Au Concert

Les concerts un peu partout en Europe. De grands solistes et d’autres moins connus, des découvertes.

Maria-João Pires à Monte-Carlo avec l'OPMC

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La pianiste Maria-João Pires était l’invitée de prestige de l’Orchestre philharmonique de Monte-Carlo sous la direction de Kazuki Yamada, son directeur musical et artistique pour des concerts à l’Auditorium Rainier III de Monaco et au Festival de Pâques d’Aix-en-Provence. 

Le public retrouve la pianiste dans le Concerto n°9 "Jeunehomme" de Mozart, l’un de ses favoris. Pires capture l'esprit du compositeur comme personne. Chacun de ses doigts est possédé comme par des anges, c'est un don qui ne s'apprend pas. Elle a un phrasé unique, une qualité de pianissimo, legato et staccato sublime, tout coule de source.  Le public lui réserve un triomphe et Pires prolonge le bonheur avec un bis : le célèbre Clair de lune de Debussy.

Le quatuor MP4 et Jean-Luc Fafchamps : un sympathik Piknik à Flagey

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Cela se passe à midi, un verre et un sandwich inclus dans le prix (serré) du ticket : les Piknik Concerts se concentrent le plus souvent sur les albums releases de piano, de musique de chambre ou de jazz – aujourd’hui, Carnets de Voyage, de Jean-Luc Fafchamps, enregistré à Flagey et présenté par le l’ensemble MP4 car, « pour avoir joué mes quatuors un peu partout, c’est eux qui les connaissent le mieux ». 

Quatrième mouvement des Désordres de Herr Zoebius, créé en 2003 par le Quatuor Danel -il s’empare de la première pièce pour cet effectif écrite par le compositeur, qui la peaufine pendant plus de 10 ans-, Chant magnétique clôt un quatuor en recherche de limite, une recherche à l’autodérision infiltrée de modestie, comme en témoignent des titres à la façon d’Edgar-Pierre Jacobs, une limite où le complexe deviendrait désordre à nos oreilles : une mélodie microtonale faussement ethnique (slave ? balkanique ? mais non…), à l’équilibre précaire et d’une beauté plombante.

Au court et mélancolique Nuages gris de Franz Lizst arrangé pour quatuor à cordes succède, car il s’en souvient, même de fort loin, Nuages vus du ciel, morceau de 2009 pour trio à cordes et clavier (ici, Fafchamps est au piano), qui déploie une caressante pluie de perles, égrenées avec une irrégularité irréelle sur un plancher de chêne à peine ciré : le piano, préparé, est aérien, les cordes chuchotent, les corps des instruments percutent -et déjà, c’est fini.

Nouveau Siècle de Lille le 29 mars : Les Siècles, de bruit en fureur

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Quelle affiche ! Un des moments forts de la programmation 2021-2022 du lieu, voire son acmé. Lors des ultimes applaudissements, François-Xavier Roth prit la parole pour rappeler que Stravinsky et Xenakis étaient des exilés, que la musique est un langage de compréhension des uns et des autres, un message de paix. Chacun décoda l’allusion, certains spectateurs se levèrent dans les rangs. Le moment d’échange entre les artistes et le public lors du Bord de scène consacra d’ailleurs ses deux questions au compositeur d’origine grecque né voilà cent ans en 1922 : son engagement militant, ses blessures, son rapport aux sciences (il était diplômé de l’École Polytechnique d’Athènes, présentant un mémoire sur le béton armé) et leur influence sur sa musique, marquée par les mathématiques, la probabilité, le sens architectural.

Le concert s’ouvrait par un de ses opus daté de 1985, confié à trois ensembles (3 flûtes, 3 clarinettes, 6 cors, 3 trombones, 3 percussionnistes, 3 harpes, 3 violons, 6 violoncelles) spatialement organisés en triangle, et alimenté par la théorie des cribles. Pour une structure et un langage aussi exigeants, déployés en quelque vingt-deux minutes, on aurait aimé que l’exécution soit précédée d’un silence de mise en condition, qui préparât l’audience à la concentration nécessaire. Faute de quoi, quelques bavardages résiduels et bruits de fauteuils, quelques rires juvéniles polluèrent la diaphane entrée en matière crissant à l’extrême-aigu des cordes. La section centrale, « pesant et hiératique », dominée par la procession des cuivres, imposa une présence forte, malgré un procédé qui peine à se renouveler. « C’est quand même un peu long » entendimes-nous lors de paroles saisies à la sortie de salle. Le maestro et ses pupitres parvinrent néanmoins à maintenir la tension et défendre la temporalité de l’œuvre (une « fascinante géographie du son » selon la note de Laurent Vilarem), jusque l’agglomération finale des tambours qui produisit son plein effet, et légitimait le titre accordé à ce programme : « explosions musicales ».

