Au Concert

Les concerts un peu partout en Europe. De grands solistes et d’autres moins connus, des découvertes.

À Genève, le Brahms somptueux de Philippe Jordan 

par

Pour sa 71e saison, le Service Culturel Migros organise une série de concerts de prestige. Ce fut le cas le vendredi 4 octobre avec la venue de Philippe Jordan et des Wiener Symphoniker que l’on avait déjà applaudis dans un programme Richard Strauss en juin 2018.

Cette fois-ci, Johannes Brahms est à l’honneur avec le Concerto pour violon et orchestre et la Troisième Symphonie. D’emblée, dès les premières mesures de l’opus 77, l’on reste ébahi par le velouté de la sonorité dans un legato qui s’irise de mille nuances en réponse aux tutti qui ont une réelle profondeur. Intervient la soliste, la jeune Julia Fischer, qui déploie, sur les premiers accords, une indubitable énergie et une fluidité des traits virtuoses, même si le son paraît d’abord quelque peu étriqué. Mais le cantabile aux inflexions douloureuses lui permet d’acquérir de l’assurance ; et le phrasé devient pathétique dans l’emploi des doubles cordes, aboutissant à une cadenza qui révèle l’étendue de ses moyens ; ainsi, elle prend le temps de modeler chaque séquence avec minutie, osant même les pianissimi les plus irréels. Le hautbois dialoguant magnifiquement avec les vents chante l’Adagio dont le solo révèle l’intimisme poétique alors que le Finale est emporté par une exubérance toute tzigane. En bis, Julia Fischer propose une page de Bach, la Sarabande en ré mineur, que sa musicalité libère de toute rigidité.

À Flagey, le couple idyllique Bartók-Eötvös bouleversant au chevet des amours en péril

par

Un long frisson a traversé l’échine des mélomanes rassemblés à Flagey ce 4 octobre. Au programme, deux opéras en un acte sondant les sentiments confus de deux protagonistes, attisés par l’amour et hantés par le doute, dont la confiance vacille jusqu’à trembler sur ses bases à mesure que l’un des amants s’obstine à vouloir faire la lumière sur les lourds secrets de son partenaire. 

Qui d’autre qu’un chef hongrois, passé maître dans l’interprétation des plus grands chefs d’œuvre du XXe siècle, et qu’un compositeur dont les œuvres, qu’elles soient scéniques ou instrumentales, sont toujours empreintes d’un geste théâtral, aurait pu mieux diriger, en versions de concert, le Barbe-Bleue de Bartók et un opéra de sa propre plume, Senza Sangue, composé spécialement pour être programmé avec ce dernier ?

Voces8 et BEvocal à Bozar

par

C’est devant le public déjà conquis de Bozar que Voces8 et BEvocal présentaient leur concert collaboratif ce mercredi. En effet, cela fait plusieurs années que l’octuor d’élite anglais Voces8 participe au Singing Brussels Celebration de la maison. Paul Smith, chef de Voces8, ne manque pas l’occasion de chauffer la salle. Dès qu’il mentionne Singing Brussels, les cris et applaudissements font comprendre que le public est rempli de mordus du chant choral. Il les prévient d’ailleurs qu’ils seront amenés à chanter plusieurs fois pendant le concert. Connaissant l’engagement de l’octuor envers sa mission pédagogique (publication d’une méthode, ateliers dans les écoles, collaboration avec l’université de Cambridge, programme de formations pour jeunes chanteurs en début de carrière…), il n’est pas surprenant de le voir partager la scène avec un chœur de jeunes amateurs belges.

BEvocal, chœur national des jeunes de Belgique, est né en 2017 d’une coopération entre les fédérations chorales des trois communautés linguistiques du pays. Si après seulement 2 ans de travail, ces jeunes de 18 à 30 ans parviennent déjà à offrir une performance de qualité remarquable, on se réjouit de voir l’évolution lorsque l’ensemble gagnera en maturité sous la direction experte de Maria Van Nieukerken ! En tant que nouveaux ambassadeurs du chant choral de haut niveau en Belgique, on peut dire qu’ils ont pleinement mérité leur place aux côtés d’un ensemble professionnel de renommée tel que Voces8.

