La Salle Favart célèbre le 200e anniversaire d’Offenbach avec Madame Favart

par

Madame Favart, l’opéra comique en trois actes d’Offenbach créé à la fin de sa vie en 1878 -il mourra en 1880- permit au compositeur d’origine allemande un retour « sur scène » après une période difficile suite à la défaite française face à la Prusse. C’est le dernier éclat de sa vie, le « dernier grand succès » selon le chef Laurent Campellone.
Mais notre impression sur cette production est mitigée : il est déconcertant de suivre constamment un mélange de musiques de styles tout azimut pendant 2 heures 30. Certes, Offenbach savait parfaitement comment fonctionnait le public et il a concocté une belle partition qui, à la fois, répondait aux attentes de ce dernier et le surprenait. Ainsi, à côté d’un joyeux ensemble pour l’Orphée aux enfers, on trouve des envolées lyriques très amples ou encore une tyrolienne. Aujourd’hui, pour nos oreilles qui ne sont pas (ou plus) habituées à ce genre de patchwork, la surprise agit autrement et il nous faut du temps pour pouvoir tout digérer… Au milieu de tout cela, cependant, un très bel air de Charles-Simons Favart dans l’acte III, justement surprenant dans sa facture (on frôle le music-hall !), montre le parfait savoir-faire de l’homme qui fut un temps le roi de l'opérette.

Le livret, qui raconte l’histoire des premières figures majeures de l’opéra-comique (genre et théâtre), Charles-Simon et Justine Favart, est d’une grande complexité. Si les très prolifiques et chevronnés Alfred Duru et Henri Chivot -qui produiront deux ans plus tard La Fille de Tambour Majeur et La Mascotte- ont su mêler habilement la fiction (le couple Suzanne/Hector) au fait historique avec les Favart et le Maréchal de Saxe, leur œuvre n’apparaît pas aussi claire que ce qu’elle aurait été à l’époque de sa création. Car le fameux épisode de la fuite du couple de comédiens, de la main de ce dernier, aristocrate au service du Louis XV, était bien connu de tous au XIXe siècle : les pièces basées sur cette anecdote se multipliaient et il n’était pas nécessaire de l’expliquer. Les incroyables  péripéties qui lui font suite sont dignes d’un roman-feuilleton d’aventure, un peu à la manière d’Alexandre Dumas. Pour apprécier pleinement l’histoire, nous recommandons à ceux qui assisteront aux reprises à Limoge (novembre 2019) ou à Caen (décembre 2019) de réviser l’intrigue avant de se rendre au théâtre…

La production réunit une belle cohorte de chanteurs rompus au genre : Anne-Catherine Gillet (Suzanne), Christian Helmer (Chales-Simon Favart), Franck Leguérinel (le Major Cotignac), Eric Huchet (le Marquis de Pontsablé), Lionel Peintre (Biscotin)… Dans l'ensemble, les rôles -principaux, secondaires, voire petits rôles- sont ingénieusement interprétés, y compris les dialogues. Car ceux-ci occupent une place majeure dans cette œuvre, véritable opéra comique où chanté et parlé sont distribués en parts égales, d’autant qu’Anne Kessler (de la Comédie Française), qui débute dans la mise en scène d’opéra, a décidé de ne rien supprimer du texte ni le réécrire. Le débit et le rythme du parlé sont aussi minutieusement étudiés et appliqués que dans le chant car ils sont déterminants pour la fluidité du spectacle. Or notre Madame Favart, Marion Lebègue, peine à s'exprimer avec aisance et sa voix riche et ample -qui fera sans conteste une très belle héroïne romantique- ne semble pas adaptée à cette œuvre. En revanche, une très belle surprise fait la joie de cette production : François Laugier. Cet ancien de l’Académie de l’Opéra-Comique a fait un tel chemin ! Excellent comédien lorsqu’il parle, son timbre lumineux et souple fait merveille quand il chante et on se délecte à l'infini. Laurent Campellone taille et modèle l’Orchestre de Chambre de Paris pour chaque acte, chaque scène et chaque air pour éclairer cette partition décousue. Le chœur de l’Opéra de Limoges préparé par Edward Ananian-Cooper remplit bien son rôle, même si les voix féminines manquent parfois d’unité.

Du côté de la mise en scène, nous regrettons un certain statisme qui mène aux limites de l'ennui (fin du 2e acte, quand tout le monde entonne « Rapatatapan ! » en imitant tambour et trompette !). L’étage des deux côtés de la scène reproduit l’atelier de costumes de l’Opéra-Comique mais n'est pas exploité, si ce n'est pour des personnages aux mouvements très secondaires. Si la trappe de la cachette de Favart en fuite se mue par la suite en feu de bivouac (une bonne idée), la scène de camps est évoquée par des tentes miniatures qui recouvrent les machines à coudre de l’atelier. Cet atelier est un hommage à Madame Favart qui a inventé les costumes de théâtre, introduisant le réalisme avec les comédiens vêtus selon la condition sociale de leurs personnages. Mais encore faut-il le savoir…

Ceci étant dit, la soirée n’est aucunement désagréable, on découvre une partition rare et bien jouée et c’est désormais la tâche reconnue de ce Théâtre avec la collaboration du Palazzetto Bru Zane dans le cadre du Festival Bru Zane Paris.

Paris, Opéra Comique

Victoria Okada

Crédits photographiques :  © Stefan Brion

Vos commentaires

Vous devriez utiliser le HTML:
<a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <s> <strike> <strong>

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.