A Genève, un saisissant Sleepless de Peter Eötvös  

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A la suite du succès triomphal remporté par Atys de Lully dans la production d’Angelin Preljocaj, le Grand-Théâtre de Genève nous entraîne dans un univers radicalement différent avec la création suisse de Sleepless de Peter Eötvös, coproduction avec la Staatsoper Unter den Linden de Berlin qui l’a présentée en novembre 2021.

Le livret de Mari Metzei est basé sur la Trilogie de John Fosse réunissant trois épisodes dramatiques qui étudient le rapport entre l’individu et la société. C’est pourquoi il nous met en présence de deux jeunes, Alida et Asle, qui sont rejetés par le monde qui les entoure. La jeune femme est enceinte et pour faire une place à l’enfant qui va naître, son compagnon, fonctionnant comme le petit garçon totalement démuni, sombrera dans la violence déraisonnable l’amenant à perpétrer plusieurs meurtres. Issus de familles dysfonctionnelles, tous deux vivent dans l’illusion et deviennent des marginaux sans défense, incapables de trouver leur voie. A l’instar de Vreli et Sali dans A Village Romeo and Juliet de Frederick Delius, ils n’ont qu’un seul bien, le violon du père Sigvald, qu’Asle troquera contre un bracelet, sous le regard réprobateur d’un mystérieux homme en noir. 

Pour dépeindre cet univers norvégien rappelant Peer Gynt, Peter Eötvös crée une atmosphère sonore fluide contrastant avec l’hyper-réalité du sujet élaboré comme un opéra-ballade en treize scènes dont les douze premières, actives et conflictuelles, se basent sur les douze tons chromatiques  (si - fa, fa dièse - do, etc.). Mais cette savante construction harmonique n’a rien de rébarbatif car elle constitue un style narratif qui débouche sur un monologue final chargé d’une indicible émotion. Et six voix de femmes, placées sur des balcons latéraux, portent conseil comme les Nornes et commentent l’action comme le chœur antique. Le rapport entre les voix et l’orchestre est savamment équilibré puisque jamais le discours n’est submergé par l’effectif instrumental pourtant considérable. 

Le Printemps des Arts 2022

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Le Festival Printemps des Arts est un des moments forts de la vie culturelle monégasque. Après bientôt quarante ans d'existence, il continue de se renouveler. Marc Monnet était le directeur artistique pendant 19 ans et le public a pu découvrir de nombreuses créations mondiales dont maints chefs d'œuvres ainsi que de nombreuses raretés. 

C'est  Bruno Mantovani, un autre compositeur, qui lui succède, et ce dernier signe sa première programmation pour ce festival 2022 avec 21 concerts, projection de film,  ballet, des conférences, rencontres et tables rondes sans oublier des Masterclasses. Comme de tradition, le festival occupe des lieux insolites comme le tunnel "Riva", percé sous le Palais Princier de Monaco il y a plus de 60 ans qui accueille un concert. Le programme se plait également à proposer un parcours à travers le temps et huit siècles séparent la Messe de Nostre Dame de Guillaume de Machaut et la nouvelle partition de Bastien David qui est présentée cette année. C’est un voyage à travers le temps, le temps "universel", mais aussi le temps spécifique à chaque créateur. C'est l'analyse de l'évolution stylistique d'un compositeur au fil de sa vie, qui permet de cerner sa personnalité.

Le premier concert symphonique du festival témoigne de cette ouverture à travers les époques. Il démarre avec le canon de Guillaume de Machault Ma fin est mon commencement. Une merveille de mathématique musicale égale à celles de Jean-Sébastien Bach.Le texte illustre la musique et la musique le texte : arrivée à sa fin, la musique repart en arrière, et la voix du haut devient celle du bas -et inversement. Une parfaite maîtrise du contrepoint admirablement interprété par l'Ensemble Gilles Binchois. 

