Saò Soulez-Larivière, l’alto conquérant 

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Saò Soulez-Larivière avait été le jeune artiste 2023 des International Classical Music Awards. Le jeune musicien est l’invité d’une tournée de concerts Rising Star organisée par l’association européenne des grandes salles de concert ECHO (dont le Palais des Beaux-Arts de Bruxelles) où il sera en concert le 1er décembre prochain. En prélude à ce concert, Saò Soulez-Larivière s’entretient avec Crescendo Magazine. 

Vous êtes en tournée dans le cadre du programme Rising Star des grandes salles de concerts européennes avec un programme audacieux qui ressemble à une carte postale des XX et XXI siècles avec des œuvres de Ligeti, Reich, Hindemith, et une création de Julia Wolfe. L’alto est-il un instrument du futur ?

Absolument ! L’alto est particulièrement adapté à l’avenir : sa voix riche et profonde continue d’inspirer des œuvres audacieuses et expérimentales. C’est un instrument qui met au défi les auditeurs et repousse les limites de notre perception du son. Contrairement au violon ou au violoncelle, l’alto ne dispose pas d’un répertoire aussi vaste des siècles précédents, ce qui rend d’autant plus important de soutenir les compositeurs contemporains. Avec des œuvres comme Cloth de Julia Wolfe au programme, j’espère montrer comment l’alto peut être une voix puissante du XXIe siècle.

Au programme, il y a une création de Julia Wolfe. pouvez-vous nous en parler ? 

Je suis ravi de présenter en première Cloth de Julia Wolfe, une œuvre qu’elle a spécialement écrite pour moi et pour cette tournée ECHO. La pièce explore le son comme une expérience physique, presque tactile, et non pas comme une expérience unique, grâce à la présence de 8 autres « moi » qui se rejoignent par l’intermédiaire de haut-parleurs! L’alto devient une force vibrante et texturée, tissant des couches de son comme des fils sur un métier à tisser. Jouer Cloth, c’est comme entrer dans un espace où le son devient tangible, et je suis très heureux de partager cette œuvre extraordinaire avec le public.

Il y a également au programme,  la Sonate de Hindemith, un grand classique de votre instrument. Hindemith est un compositeur qui a toujours un peu peur et que le grand public associe à une image rigide. Comment casser ce cliché ?


Hindemith était un brillant compositeur et altiste, mais il était aussi enjoué, chaleureux et plein d’humour. Il avait un grand sens d’humour, comme en témoignent ses caricatures de sa femme Gertrud, qu’il représentait souvent sous les traits d’une lionne, son signe astrologique. Sa personnalité transparaît dans ses lettres, ses croquis et même dans ses partitions. Dans leur villa de Blonay, des lions ornaient les murs et le jardin, témoignant de ce côté ludique. La fascination d’Hindemith pour les chemins de fer révèle également sa curiosité enfantine ; j’aime l’image de lui en 1931, jouant joyeusement avec son train miniature. Quand on écoute la Sonate, on ressent son humanité et sa chaleur en même temps que sa rigueur. C’est ce que j’ai voulu apporter à cette performance : montrer le côté plus doux et plus humoristique d’Hindemith.

Un récital alto solo, n’est-ce pas assez osé comme proposition ? Faut-il relever les défis pour rendre toutes les facettes de l’alto au XXIe siècle ?

J’adore relever des défis et repousser les limites de ce que peut être un récital d’alto solo. L’intimité de telles performances crée un lien spécial entre moi et le public. L’alto est un instrument tellement polyvalent, capable de bien plus que ce qu’on lui attribue souvent. Apporter ses nombreuses facettes au XXIe siècle est un voyage passionnant, et je suis reconnaissant d’avoir la chance de le partager d’une manière aussi directe et personnelle.

Vous jouez un alto contemporain du luthier Frédéric Chaudière.  Pouvez-vous nous parler de cet instrument ?

J’adore cet alto. Il m’a fallu des années pour trouver l’accord parfait, comme une baguette dans Harry Potter, je crois que l’instrument et le musicien se choisissent l’un l’autre. Cet alto est devenu mon confident et mon compagnon dans mes voyages à travers le monde. Ce que je trouve fascinant chez les altos, c’est leur individualité ; leurs imperfections, notamment de taille, donnent à chacun un caractère unique. Cet instrument me permet de découvrir et de transmettre ma voix avec honnêteté et profondeur, ce qui en fait un élément essentiel de mon parcours musical.

Le site de Saò Soulez-Larivière : https://www.saosoulezlariviere.com/

Crédits photographiques : Clara Evens

Propos recueillis par Pierre-Jean Tribot

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