Christoph Heesch, violoncelliste explorateur et narrateur  

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Le violoncelliste allemand Christoph Heesch a remporté un prix ICMA dans la catégorie “Concertos” pour son CD “Golden Age - Cello 1925”. Né à Berlin en 1995, il a commencé le violoncelle à l'âge de six ans. Il a également reçu une bourse de l'Académie internationale de musique du Liechtenstein. Lauréat du 25e concours du Deutsche Musikinstrumentenfonds, il joue un violoncelle Montagnana de 1722 prêté par la générosité d'une famille de Londres. Rémy Franck, président du Jury des ICMA, a rencontré le jeune musicien.

Vous avez remporté le prix ICMA 2019 dans la catégorie “Concertos” avec votre CD “Golden Age - Cello 1925”. Comment en avez-vous élaboré le programme?

J'ai toujours été fasciné par la variété des genres au cours des années ‘20. Malgré le malaise politique de l’époque, les musiciens, les compositeurs et les artistes ont, plus que jamais, osé être créatifs et ils ont même défini de nombreux nouveaux styles et genres artistiques. Grand fan de la Kammermusik No. 3 de Paul Hindemith, j'ai commencé à explorer le répertoire de cette époque et je me suis rendu compte que la définition du concerto pour violoncelle avait quelque chose de spécial. Dans les quatre pièces de cet enregistrement, les compositeurs (Hindemith - Ibert - Toch - Martinu) ont pris leurs distances par rapport à l'usage conservateur d'un orchestre symphonique et ils ont créé -chacun de manière très unique et intime- ce style révolutionnaire d'un concerto pour violoncelle avec un orchestre réduit. Sans doute parce qu'ils étaient tous plutôt jeunes, mais ils provenaient de pays où les influences musicales étaient différentes. Chez moi s’est développé le besoin de combiner ces quatre œuvres et de présenter ma propre interprétation de ces discours musicaux.

Remporter un prix comme le prix ICMA pour votre tout premier CD, qu'est-ce que cela signifie pour vous ?

Tout d'abord, cela signifie que je suis profondément reconnaissant à tous les musiciens d'Eroica Berlin, au chef d'orchestre Jakob Lehmann, au label GENUIN Records et au Fanny-Mendelssohn-Förderpreis. Cela signifie que tous ceux ont participé à cette production étaient vraiment attachés à mon idée, que leur "instrument" soit une baguette de chef, un archet d’instrument cordes ou un ordinateur d’ingénieur du son !

Avec la nomination, j'étais déjà flatté mais plus tard, il m'a fallu un certain temps avant de réaliser que ce CD avait reçu le prix ICMA dans la catégorie “Concertos”. Recevoir ce prix m’incite à rechercher plus de créativité et d’innovation dans le monde de la musique d’aujourd’hui.

Avez-vous déjà des projets pour d'autres CD?

Quand Drazen Domjanic (Musikakademie Liechtenstein) m’a proposé pour le Fanny-Mendelssohn-Förderpreis l'année dernière, j'ai eu beaucoup d'idées différentes et elles changeaient fondamentalement tous les jours. Après un certain temps, l’idée de Golden Age - Cello 1925 est devenue tellement forte que j’ai vraiment dû la réaliser.

Au début de cette année, j’évoquais un enregistrement de pièces pour violoncelle et piano ; mais le « processus » de mon premier CD m’a appris que ce je veux faire, ce n’est pas simplement enregistrer de la belle musique, je veux raconter une histoire sur un sujet fascinant. Et je sais bien que quand ma détermination pour une idée ou un sujet aura assez grandi dans mon esprit, la réalisation deviendra une évidence.

Vous venez d'une famille de musiciens, votre père est violoniste, votre mère est pianiste. Pourquoi avez-vous choisi le violoncelle ?

Quand j’étais enfant, comme tous les membres de ma famille jouaient d'un instrument, la question n’a jamais été de savoir si j’allais jouer d'un instrument, mais lequel choisir ! Mon frère et mon père jouaient déjà tous les deux du violon. On m'a dit de faire autre chose et je me suis orienté vers le violoncelle. Mais je ne parlerais pas vraiment d'un choix réfléchi après avoir considéré tous les autres options instrumentales : à 6 ans, ma connaissance de la musique classique et des instruments était un peu moins développée que maintenant…

Quand avez-vous su que vous deviendrez un musicien professionnel ?

