Au Concert

Les concerts un peu partout en Europe. De grands solistes et d’autres moins connus, des découvertes.

Concert de clôture du Festival Beethoven à Varsovie

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Ce vendredi 18 avril a lieu le concert de clôture du Festival Beethoven à Varsovie. Ce dernier a lieu à l’Opéra Narodowa, opéra de la capitale polonaise. Un peu plus de 200 artistes sont réunis sur scène pour nous offrir une expérience musicale unique en juxtaposant deux œuvres explorant la foi, la souffrance et la quête de sens : la Symphonie n°3 « Kaddish » de Leonard Bernstein et le Kaddish  de Krzysztof Penderecki. Sur scène, nous retrouvons l’Orchestre Philharmonique de Varsovie, le Chœur Philharmonique de Varsovie, le Chœur d’enfants et de jeunes Alla Polacca, ainsi que 4 solistes : Natalia Rubiś (soprano), Gerard Edery (ténor / cantor), Sławomir Holland (récitant) et Sławomira Łozińska (récitante).

Le concert débute avec la Symphonie n°3 « Kaddish » de Leonard Bernstein. Cette œuvre pour orchestre, chœur mixte, chœur d’enfants, soprano solo et récitante est composée en 1963 et révisée en 1977. Elle est dédiée « à la bien-aimée mémoire de John F. Kennedy ». Les paroles proviennent en partie de Bernstein et en partie du Kaddish, prière hébraïque de louange en l'honneur de Dieu. 

Le récit, élément central de cette symphonie, est confié à l’actrice polonaise Sławomira Łozińska. Sa diction claire, son expressivité maîtrisée ainsi que son engagement scénique ont donné toute sa dimension dramatique au texte, alternant moments de révolte et d’introspection. La soprano Natalia Rubiś brille par sa présence vocale et émotionnelle.

Récital de Samuel Hasselhorn au Festival Beethoven à Varsovie

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Ce jeudi 17 avril a lieu le récital de Samuel Hasselhorn. Le baryton allemand, primé lors de la dernière cérémonie des ICMA pour son album « Urlicht - Songs of Death and Resurrection », est accompagné par le pianiste autrichien Joseph Breinl. Ensemble, ils présentent un programme mêlant le romantisme dense de Robert Schumann à la modernité visionnaire de Gustav Mahler.

La première partie du concert est entièrement consacrée à Schumann. Elle débute avec deux lieder isolés : Tragödie, extrait de l’Opus 64, d’une sobriété douloureuse, puis Belsazar, Op. 57, dramatique ballade biblique où Samuel Hasselhorn déploie une ampleur vocale saisissante. L’interprétation est habitée, presque théâtrale, sans jamais verser dans l’excès. La diction, d’une clarté remarquable, met en valeur la tension tragique du texte, tandis que Joseph Breinl installe avec précision le climat sombre de cette miniature dramatique.

Vient ensuite le cycle Zwölf Gedichte von Justinus Kerner, Op. 35. Ces douze lieder, écrits sur les poèmes du médecin et écrivain romantique, explorent toute une gamme d’émotions : solitude, mysticisme et espoir fragile. C’est une œuvre de maturité, où Schumann livre une musique souvent épurée, à la frontière du silence. Hasselhorn s’y montre extrêmement nuancé, jouant avec les couleurs du timbre et les respirations du texte. Breinl, en partenaire idéal, soutient cette expressivité avec une sensibilité musicale de tous les instants. Certains lieder comme Stirb, Lieb’ und Freud’ ou Stille Liebe sont de véritables joyaux de recueillement, où le chant se fait presque murmure.

Après l’entracte, le duo s’engage dans un tout autre univers avec Gustav Mahler. Le programme débute par Urlicht, ce lied d’une simplicité bouleversante issu des Des Knaben Wunderhorn. Hasselhorn y incarne une foi candide, presque enfantine, dans une lumière rédemptrice au-delà de la souffrance. Puis vient Revelge, avec ses rythmes martiaux et son ironie grinçante. Ici, le chanteur joue pleinement le rôle du narrateur halluciné, emporté dans une marche absurde vers la mort. Le piano de Breinl, percussif et dramatique, donne tout son relief à cette fresque hallucinée.

