Roberto Forés Veses, chef d’orchestre engagé
Directeur musical de l’Orchestre national d’Auvergne basé à Clermont-Ferrand, Roberto Forés Veses fait paraître un programme contemporain consacré à deux premières mondiales de Betsy Jolas et Thierry Escaich pour « Orchestre national d’Auvergne Live », le label digital de l’orchestre. La phalange auvergnate ne cesse de s’affirmer comme l’un des orchestres les plus innovants et dynamiques de la scène hexagonale.
Cette septième parution d’Orchestre national d’Auvergne Live depuis son lancement en janvier 2019 est consacrée à deux oeuvres de notre temps. En quoi défendre la musique contemporaine est-il important pour vous ?
C’est plus qu’une importance, c’est une obligation ! J’ai toujours considéré la défense du répertoire contemporain comme un devoir. De plus, l’Orchestre national d’Auvergne est une formation de chambre avec des instruments et cordes et le répertoire de base pour cette spécificité instrumentale n’est pas très large ; dès lors, il est important d’élargir notre fond d’oeuvres par la création contemporaine. De plus, cette mise en avant du répertoire de notre temps est également un vecteur pour identifier internationalement l’orchestre.
Comment avez-vous eu l’idée de programmer ces deux oeuvres. Comment s’est passée votre découverte de ces deux compositeurs ?
Je connaissais la musique de Thierry depuis de nombreuses années. Déjà en 2012, j'avais dirigé l’orchestre dans son Erinnerung pour orchestre à cordes. En 2017, nous avons joué le Concerto pour orgue de Poulenc à l’Auditorium de Lyon et nous avons donc fait connaissance. Cette rencontre a débouché sur sa résidence comme compositeur auprès de l’Orchestre national d’Auvergne avec, entre autre, l’enregistrement live de son Prélude symphonique.
Pour Besty Jolas, je n’avais pas encore dirigé sa musique mais je connaissais sa très grande réputation et sa forte notoriété dans le monde anglo-saxon. Il se trouve que la nouvelle directrice du Festival « Musique démesurée » de Clermont-Ferrand, la compositrice Sophie Lacaze, voulait mettre à l’honneur des compositrices et elle a suggéré le nom de Betsy Jolas. Dès lors, ces discussions ont débouché sur la co-commande de Side Roads pour violoncelle et orchestre à cordes avec l’Orchestre de chambre de Suède. Je suis très heureux d’en présenter le premier enregistrement mondial en compagnie d’Anssi Karttunen.
Orchestre national d’Auvergne Live est un label exclusivement numérique. Quelle est pour vous l’importance de ce vecteur ?
C’est une manière de toucher le public à travers le monde. Un orchestre à cordes est une nomenclature instrumentale assez spécifique et le vecteur numérique nous offre l’opportunité de faire connaître la qualité et le répertoire de l’orchestre tout en renforçant notre notoriété internationale.
Vous êtes directeur de l’Orchestre national d’Auvergne depuis 2012. Avec l’orchestre vous avez mené des tournées à travers le monde, enregistré de nombreux disques, si bien que la phalange auvergnate est reconnue internationalement. Qu’est-ce qui fait la spécificité de cet orchestre ?
La force de cet orchestre, c’est l’humilité ! Certes nous avons joué des dizaines de fois la Sérénade de Tchaïkovski et cependant, à chaque nouvelle interprétation, je ressens une même envie de toujours faire mieux et de toujours aller plus loin en approfondissant. Cette humilité est le moteur du travail qui nous fait avancer.
Le répertoire de base pour un orchestre à cordes n’est pas foncièrement important, du moins en terme de quantité d’oeuvres à explorer. Comment travaillez-vous le répertoire avec votre orchestre ?
Nous cherchons un équilibre entre ce que le public connaît et ce que nous lui faisons découvrir. Notre répertoire de base comporte un certain nombre de chefs d’oeuvre auxquels les auditeurs s’attendent : les sérénades de Tchaïkovski et de Dvořák, Souvenir de Florence de Tchaïkovski, le Divertimento de Bartók, la Nuit transfigurée de Schönberg. D’un autre côté nous proposons des oeuvres plutôt méconnues. Ce rôle de défricheur nous motive et nous permet de maintenir une grande vivacité.
Comment recherchez-vous ces oeuvres inconnues ou méconnues ?
Internet est une banque de données inépuisable ! Je recherche à 360°, y compris des compositeurs qui sont peu connus, à l’image du Suédois Kurt Atteberg. Mais en cherchant dans le répertoire pour orchestre à cordes, on trouve des oeuvres magnifiques, de véritables petits bijoux comme le Concerto pour cordes de Nino Rota.
Le Premier Ministre français vient d’annoncer des perspectives de déconfinement pour le monde de la culture. Quand espérez-vous reprendre ?
Nous espérons commencer vers la mi-juin. Dans un premier temps, nous envisageons des concerts en streaming live. Mais ces projets sont bien sûr dépendants de la situation et des directives des autorités.
Le site de Roberto Forés Veses : https://robertofores.com/
Le site de l'Orchestre national d'Auvergne : www.orchestre-auvergne.com
A écouter :
Besty Jolas : Side roads for cello and string orchestra ; Thierry Escaich : Prélude symphonique pour orchestre à cordes. Anssi Karttunen, violoncelle. Orchestre national d’Auvergne, Roberto Forés Veses. (Parution le 5 juin, mais disponible en précommande).
Crédits photographiques : Ludovic Combes
Propos recueillis par Pierre-Jean Tribot
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