À Genève, un sublime MESSIE !  

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Dans le cadre de sa série de concerts, le Service culturel Migros a la judicieuse idée de présenter Messiah (Le Messie) de Haendel, une dizaine de jours avant Noël, en faisant appel à Trevor Pinnock, l’un des pionniers en matière de musique ancienne, prônant l’utilisation des instruments d’époque, ce qui l’amena à fonder en 1972 ‘The English Concert’, mondialement réputé aujourd’hui. 

Pour ce Messie donné à Berne le 12 décembre, à Genève le lendemain, l’on a sollicité le concours du Freiburger Barockorchester, créé en 1985 par quelques étudiants de Fribourg-en-Brisgau. Qu’il est loin le temps où il était de bon ton de railler ces musiciens qui s’accordaient durant quarante minutes pour jouer faux pendant les vingt suivantes, alors que l’on entend ici de soyeuses cordes glissant de nerveux accents dans le premier air d’alto But who may abide the day of His coming ainsi que deux trompettes sonnant magnifiquement dans le célèbre solo de basse The trumpet shall sound.

Tout aussi remarquable, la Zürcher Sing-Akademie, chœur professionnel fondé à Zürich en 2011 incluant huit soprani, huit ténors, sept alti et sept basses que Trevor Pinnock dirige depuis son clavecin. Dès le premier chœur And the glory of the Lord shall be revealed s’imposent une souplesse de ligne, une parfaite homogénéité des registres, une articulation permettant une accentuation pointue sur Wonderful ! Counsellor ! dans For unto us a Child is born et une vitalité brillante dans le célèbrissime Hallelujah.

Profitant de la qualité de l’ensemble, Trevor Pinnock peut ainsi nimber de demi-teintes tendres la Pifa de la Nativité, alléger Glory to God the highest qui s’achève en points de suspension, mais recourir aussi à de tragiques sonorités pour Behold the Lamb of God qui se corsent d’inflexions pathétiques dans All we like sheep et Lift up your heads ou de véhéments contrastes d’éclairage dans Since by man came death

Au niveau des quatre solistes vocaux, il faut d’abord évoquer le soprano fruité de Rachel Redmond (remplaçant Katherine Watson malade) qui s’avère touchant dans son premier récitatif avant de révéler une éblouissante technique de vocalisation dans le fameux Rejoice greatly ; elle imprègne de suavité le duo He shall feed His flock où elle répond à Claudia Huckle, soprano court au chant pavé de bonnes intentions mais qui ne possède pas le grave sonore que requiert le largo tragique He was despised. Inégale, la basse Ashley Riches à l’émission anguleuse mais en mesure de vocaliser dans son premier accompagnato, de produire un legato sur l’ensemble de la tessiture dans The people that walked in darkness et de modeler de triomphants accents pour The trumpet shall sound. Quant au ténor James Way, il fait valoir dans son air Every valley un timbre clair qui irise ses aigus tout en négociant aisément ses passaggi ; son expression devient intensément pathétique dans le larghetto All they that see Him et dans l’accompagnato Thy rebuke nimbé d’un pianissimo saisissant.

L’Amen du chœur final Worthy is the Lamb déclenche des tonnerres d’applaudissements ô combien mérités quand Haendel est défendu par un chef d’une telle envergure. Sublime !

Paul-André Demierre
Genève, Victoria Hall, le 13 décembre 2019

Crédits photographiques : Peer Lindgreen

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