Hommage musical à David Hockney par Pavel Kolesnikov et Samson Tsoy à la Fondation Louis Vuitton

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À l’occasion de l’exposition David Hockney 25 (9 avril - 31 août), la Fondation Louis Vuitton a proposé deux soirées musicales exceptionnelles. Les pianistes Pavel Kolesnikov et Samson Tsoy y rendent hommage à l’artiste britannique à travers deux programmes riches et colorés, inspirés de sa vie et de son œuvre.

Le premier concert, le 12 avril, célèbre le printemps et Wagner. Comme les tableaux éclatants de Hockney, les musiciens apparaissent en costumes vifs. La valse Frühlingsstimmen de Johann Strauss II, dans la version pour deux pianos de Willy Rehberg, dévoile une étonnante profondeur. Leur interprétation révèle une musique dite « légère » avec une densité joyeuse, reflet d’un printemps régénérateur.

Suit Le Sacre du Printemps, dans sa version originale pour piano à quatre mains — un clin d’œil au décor conçu par Hockney pour le Metropolitan Opera de New York en 1981. Les deux pianistes maîtrisent parfaitement les croisements de bras complexes, livrant une lecture envoûtante, percussive et subtilement sauvage.

Après l’entracte, un extrait du film Wagner Drive de Hockney est projeté : quatre amis (dont le peintre au volant) sillonnent une route de collines californiennes sur fond de musique wagnérienne. Ce moment cinématographique trouve un écho lumineux dans Short Ride in a Fast Machine de John Adams (transcrit par Preben Antonsen), prolongeant l’impression de voyage en voiture.

Le programme se poursuit avec trois Wesendonck-Lieder de Wagner (Der Engel, Träume, Im Treibhaus), entrecoupés des ouvertures du Vaisseau fantôme (arrangement de Debussy) et de La Walkyrie (transcription de Hermann Behn). La voix d’Elena Stikhina, ample et veloutée, s’y déploie avec naturel et émotion. Le duo de pianistes fait rayonner la palette orchestrale à travers une expressivité subtilement dosée.

Pour conclure le programme, Stikhina chante La Mort d’amour d’Isolde, sur une transcription pour deux pianos réarrangée par Kolesnikov à partir de celle de Liszt. Une intensité opératique s’en dégage avec profondeur dans l’émission naturelle d’Elena Stikhina. En bis, Morgen de R. Strauss, dans un souffle de grâce infinie.

Le 13 avril, place à la théâtralité, en écho au travail de Hockney comme décorateur d’opéra (La Flûte enchantée et The Rake’s Progress pour Glyndebourne en 1978 et en 1975 , Parade pour Metropolitan Opera en 1981). Le programme mêle Ravel (Ma Mère l’Oye, Rapsodie espagnole) et Britten (Cabaret Songs) dans un esprit libre et inventif. Dans Ravel, rejoints par les percussionnistes Colin Currie et Owen Gunnell, les pianistes explorent une riche palette de timbres : dans Le Jardin féérique, les effets sonores émerveillent, tandis que la Rapsodie espagnole culmine avec une Feria festive rythmée par les castagnettes.

Récital de Ian Bostridge au Festival Beethoven à Varsovie

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La 29e édition du Festival Beethoven se tient actuellement à Varsovie. Du 6 avril au 18 avril, 15 concerts sont programmés. Fondé et dirigé par Elżbieta Penderecka, le festival propose une riche palette de concerts, allant de la musique symphonique à la musique de chambre, principalement à la Philharmonie de Varsovie. Cette année, le public a l’occasion d’écouter le Beethoven Orchester Bonn ainsi que les plus grandes formations polonaises. Le thème retenu pour cette édition est : « Beethoven – Grande Poésie ».

Ce mercredi 16 avril a lieu le récital du ténor britannique Ian Bostridge. Il se produit avec la pianiste italienne Saskia Giorgini. Au programme de ce concert, des lieders de trois compositeurs germaniques : Hugo Wolf, Ludwig van Beethoven et Franz Schubert. 

Le concert débute avec un lied tiré des Goethe Lieder d’Hugo Wolf : Grenzen der Menschheit (Limites de l’humanité). Ce lied est profondément philosophique et démontre toutes les qualités de Wolf, à la fois sur le plan expressif, technique et spirituel. Ce poème de Goethe est une méditation sur la condition humaine face à la grandeur divine et cosmique. En somme, c’est une mise en garde contre l’orgueil humain, un rappel de notre place dans l’ordre de l’univers. Wolf met en musique ce texte dense avec une puissance dramatique assez impressionnante. Ian Bostridge déploie une belle palette de couleurs pour interpréter ce lied. La voix est tantôt ample, tantôt intériorisée comme un murmure. Sa ligne vocale traverse un large spectre d’expressions, reflet direct de la tension entre la majesté divine et la petitesse humaine. Dans ce lied, le piano n’est pas un simple soutien. En effet, il déploie des paysages sonores grandioses, parfois apocalyptiques, parfois d’un calme mystique. Cette partie de piano, très exigeante techniquement, est interprétée brillamment par Saskia Giorgini.