L'Orchestre Philharmonique de Strasbourg  sous la direction de Marko Letonja fait son entrée sur la scène de l’Auditorium Rainier III. Ce déplacement est un petit évènement pour les Alsaciens qui effectuent  ici leur premier déplacement après cette longue période de pandémie et ils sont heureux de retrouver le public monégasque. 

Siren's Song, l'une des dernières créations de Peter Eötvös, ouvre la partie symphonique du concert. Eötvös avait déjà composé en 2015-2016 un cycle The Sirens Cycle fondé sur des textes de Joyce, Homère et Kafka. Siren's Song réinvestit la vision des trois auteurs laissant de côté les paroles. Reste alors l'aura métaphysique des écrits et le questionnement de Kafka : les sirènes ont-elles chanté pour Ulysse ou ne l'ont-elles bercé que de leur silence ? Letonja nous entraîne dans ce monde féerique, envoûtant, plein de couleurs et de sons avec sa baguette magique. 

Invité d’honneur du festival, le pianiste Jean-Efflam Bavouzet nous fait découvrir deux univers de Prokofiev, avec ses concertos n°1 et  n°5. La confrontation des deux concertos permet d'apprécier les écarts entre le commencement et la fin du corpus pour piano et orchestre de Prokofiev.

Kantorow à Flagey : l’évidence de la virtuosité 

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Après un concert en ligne l’an dernier (pandémie oblige), Alexandre Kantorow se produisait pour la première fois en personne à Flagey. C’est peu dire que le pianiste français, qui n’a toujours que 24 ans, était attendu avec impatience par un public venu en nombre pour entendre cet artiste révélé au grand public par son triomphe au Concours Tchaïkovsky de 2019 et dont les parutions discographiques ont été récompensées à de nombreuses reprises par la presse spécialisée (dont deux Prix Caecilia).

Artiste aussi sobre qu’intelligent, Kantorow conçoit ses programmes de concert comme un véritable tout organique. C’est ainsi qu’après avoir ouvert son récital en mettant ses impressionnants moyens techniques au service d’une interprétation aussi fine que profonde de ce Prélude sur Weinen, Klagen, Sorgen, Zagen où Bach se retrouve proprement transfiguré par Liszt, il garda les mains sur le clavier pour décourager toute velléité d’applaudissements avant d’enchaîner par la Sonate N° 1 , Op. 11 de Schumann. Après avoir abordé l’Allegro vivace introductif avec naturel et poésie, il offrit de l’Aria une version alliant une simplicité bienvenue à une belle science du timbre. Après un Scherzo vif-argent, dansant et aux rythmes bien marqués, le Finale fut moins réussi. En effet, l’interprète se crispa un peu, ce qui se traduit immanquablement par des duretés dans le son et il ne parvint qu’imparfaitement à rendre ce caractère ailé et poétique qui est la marque de la musique de Schumann et la rend si difficile à interpréter.

Les « Lunch Concert », un rendez-vous à ne pas manquer à la Philharmonie de Luxembourg

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Une fois par mois, la Philharmonie du Luxembourg propose un « Lunch Concert ». Petites représentations d’environ une demi-heure, ces concerts sont totalement gratuits et ne nécessitent pas de réservation. C’est une occasion en or d’entendre des musiciens talentueux dans des programmes qui réservent parfois quelques surprises.
Ce mardi 29 mars, quatre percussionnistes (Laurent Warnier, Rachel Xi Zhang, Élise Rouchouse et Mark Braafhart) et une flûtiste soliste (Hélène Boulègue) nous ont proposé un magnifique programme composé d’œuvres arrangées de Lili Boulanger, sœur cadette de Nadia, et une Suite en concert d’André Jolivet.

