauride de Christoph Willibald Gluck.
Mme Bartoli, ...
- ... qu'est-ce qui vous fascine dans le destin de l'héroïne antique et dans le rôle de l'Iphigénie de Gluck?
C'est le traitement des mots, le parfait équilibre du texte et de la musique, la représentation convaincante de la figure humaine, qui n'est pas une froide statue grecque mais une femme emplie de doutes et de sentiments. Et bien sûr, je me réjouis du défi que représente un premier rôle, en particulier en langue française, et de retrouver un compositeur que j'aime particulièrement. Je reviens toujours à Gluck mais c'est la première fois que j'ai la chance d'incarner sur scène un grand rôle de ce compositeur.
- Comment Iphigénie en Tauride de Gluck s'intègre-t-il dans votre programmation ?
J'essaie d'insérer l'oeuvre dans la logique interne du Festival de Pentecôte. Dès le début, ma préoccupation centrale était d'axer le programmation sur de grandes figures féminines -à bien des égards mythiques ou héroïques- d'autant plus que c'est la première fois qu'une femme assure la direction artistique du festival. Les opéras programmés au cours des dernières années proposaient des contrastes d'atmosphères. Pour le dire en termes d'opéra italien : operas semi-seria, tragedia lirica et commedia. Maintenant, nous avons aussi une tragédia-opéra classique, aimée par les Français, avec Iphigénie pour figure centrale ; pour moi, le moment semblait idéal.
Actuellement, les opéras de Gluck sont plus fréquemment montés. Avec les découvertes interprétatives des dernières décennies et une série de chanteurs exceptionnels qui disposent de fortes capacités dramatiques, nous avons réalisé que ces œuvres ne sont pas seulement belles, mais aussi théâtralement très intéressantes en tant que drames musicaux. Mon souhait serait d'en étendre les canons et de jouer également les opéras et les comédies italiennes de Gluck -pas seulement les oeuvres du Gluck réformateur du genre.
- Vous êtes également familière des œuvres antérieures de Gluck et avez enregistré un album avec, entre autres, ses arias italiens. Quel est le lien entre ces derniers et son œuvre tardive telle Iphigénie en Tauride ?
Mon souci a toujours été -et pour cette découverte je suis encore vraiment reconnaissante à Nikolaus Harnoncourt- de démontrer qu'un grand artiste ou chef-d'œuvre apparaît rarement comme un météorite tombé dans le sable du désert. Pendant longtemps on le pensait parce qu’on n’étudiait pas l'environnement de ces compositeurs. Après tout, sans Gluck, Haydn et Salieri, il n'y aurait pas eu Mozart, pas de bel canto sans baroque, aucune réforme de l'opéra de style classique sans le très artificiel et virtuose opera seria.
C'est le même phénomène qui se produit au sein d'une oeuvre artistique, et chez Gluck en particulier. Il est fascinant de suivre la façon dont il prend possession de matériaux d'oeuvres antérieures et les remodèle pour réaliser quelque chose de tout à fait nouveau et différent, selon son concept de changement du drame musical. Mais on sent encore et on reconnaît l'original.
Quel type de femme incarne pour vous l'Iphigénie de Gluck ?
Les Iphigénie nous sont familières par le théâtre de Goethe : elle est enracinée dans l'idéal de l'héroïne grecque classique. Sa figure semble plutôt statique et elle répond passivement, soumise aux caprices du destin. Les caractères de son frère Oreste, son ami Pylade et le roi Thoas, apparaissent et font avancer l'action. L'Iphigénie de Goethe se caractérise avant tout par son honnêteté. En revanche, l'Iphigénie de Gluck semble plus vivante, plus passionnée, et finit même par se rebeller contre l'autorité du roi Thoas.
J'ai hâte de travailler avec Moshe Leiser et Patrice Caurier: ils connaissent très bien l'oeuvre et je peux imaginer que notre Iphigénie ne sera ni prêtresse inféodée et résignée. Et je vais révéler clairement les traits de son caractère fort. Je ne souhaite pas en dire beaucoup plus à ce stade. En tout cas, la nouvelle production sera un voyage de découverte pour nous et pour le public de Salzbourg!