Aziz Shokhakimov, maestro en Alsace 

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Le chef d’orchestre Aziz Shokhakimov est l’une des baguettes que l’on s’arrache tant son charisme séduit les orchestres et les publics. Alors qu’il commence sa première saison au poste de Directeur musical de l’Orchestre Philharmonique de Strasbourg (OPS), il est l’invité du Belgian National Orchestra. 

Vous êtes cette semaine avec le Belgian National Orchestra pour une série de concerts à travers le pays. Je crois que ce sont vos premiers concerts en Belgique ? 

La saison passée, je devais diriger des concerts mais la pandémie en a décidé autrement ! Je suis venu à Bruxelles au pupitre du Belgian National Orchestra pour un concert Rodrigo/Prokofiev qui fut diffusé par la radio et donc sans public. Le contact et l’entente furent excellents et je me réjouis de revenir diriger cet orchestre pour de vrais concerts ! 

Vous effectuez votre première saison avec l'Orchestre Philharmonique de Strasbourg. Quelle est votre ambition pour l'OPS ? 

Je suis tout d’abord très heureux d’être le directeur musical de ce formidable orchestre. J’aime particulièrement la dynamique et l’esprit de travail qui y règnent ! Je suis un chef d’orchestre qui est méticuleux dans l’approche des partitions et je suis très heureux de diriger les œuvres orchestrales avec des musiciens aussi engagés dans leur métier. En tant que directeur musical, ma responsabilité est de garantir le plus haut niveau artistique. Pour cette saison nous allons collaborer avec de grands solistes comme Patricia Kopatchinskaja, Alexandre Tharaud ou Nemanja Radulovic. Pour la saison suivante, il y aura d’autres grands noms que je ne peux pas encore vous dévoiler. Nous allons également maintenir notre présence dans les médias musicaux par notre collaboration avec la chaîne Medici qui va retransmettre des captations de nos concerts. L’Orchestre Philharmonique de Strasbourg possède une grande histoire au disque et enregistrer est dans son ADN. L’orchestre poursuit une collaboration avec Warner. Il y a déjà plusieurs enregistrements avec mon confrère John Nelson et la mezzo-soprano Joyce di Donato qui est une invitée régulière. Mon premier album avec l’OPS sera consacré à Serge Prokofiev, Suites n°1 et n°2 de Roméo et Juliette et Symphonie n°1 “Classique”.   

Strasbourg est une ville à la croisée des mondes latin et germanique. Avez-vous envie de cultiver ces deux aspects dans votre programmation ? 

Bien évidemment ! Nous allons jouer le répertoire français et russe, mais je tiens à maintenir l’excellente dans le répertoire allemand ! L’Orchestre Philharmonique de Strasbourg interprète divinement bien Mahler et Strauss. Ce haut niveau dans les deux cultures stylistiques est pour moi l’une des grandes caractéristiques de cet orchestre ! 

L'Orchestre Philharmonique de Strasbourg est l'un des plus anciens orchestres français et il a eu pour directeur musical de grands noms tels que Hans Pfitzner, Otto Klemperer et George Szell. Cette filiation historique revêt-elle une importance particulière pour vous ? 

Tout à fait ! Je suis très honoré que mon nom s’ajoute à cette liste si prestigieuse et c’est pour moi une grande responsabilité.

La gastronomie est importante en Alsace, avez-vous déjà exploré les bons restaurants de Strasbourg ?

 Mes premiers moments de présence dans la ville alsacienne ont hélas coïncidé avec les périodes de confinement : difficile d’explorer la scène gastronomique. Mais l'Alsace m’était déjà connue pour certains de ses délices dont la notoriété est mondiale comme ses vins blanc.  

Vous êtes également très actif dans le domaine de l'opéra. Est-il important pour vous de maintenir un équilibre entre les domaines symphonique et lyrique ? 

Absolument ! Mon expérience de kapellmeister au Deutsche Oper Am Rhein a été fondamentale car la pratique de la scène lyrique enrichit naturellement votre aptitude à diriger la musique symphonique par toutes les compétences acquises et les perspectives ouvertes. 

Est-ce que vous allez diriger des opéras à Strasbourg ?  

Oui, cette saison je vais diriger Les Oiseaux (Die Vögel) de Walter Braunfels. C’est un grand chef d'œuvre mais qui reste très peu connu et je suis ravi de pouvoir présenter cet opéra au public de l’Opéra du Rhin. Je vais diriger un opéra par an et je discute des prochaines programmations avec Alain Perroux, le directeur de l’Opéra avec qui l’entente et le dialogue sont parfaits.  

Vous êtes un chef d'orchestre issu du système éducatif de l'ex-URSS. Les chefs d'orchestre issus de cette école ont une grande capacité et rapidité d'apprentissage des répertoires et des nouvelles partitions. Quel est le secret de cette capacité assez unique ? 

L’un des traits de cette école est tout d’abord l’apprentissage de la technique de bâton qui permet de faire passer le message musical que vous souhaitez auprès des musiciens. Prenez des élèves d’Ilya Mushin qui fut le grand professeur de direction de l’URSS et vous pouvez constater qu’ils ont tous une grande faculté de communiquer leurs visions musicales et quelle que soit la personnalité de ces chefs d’orchestre : Valery Gergiev, Tugan Sokhiev, Teodor Currentzis...Un autre aspect réside dans la discipline de travail ! La vie en URSS était très rude et la concurrence entre les apprentis chefs était encore plus rude, c’était presque une compétition sportive pour être numéro 1. Quand vous êtes sous pression, vous devez être ultra-concentré et donc vous ne pouvez pas vous permettre de perdre du temps dans l’étude des partitions. L’intensité de la concentration vous permet de travailler vite.   

Le site de l'Orchestre philharmonique de Strasbourg : https://philharmonique.strasbourg.eu

Propos recueillis par Pierre-Jean Tribot

Crédits photographiques : Jean-Baptiste Millot

 

 

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