Ils ont interprété quatre œuvres de la compositrice française : D’un matin de printemps pour violon (flûte) et piano (orchestre), Nocturne pour violon et piano, Cortège, aussi pour violon et piano et enfin Le Retour. Toutes quatre furent arrangées, par Rachel Xi Zhang (D’un matin de printemps) et Laurent Warnier (les trois autres), pour deux marimbas, deux vibraphones et une flûte. Ces arrangements sont une vraie réussite. L’esprit et la dynamique des œuvres originales sont bien présentes, les sonorités des quatre claviers se mélangent afin de mettre en valeur la flûtiste qui oscille entre l’arrière et le premier plan sonore. Les choix de baguettes des percussionnistes sont très intéressants, surtout au marimba ayant le rôle de basse. Élise Rouchouse a utilisé pour deux pièces des baguettes de feutres très grosses qui ont permis de donner un son totalement différent à l’instrument, beaucoup plus rond et surtout beaucoup moins percussif. Hélène Boulègue, elle, tient à merveille son rôle de soliste. Ses nuances et son phrasé nous emportent dans un autre univers duquel on aimerait ne jamais revenir. Petite réserve, s’il faut vraiment en chercher une, la fin des deux premières pièces n’était pas totalement précise. Mais c’est tout à fait insignifiant, et c’est avec une grande hâte que nous avons vu les musiciens se déplacer vers la deuxième partie de la scène et des instruments à percussions non-mélodique.

Belgian Music Days : un peu de tout, et pas mal de musique d’aujourd’hui

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Dédié aux musiques belges (écrites, avec une prédilection pour les compositeurs vivants - mais pas que, puisque le pays est né en 1830 -, et pour la musique contemporaine -mais pas que, puisque électroacoustique et jazz, enseignés eux aussi en conservatoire, y ont leur place), tri-lingue/régional/communautaire (comme le pays, compliqué mais savoureux, qu’il salue), le festival en est à sa troisième édition, bisannuelle. Après Louvain et Mons, c’est à l’est que les Belgian Music Days -le Forum des Compositeurs a récolté plus de 80 propositions de pièces pour cette édition- prennent leurs quartiers, au Alter Schlachthof d’Eupen, imposant ensemble de briques rouges, fidèle au style industriel prussien, dont le destin bascule au début des années 1990, alors qu’il délaisse ses fonctions d’abattoir à viande pour celles de diffuseur de culture -après une conséquente rénovation. Je n’ai pas pu tout voir du programme fourni étalé sur trois jours, frais mais au soleil printanier, scrupuleusement organisé dans un lieu propice aux rencontres et au bar rassembleur : ma sélection est donc contrainte et restreinte -pour une parfaite exhaustivité, notez la date dans votre agenda pour 2024, à Bruxelles.

Sous l’intitulé Musiques et recherches, référence à l’association dédiée à la musique acousmatique initiée par Annette Vande Gorne, le premier rendez-vous fait place à quatre compositions fixées sur support, que le concert spatialise sur un dispositif d’enceintes multiples, dont la diversité des caractéristiques sonores figure l’orchestre. Pour L'invention du Quotidien: #1 Mouvements Ordinaires, c’est Vande Gorne qui dirige l’œuvre (en l’occurrence, qui a les mains sur les potentiomètres de la table de mixage) : Joost Van Kerkhoven est son élève (comme les autres intervenants de ce concert), qui approfondit actuellement les liens entre pensée algorithmique et musique et propose, avec ce morceau joué pour la première fois, des sons trouvés (bruits de pas, expirations, commentaires -sportifs ?-, pales de ventilateur -d’hélicoptère ?-, rires d’enfants, cloches d’église…), naturels, machiniques, du quotidien (outre le titre, directement emprunté aux livres du philosophe français Michel de Certeau, le compositeur s’inspire de la façon dont Anne Teresa De Keersmaeker intègre des gestes banals dans ses chorégraphies), retravaillés et liés à des sons de synthèse. Vande Gorne continue sur sa lancée (comme une danse des mains et du corps devant la table, son plaisir enthousiaste est communicatif) avec In Nomine, cette pièce de Léo Kupper (élève d’Henri Pousseur, pionnier de musique électronique et fondateur du Studio de Recherches et de Structurations Electroniques Auditives), qui, lorsqu’elle la découvre, jouée au Château Malou de Woluwe-Saint-Lambert dans les années 1970, sur une coupole de haut-parleurs dirigés par une sorte de clavier, l’impressionne tant qu’elle décide de se consacrer désormais à l’acousmatique : une musique mystérieuse, majestueuse, teintée du psychédélisme ambiant d’alors. C’est autour de citations de Moriturus d’Henri Michaux, qu’Ingrid Drese cerne Pérégrinations d’une petite sphère happée par le temps, composition réalisée en 2020 et jouée pour la première fois aux Belgian Music Days : un cheminement qui semble hésiter, chancelle, avance, s’égare, revient, persévère, évoque latéralement le vent de sinusoïde qui s’essouffle dans One Of These Days ; une musique qui ondoie et nous fait curieusement apprécier de n’aller nulle part. J’accroche moins aux Paysages (habités) de Marie-Jeanne Wyckmans, assemblage peu musicalisé de sons glanés dans des décors naturels (marins, forestiers, animaliers), complété de bruits (train, vaisselle) et de gazouillis enfantins, qui m’évoquent plus la bande sonore d’un documentaire qu’une pièce composée (l’influence de son métier de bruiteuse au cinéma ?).