Au cours des dernières années au lycée, tout le monde autour de moi s’est mis à réfléchir à toutes sortes de professions et, pendant un temps, j'ai un peu perdu le « focus » sur mes études de violoncelle. Faire de la musique me semblait inutile dans ma vie, même si je cherchais toujours à créer des moments spéciaux dans mes concerts. À 18 ans, j'ai décidé d'étudier le génie industriel mais quelques mois plus tard, j'ai réalisé qu'il me manquait quelque chose. Le moment qui m’a convaincu de poursuivre une carrière musicale, c’est quand je suis redevenu violoncelliste après avoir pensé que je ne voulais pas faire partie du monde de la musique classique !

Vous avez gagné plusieurs concours. Allez-vous continuer à participer à de telles compétitions ?

Bien que l'idée de jouer devant un jury lors d'un concours soit très artificielle, elle est sans aucun doute l'une des situations les plus inconfortables pour tout musicien ! Et ces situations me rendent souvent plus fort. Puisque je me considère comme quelqu'un qui essaie d'apprendre et d'acquérir plus d'expérience dans toutes sortes de situations sur scène, je peux tout à fait imaginer participer à d’autres concours. Le plus important, ce n'est pas la participation en soi, c’est de développer des capacités telles que la discipline, la concentration, et la concentration pendant la préparation.

La scène musicale actuelle compte un grand nombre de très bons jeunes violoncellistes. Certains parlent même d'un âge d'or. Comment imaginez-vous le cheminement de votre carrière dans ce contexte malgré tout très concurrentiel ?

Pour certains, la concurrence actuelle entre les violoncellistes est effrayante. Violoncelliste et basé à Berlin, une ville qui propose des centaines d'excellents concerts de violoncelle tous les mois, je ressens ce haut niveau de qualité musicale comme une source inspiration plus qu’une concurrence. Je ne peux pas prévoir précisément le déroulement de ma carrière mais je sais -et c’est une certitude !- que ce type d'inspiration, nourrie de toute l'expérience que je tire de ma vie de musicien, me conduira toujours vers l’avant.

Vous jouez un violoncelle de Domenicus Montagnana qui vous a été prêté. Quelle est votre relation avec cet instrument?

J’ai entendu de nombreuses histoires sur le sentiment d'être marié à un instrument. Je comparerais ma relation personnelle avec ce violoncelle, un vieil instrument italien, au fait d'épouser une Grande Dame.

Bien sûr, les premiers instants et les premiers sons de ce violoncelle ont été absolument incroyables. Je pensais entrer dans une nouvelle dimension de la perception sonore. Puis vous explorez l’ensemble de l’instrument, avec toutes ses bonnes et ses mauvaises habitudes et ses complexités. Même s’il y a le son unique de ce Montagnana, il faut vous rester concentré et détendu pour trouver le son «parfait». Et une fois que vous y serez arrivé, vous n’aurez plus rien d’autre à régler ou à déterminer ! Mais au quotidien, il faut parfois beaucoup de patience pour trouver une solution technique qui convienne à la fois au musicien et à l'instrument.

Qu'aimez-vous faire quand vous n’êtes pas à l’instrument ? N'avez-vous jamais regretté de ne pas avoir assez de temps libre, à l'instar des jeunes qui ont choisi d’autres orientations ?

A l’inverse du cliché du musicien ermite, j’aime pratiquer toutes sortes de sports, notamment le football. Depuis que je suis tout petit, j’ai souvent préféré le ballon de football au piano ! Même aujourd’hui, je me rends compte que si le violoncelle, ou la musique en général, ont un rôle central et majeur dans ma vie, ils ne définissent pas complètement la personne que je suis. Poursuivre une carrière qui exige beaucoup de discipline et de travail, d’accord, mais il faut aussi réserver du temps à la rencontre d’autres personnes. C’est pourquoi vous me trouverez très souvent occupé à cuisiner pour mes amis ou ma famille.

Propos recueillis par Rémy Franck

Le site de Christop Heesch :  https://christoph-heesch.com

Crédits photographiques : www.christoph-heesch.com

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