Baroque m’a tuer 

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La nouvelle est tombée comme une douche froide sur le milieu musical : l’annonce de la dissolution par son fondateur Hugo Reyne de l’ensemble baroque français la Simphonie du Marais. Ce brillant musicien jette donc l’éponge après 33 ans de combat pour créer, imposer et faire survivre cet ensemble. Appartenant à la première génération des ensembles spécialisés, la Simphonie du Marais peut s’enorgueillir d’un parcours artistique exemplaire et sans concession au service du répertoire baroque, principalement français. La riche discographie de l’ensemble témoignera toujours de cette intransigeance envers la qualité éditoriale et musicale. Il n’empêche, après plusieurs décennies de lutte pour survivre, Hugo Reyne se déclare fatigué : “Il faut toujours se battre, il y a un combat à mener, et c'est vraiment ça qui est compliqué pour faire vivre un ensemble baroque.”  

En effet, le milieu des ensembles spécialisés, c’est un peu la jungle tant la survie est un combat quotidien. Á l’inverse des structures institutionnalisées comme les orchestres permanents et les opéras, les formations baroques et spécialisées sont bien plus précaires, ne bénéficiant pas d’une sûreté absolue de leurs subventions pour lesquelles les managers doivent sans cesse se battre pour espérer décrocher des résidences et autres aides temporaires au projet. Dans un contexte de baisse régulière des subventions, sur le mode de la râpe à fromage, la viabilité de ces ensembles est de plus en plus menacée. Car, si l’on se réfère à cet article de France Musique, c’est plus la lente érosion des subsides qu’une baisse brutale qui a eu raison de la foi d’Hugo Reyne. Un autre aspect souvent entendu de la bouche de managers d’ensembles est le non-respect des tranches de versements des subventions qui met gravement en danger l’existence même de ces formations, les conduisant trop souvent au blocage des comptes par des banquiers peu ouverts à la discussion et cela malgré des contrats d’engagements. Dans un contexte d’inflation des ensembles (il suffit de constater le nombre vertigineux de parutions de nouveaux ensembles baroques que Crescendo Magazine reçoit chaque mois !) mais de stagnation des lieux de diffusion possibles pour comprendre l’impossible équation à laquelle ces structures largement sous-financées sont soumises. N’oublions pas également qu’à l’inverse de structures symphoniques établies, les ensembles baroques et spécialisés doivent se vendre au “vrai tarif” et ne peuvent pas justifier des subventions pour sous-facturer leurs prestations. Ainsi, un concert avec les modestes concertos Brandebourgeois de Bach par tel orchestre baroque coûtera au producteur bien plus qu’une symphonie de Brahms par un orchestre établi qui fera l’aller-retour en bus depuis sa résidence administrative.  

L’ingratitude des pouvoirs publics est souvent grande devant ces ensembles vigoureux et vaillants, mais auxquels ces autorités refusent une stabilité. Pourtant ils irradient positivement la scène musicale par des projets et des répertoires que les institutions établies sont incapables d’initier. 

Certes, tout n’est pas négatif tant la scène baroque est en constante évolution, à l’image de l’ensemble baroque belge Barrocotout qui marque les esprits avec son premier disque consacré à Henri-Jacques de Croes (Joker de Crescendo). Cependant, la fin programmée d’un ensemble d’une telle qualité que la Simphonie du Marais est une grande perte pour la scène musicale européenne.    

Crédits photographiques : Pixabay

Pierre-Jean Tribot

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