Le récital se poursuit avec les sept premiers lieder tiré du cycle Schwanengesang de Schubert. Les sept premiers lieder, composés sur des poèmes de Ludwig Rellstab, forment un ensemble traversé par des thèmes récurrents : l’amour absent ou perdu, le désir de l’aimée, l’errance et la solitude. La nature y joue un rôle essentiel, tantôt reflet des émotions (le ruisseau messager dans Liebesbotschaft, la tempête intérieure de Aufenthalt), tantôt espace d’exil (In der Ferne). Les deux artistes du soir traduisent, de par leur interprétation, cette oscillation entre élan passionné et résignation douloureuse, alternant lieder lumineux et confiants avec d’autres, plus sombres et introspectifs. Malgré leur diversité de ton, tous partagent une profonde sensibilité romantique, où la voix et le piano tissent un dialogue expressif.

 Un chef exceptionnel à l’OSR, Pablo Heras-Casado

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Pour un programme intitulé  ‘Affinités électives’ proposé tant à Genève qu’à Lausanne, l’Orchestre de la Suisse Romande sollicite le concours du chef espagnol Pablo Heras-Casado, principal chef invité du Teatro Real de Madrid qui s’est fait une réputation d’interprète wagnérien en dirigeant Das Rheingold à l’Opéra de Paris, Der fliegende Holländer à la Staatsoper Unter den Linden de Berlin, Die Meistersinger et la Tétralogie à Madrid. En juillet 2023, il a débuté triomphalement au Festival de Bayreuth en assumant les représentations de Parsifal et les reprises de 2024 et celles à venir de 2025.

Par deux des grandes pages symphoniques de Parsifal, il commence donc son programme en conférant au Prélude de l’Acte I une fluidité du coloris qui se répandra naturellement sous un ample legato favorisé par l’acoustique du Théâtre de Beaulieu à Lausanne alors qu’au Victoria Hall de Genève, la sonorité compacte paraîtra plus étriquée. Faisant appel aux cuivres remarquablement fusionnés, il proclame les thèmes du Graal et de la Foi en exacerbant les forte dans les tensions du développement afin de susciter les élans rédempteurs évoquant la Sainte Lance. L’Enchantement du Vendredi Saint de l’Acte III s’inscrit dans cette voie du grandiose solennel qui s’atténue en un pianissimo ouaté des cordes pour permettre au hautbois de développer cette ineffable mélodie rassérénée que reprendra la clarinette sans s’attarder en vains épanchements.

 Entre ces deux extraits intervient le pianiste russe Alexei Volodin, élève d’Eliso Virsaladze au Conservatoire de Moscou, qui interprète le Premier Concerto en mi bémol majeur de Franz Liszt. Répondant à un tutti vrombissant par des octaves à l’arraché, il impose une virtuosité clinquante qui reste à la surface du propos, instillant quelques nuances mélancoliques dans son cantabile alors que, le premier soir à Genève, les bois cafouillent en poursuivant le triangle irradiant le scherzo. L’Allegro marziale animato est réduit à un pathétique tonitruant  que le Più mosso conclusif fera exploser en nous laissant sur notre faim que ne rassasieront guère un lied de Schubert (Das Wandern extrait de Die schöne Müllerin) transcrit par Liszt et l’Etude op.25 n.1 de Chopin donnés en bis. Une cruelle déception !