A Genève, Jonathan Nott et le XXe siècle  

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Pour la série ‘R comme Romande mais aussi Rareté’, Jonathan Nott consacre le programme du 16 mars de l’Orchestre de la Suisse Romande à trois œuvres majeures du XXe siècle. Il décide surtout d’en juxtaposer deux que l’on a souvent rapprochées, Le Sacre du Printemps, datant de l’hiver 1912-1913, et Arcana qu’Edgar Varèse composa entre 1926 et le printemps de 1927.

Du célèbre ballet d’Igor Stravinsky qui est devenu aujourd’hui un classique, il conçoit l’Introduction comme une longue improvisation menée par le basson dans l’aigu permettant aux bois de développer librement leur couplets. Pour la Danse des adolescentes, il recherche la précision du trait tout en accusant la pesanteur des accords dans les parties de cordes. Les Rondes printanières, le Jeu des cités rivales sont de véritables orgies sonores  tourbillonnant jusqu’à l’entrée des cuivres hiératiques qui accompagnent le Cortège du Sage. Puis une tenue en pianissimo imprégnée de mystère est engloutie par le presto sauvage de la Danse de la Terre. L’Introduction de la seconde partie paraît trop présente en nous privant d’une connotation envoûtante que finira par nous restituer le dialogue des cordes avec les trompettes en sourdines. Sur le pizzicato des violoncelles et contrebasses s’appuyant sur la percussion surgit la Glorification de l’élue. Le rallentando permettant l’Evocation des ancêtres est rapidement zébré par les stridences de la trompette propulsant la Danse sacrale, d’un fauvisme extrême par ses traits à l’arraché.

100 % Stravinsky avec François-Xavier Roth et Isabelle Faust

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Après Chalon-sur-Saône, avant Nîmes, Barcelone, puis Arras, Les Siècles proposent à Dijon leur concert Stravinsky 100%, avec Isabelle Faust, évidemment sous la direction du fondateur de l’orchestre, François Xavier Roth, que l’on ne présente plus. Berliozien émérite, il illustre avec bonheur le plus large répertoire, symphonique et lyrique, son récent Pelléas en témoigne (« Une grande réussite », écrit Philippe Cassard).

Sans surprise, le généreux programme nous offre tour à tour la 2e suite de l’Oiseau de feu, le Concerto pour violon et le Sacre du printemps. Les deux premières œuvres (et,  les Trois pièces pour quatuor) feront l’objet d’une captation.

Du ballet de Fokine, d’après un conte traditionnel, Stravinsky tira plusieurs suites d’orchestre. Il y a deux ans, David Grimal et ses Dissonances, hélas congédiées de Dijon, nous donnaient la version ultime de cet Oiseau de feu. La deuxième, que nous écoutons, de 1919, est la plus diffusée. L’introduction, très retenue, feutrée, mystérieuse et sourde, irisée, comme la magie sont au rendez-vous. La vie prodigieuse de l’oiseau de feu, aérienne, d’une rare liberté, ses variations nous ravissent. La grâce de la ronde des princesses, avec son merveilleux hautbois, la farouche danse infernale de Katschei, tellurique comme transparente, tout est admirable. Toujours la direction est claire, ménageant des équilibres subtils, incisive, percutante, faisant chanter les lignes. La berceuse, enchaînée magistralement, revêt des couleurs chaudes. Enfin la spectaculaire progression du final nous emporte. La réussite est magistrale.