A Genève, un nouveau Matsuev ?

par

Pour commencer sa saison 2019-2020, la série ‘Les Grands Interprètes’ organisée par l’Agence de concerts Caecilia invite une fois de plus le pianiste sibérien Denis Matsuev. Au cours de ces dernières années, l’image qu’il nous a laissée est celle d’un virtuose au style boursouflé, s’en prenant violemment à son clavier comme s’il se livrait à une partie de catch. Mais Steve Roger, l’un des organisateurs du récital du 30 septembre, m’a convaincu d’y assister en me parlant d’un nouveau Matsuev.

Les Solistes Européens Luxembourg célébraient lundi soir leur 30e anniversaire.

par

Pour l'occasion, ils avaient convié les mélomanes à la Philharmonie Luxembourg (soirée à guichets fermés) et en direct sur les ondes de Radio 100,7.  Notre collègue Remy Franck (*)  a accepté de partager ses impressions avec nos lecteurs.

“L'anniversaire des Solistes Européens Luxembourg a été extraordinaire à tous points de vue.
En présence du Grand-Duc Henri, un programme très spécial attendait le public.
Pas un seul discours : rien que la musique, comme l'ont voulu les organisateurs. Et un programme audacieux : la Symphonie n°9 de Beethoven et A Survivor of Warsaw d'Arnold Schönberg, mais cette dernière œuvre a été insérée entre les 2e et 3e mouvements de la Symphonie.

Journée Bach et Telemann à Royaumont, dans la croisée de styles ancien et moderne

par

L’ancienne Abbaye de Royaumont (à 30 km au nord de Paris) est un laboratoire musical et chorégraphique et dans le même temps une pépinière de jeunes talents. La journée du 21 septembre, dans le cadre du 75e Festival de Royaumont, était consacrée à Bach et à Telemann sous le thème de rencontres fondatrices pour une évolution de l’écriture : la venue de Telemann à Paris chez le facteur de clavecin Vater en 1738 et la visite de Jean-Sébastien Bach à la cour de Prusse en 1747 où il joue sur un pianoforte Gottfried Silbermann. Pour illustrer ces rencontres, des musiciens ont joué sur la copie du clavecin Vater 1732 (réalisé par Emile Jobin, commande de la Fondation Royaumont) et la copie du pianoforte Silbermann 1749 (par Kerstin Schwarz), en présence de leurs facteurs.

Le Chostakovitch de Jonathan Nott

par

Selon la volonté de Jonathan Nott, son directeur artistique, la saison 2019-2020 de l’Orchestre de la Suisse Romande est placée sous l’égide de deux figures de proue du XXe siècle, Benjamin Britten et Dimitri Chostakovitch.

C’est pourquoi le premier concert du 25 septembre a débuté par les Four Sea Interludes op.33a extraits de Peter Grimes, le premier chef-d’œuvre lyrique du musicien britannique. Dawn est évoqué par les longues phrases des violons recherchant un véritable unisson, tandis que les bois accélèrent les zébrures de l’aube, avant de se parer de nervures astringentes afin de dépeindre un Sunday Morning dont les cuivres imitent les carillons. Moonlight tient ici du thrène pesant tandis que, ponctuée par une percussion martelant la basse, déferle la houle de Storm au travers de laquelle affleurera une ultime supplique des violons en quête de rédemption salvatrice.