Diana Damrau, Jonas Kaufmann et Helmut Deutsch brodent un Colloque sentimental autour de Mahler et Strauss

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Détrompez-vous : ni Richard Strauss ni Gustav Mahler n’ont écrit le moindre lied sur ce texte tellement mélodieux et expressif. Seul un hollandais inconnu, Rudolf Mengelberg, neveu du célèbre chef Wilhelm, a mis en musique la version allemande de ce poème iconique de la langue française qui a inspiré une quarantaine de compositeurs dont un génial Debussy. Coquetteries, reproches, jalousies, affres, émois amoureux et autres caprices de Cupidon seront le fil conducteur d’un ravissant programme que les trois artistes ont agencé comme un dialogue entre deux personnages aux contours tantôt tranchants, tantôt empreints de la plus absolue délicatesse. Ce genre de récital à trois, comme un dialogue imaginaire, est souvent choisi pour présenter l’Italienisches Liederbuch de Hugo Wolf, qui s’y prête à merveille. Les trois complices de la soirée ont ainsi présenté souvent de cycle de Lieder même si la première idée appartient probablement au légendaire trio composé de Irmgard Seefried, Anton Dermota et Erik Werba. On a pu constater à quel point les textes du Strauss allemand conviennent à merveille à ce jeu : dans Die Georgin, troisième Lied de la soirée, le texte de Hermann von Gilm dit : « L’amour s’approprie de mon cœur. Soir ou matin, c’est le même ravissement et la même douleur ». Ces mots sont la définition parfaite de ce que ces trois merveilleux artistes nous ont servi dans cet espèce d’écrin argenté et miroitant qui est le Palau de la Mùsica à Barcelone. Quant à Mahler, l’intensité émotive qui transmettent ses Lieder lorsque de grands artistes s’y frottent est telle qu’ils vont nous bouleverser sans entrave. 

Dido and Aeneas de Purcell-Dumestre à Bozar : tout un poème…

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C’est un roc ! C’est un pic ! C’est un cap de la musique baroque qui fut porté sur les planches de Bozar, à Bruxelles, ce 9 avril 2025 : l’opéra Dido and Aeneas d’Henry Purcell, sur un livret de Nahum Tate inspiré de l’Énéide de Virgile.

L’intrigue tient dans un mouchoir de poche. À l’issue de la guerre de Troie, Didon, reine de Carthage, se laisse convaincre par sa confidente, Belinda, de céder aux charmes d’Énée, prince troyen déchu depuis la chute de sa ville natale. Énée, qui n’est pas insensible aux attraits de la souveraine, répond favorablement à ses avances. Hélas, une magicienne et ses sorcières ont juré la perte de Didon. Par l’entremise d’un elfe déguisé en Mercure, qui se prétend porteur des ordres de Jupiter, elles incitent Énée à mettre les voiles vers l’Italie. Didon, informée de ses intentions, est au comble du désespoir. Lorsqu’Énée se ravise, il est trop tard : la reine ne veut plus rien avoir à faire avec ce bougre, préférant mourir de chagrin dans les bras de Belinda. 

Purcell modela la forme de son opéra sur celle de Venus and Adonis, une œuvre composée au début des années 1680 par son ami et collègue John Blow, destinée à divertir Charles II. Les livrets des deux opéras mettant en scène une femme constante et un amant influençable et se soldent par la mort de l’un des deux protagonistes. Ils comportent chacun trois actes, ainsi qu’un prologue allégorique dans le style français - la musique de celui de Dido and Aeneas ayant malheureusement disparu. Enfin, les deux œuvres ont recours à des danses finement ciselées et font du chœur un acteur essentiel de la tragédie. 

La découpe de l’œuvre de Purcell en récitatifs et arias reflète toutefois l’influence des derniers développement de l’opéra italien, ce qui, abstraction faite de la qualité remarquable de la musique, en fait l’un des monuments de la musique anglaise. Les chœurs sont somptueux, à l’image de l’écriture instrumentale, qui atteint des sommets dans la Danse triomphale, la Danse en écho des furies et la Danse des sorcières. Les récitatifs accompagnés et les airs dépeignent une panoplie d’émotions plus variées les unes que les autres. Les complaintes sur basse obstinée, et plus particulièrement la fameuse lamentation conclusive de Didon, contribuent également à faire de la partition l’une des icones de la musique baroque.  

Unsuk Chin & Delyana Lazarova, une explosive alchimie de couleurs musicales avec l'ONL

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C’était une des premières soirées d’avril, ; une foule disparate se pressait à l’entrée du Casino Barrière, inhabituelle du lieu et délaissant, pour l’heure tout du moins, les rutilantes et aguichantes machines à sous du rez-de- chaussée afin de gagner au plus vite la salle de spectacle du premier étage. L’Orchestre National de Lille y donnait son premier concert nomade. (L’auditorium Jean Claude Casadesus et les salles du Nouveau Siècle étant indisponibles pour 15 mois)

Les deux noms mystérieusement associés dans le titre du présent article ne figurent donc en rien une secrète martingale pour accros du tapis vert mais une explosive alchimie musicale entre la compositrice coréenne Unsuk Chin el la cheffe d’orchestre Bulgare Delyana Lazarova ; deux noms à retenir.

