A Genève, un violoniste à la rescousse

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Comme une appellation tape-à-l’œil peut être vide de contenu quand elle doit montrer  la triste réalité ! Le Wiener Concert-Verein fondé en 1987 regroupe des membres de l’Orchestre Symphonique de Vienne qui ont décidé d’instaurer une collaboration avec les compositeurs autrichiens contemporains,  tout en exhumant un pan du répertoire oublié comme les symphonies d’Ignaz Pleyel ou les œuvres de Michael Haydn. Invitée par le Service culturel Migros Genève, c’est donc cette formation qui paraît au Victoria Hall le 23 février sous la direction du chef argentin Pablo Boggiano qui consacre l’essentiel du programme à Mozart. 

Inutile de faire cas de la Symphonie en ré majeur constituée par l’ouverture de La Finta giardiniera K.196 et un final postérieur K.121, car elle donne l’impression d’être bâclée en une esthétique baroquisante aux arêtes tranchantes, livrant un Andantino grazioso aux accents maladroits tournant à la grosse cavalerie dans le Final. La sublime Symphonie n.29 en la majeur K.201 révèle le manque d’empathie du chef pour ce répertoire, tant l’Allegro moderato est d’une navrante platitude en restant à la surface du propos, alors que les violons détaillent minutieusement les appoggiature puis s’ingénient à produire un coloris triste dans un Andante pris à tempo plutôt rapide. Sous la conduite d’une baguette qui n’a jamais de premier temps, le Menuetto anodin cède la place à un Final plus convaincant qui recherche judicieusement les contrastes d’éclairage.

Fort heureusement, la participation du violoniste canadien Timothy Chooi rehausse le niveau du concert. Elève du Cutis Institute de Philadelphie et de la Juilliard School de New York, il a été le lauréat du Concours Joseph Joachim de Hanovre et le deuxième Prix du Concours Reine Elisabeth de Bruxelles. Fringant trentenaire, il s’attaque avec brio au Cinquième Concerto en la majeur K.219 en donnant une expression soutenue à son adagio introductif et un éclat à ses passaggi virtuoses couronnés d’un aigu brillant. Profitant de la qualité du canevas tissé par un orchestre qui a le mérite de savoir accompagner, il déploie dans l’Adagio une véritable ligne de chant qui cultive la nuance, alors que le Final s’impose par la finesse du trait qui rend piquante la turquerie médiane. En seconde partie de programme, le violoniste présente une page peu connue de Dvorak, la Romance en fa mineur op.11, tirée du Cinquième Quatuor à cordes, transcrite d’abord pour violon et piano puis avec accompagnement orchestral en décembre 1877. Sur le soutien des cordes en demi-teintes, il développe en pianissimo le solo qui se pare d’inflexions généreuses  en s’étirant jusqu’à l’aigu, nous gratifiant ainsi du morceau de choix de la soirée. En bis Timothy Chooi prête à l’Andante de la Deuxième Sonate en la mineur BWV 1003 de Bach le ton de la confidence en écoutant les voix intérieures jusqu’à l’imperceptible. Au terme du concert, il accepte de bonne grâce de tenir la partie de… triangle dans la Pizzicato Polka de Johann Strauss.

Genève, Victoria Hall, le 23 février 2022

Paul-André Demierre

Crédits photographiques : Den Sweeney

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