Rien à voir : quand la musique va au coeur des choses

par

Une fois les 24 chanteurs du Vlaams Radio Koor (Choeur de la Radio flamande, ci-après VRK) et leur chef Bart Van Reyn installés sur la scène de Flagey en compagnie d’un pianiste (qui restera malheureusement anonyme) et d’un quatuor à cordes composés de musiciens (pas davantage identifiés) issus des rangs du Brussels Philharmonic (dont dépend également le VRK), une voix se fait entendre dans les haut-parleurs, celle d’un homme qui nous racontera comment il a fini par perdre la vue à la suite d’une affection génétique et qui commence par nous dire cette simple phrase : « Je ne vous vois pas, mais vous ne pouvez pas me voir non plus ». Ce sera le début de l’histoire du jeune Bruxellois et parfait bilingue Karl Meesters -fondateur de Rien à voir, une association qui cherche à rapprocher les aveugles et malvoyants de toutes les formes de musique- et dont l’histoire personnelle sera le fil conducteur d’un concert remarquablement conçu (et ici, coup de chapeau bien mérité à Alain De Ley, responsable artistique de ce spectacle d’une intelligence inhabituelle) qui nous conduira dans un répertoire de musique chorale moderne et contemporaine axé sur le passage de la lumière aux ténèbres, saisissant parallèle du destin vécu par le jeune homme.

Ouvertures des saisons symphoniques à Monte-Carlo et Nice 

par

Dimanche dernier à Monte-Carlo, l'Orchestre Philharmonique de Monte-Carlo, son directeur musical et artistique Kazuki Yamada et la merveilleuse contralto Marie-Nicole Lemieux -1er Prix du Concours Reine Elisabeth en 2000- ont inauguré leur saison. Marie-Nicole Lemieux est l'artiste en résidence cette année : elle donnera encore deux concerts dans des répertoires très différents. Pour son premier concert, elle a interprété les Sea Pictures d'Edward Elgar avec maestria. Kazuki Yamada avait programmé en ouverture Juventus, une oeuvre de Victor de Sabata, le chef permanent de l’Orchestre de l’Opéra de Monte-Carlo de 1918 à 1930. L’œuvre rappelle les opéras italiens de la même époque. La Symphonie n°3 avec orgue de Saint-Saëns semble être inspirée des poèmes symphoniques de Liszt à qui elle est dédiée. L’effectif orchestral est très important, toutes les parties de l'orchestre sont représentées. Kazuki Yamada excelle dans ce répertoire et il fait briller l'orchestre de tous les feux des pupitres. Une belle introduction de saison alors que l’orchestre part en tournée pour deux semaines à Oman.

Ce jeudi, c’est au tour des voisins de l’Orchestre Philharmonique de Nice d’entamer leur saison de concerts. Le Théâtre de l'Opéra de Nice (1000 places) est comble du Parterre au Paradis. Deux « enfants du pays », la pianiste Hélène Grimaud, née à Aix-en-Provence et le chef Lionel Bringuier, né à Nice, se retrouvent devant un public qui les vénère.

Ouverture de la saison « Music by the Glass » avec Eva Zaïcik et Le Consort

par

Sinfonietta Paris, association fondée en 2011, organise des soirées de concerts « Music by the Glass » dédiées à la jeune génération de musiciens de chambre et d’orchestre exceptionnels. Leurs concerts de musique de chambre se déroulent dans des lieux secrets ou intimes de Paris. Pour l’ouverture de la saison 2019-2020, la mezzo-soprano Eva Zaïcik et Le Consort ont présenté au musée Gustav Moreau des extraits de leur disque Venez chère Ombre (Alpha Classics, printemps 2019) et une sonate de Dandrieu extraite quant à elle du dernier album Opus 1 du Consort (Alpha Classics, septembre 2019).

La définition de la « cantate » est tout autre en France au 18e siècle que dans les pays germaniques. Le mot « cantate » y est mentionné pour la première fois en 1703 et,selon le texte du claveciniste Justin Taylor, l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert en donne toujours cette définition au milieu du siècle : « Cantate : Petit poème fait pour être mis en musique, contenant le récit d’une action galante ou héroïque […] ».