La pièce  Subito conForza  d’Unsuk Chin, dédiée à Beethoven, ne dure que cinq minutes mais c’est un somptueux feu d’artifice de timbres et couleurs sonores que l’on n’est pas près d’oublier.

Figuraient également au programme de cette soirée la Symphonie concertante pour violon et alto de Mozart plus connue et familière laquelle aura permis de mettre en valeur la qualité des solistes de l’orchestre national de Lille, Sébastien Greliak au violon et Pablo Munoz Salido à l’alto.

Flamboyants Janine Jansen et Denis Kozhukhin, bouleversants dans Brahms, puis dans Poulenc, Messiaen et Ravel

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C’est un programme particulièrement généreux que nous proposaient Janine Jansen et Denis Kozhukhin à la Philharmonie de Paris, en deux parties (chacune aurait presque pu faire l’objet de tout un concert) bien distinctes : d'abord deux sonates de Brahms, ensuite de la musique française, avec des œuvres de Poulenc, Messiaen et Ravel.

Johannes Brahms a écrit trois sonates pour violon et piano, que les mélomanes ont très souvent l’occasion d’entendre, que ce soit au concert ou au disque. 

Ce concert commençait par la Sonate n° 2 (en la majeur op. 100). Le programme de salle la décrit comme « gracieuse et détendue, la plus souriante des trois ». Dans cette interprétation, le propos est à nuancer... L’Allegro, pas tant amabile que cela, se déploie dans un climat de brume et de passion. Le deuxième mouvement fait office à la fois de mouvement lent (Andante) et de scherzo (Vivace), mais au lieu de se succéder ils alternent, donnant aux interprètes l’occasion de mêler rêverie éthérée et conte capricieux. Quant au finale, c’est un Allegro qui, à nouveau, n’est pas vraiment grazioso, mais nous emporte plutôt dans une de ces légendes du Nord qui, soit, se finit bien, mais non sans avoir frémi.

Suivait la Sonate n° 1 (en sol majeur op. 78), écrite en réalité après trois essais finalement détruits par le compositeur. Cette fois, il était enfin satisfait de l’équilibre entre les deux instruments. Le Vivace non troppo de Janine Jansen et Denis Kozhukhin est tout de nostalgie, tantôt avec le sourire, tantôt avec les larmes ; ils trouvent des nuances bouleversantes, et l’intensité émotionnelle atteint son comble. L’introduction, au piano seul, d’une imposante densité orchestrale, donne le ton de l’Adagio : suffocant de beauté, on n’y respire guère. On entend souvent le Finale avec un caractère printanier. Rien de tel ici : pas de brise légère, mais une réelle douleur et de l’impatience.

Clôture du Printemps des Arts 2025

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Pour le dernier week-end de l’édition 2025 du Printemps des Arts de Monaco, le directeur artistique de ce festival Bruno Mantovani compose un programme éblouissant d’une originalité unique qui reflète à merveille les goûts et les influences de Pierre Boulez  dont on célèbre le centenaire de sa naissance ainsi que l’attention portée aux nouvelles générations.

On retrouve avec plaisir le chef d'orchestre germano-japonais Elias Grandy, qui avait laissé une forte impression l'année passée, à la tête de l'Orchestre Philharmonique de Monte-Carlo. 

En première partie de programme, zeroPoints, une pièce courte d’une virtuosité virevoltante du compositeur hongrois Peter Eötvös décédé l'année passée. Commandée par le London Symphony Orchestra et Pierre Boulez, zeroPoints est avant tout un hommage au grand compositeur, chef d'orchestre et collègue Boulez : " C'est une tâche inhabituelle, un honneur particulier pour un compositeur-chef d'orchestre d'écrire de la musique pour un autre compositeur-chef d'orchestre. Depuis les années 80, j'ai souvent dirigé les œuvres de Boulez, et je me demande encore pourquoi il commence la numérotation des mesures par 0 au lieu du 1 habituel. Par respect pour le maître, j'ai osé ne viser que l'espace entre 0 et 1, ainsi les titres des mouvements de zeroPoints vont de 0.1, 0.2... à 0.9, sans jamais atteindre le chiffre1.” Elias Grandy s’y montre très inspirant.